Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

ESI

« On t'appellera le stagiaire… »

Publié le 17/02/2016
étudiant en soins infirmiers

étudiant en soins infirmiers

Sur son blog intitulé « Monsieur Piqûre - Futur Infirmier », ce jeune étudiant en soins infirmiers se raconte. « Entre stress et passion, j'ai eu envie de décrire mes ressentis durant la formation qui mènera au plus beau métier du monde ». Le texte présenté ici nous décrit l'ambiance de stage dans un service d'urgence… et l'urgence était justement de reparler de l'ambiance et de la dénoncer…  

Sous prétexte qu'il y a beaucoup d'étudiants, cet étudiant va donc hériter d'un qualificatif « stagiaire » pour les deux prochains mois, c'est la meilleure…

Pris dans le tourbillon du manque de temps, voilà un moment que je n'avais pas alimenté mon blog. Et pourtant, j'en ai des choses à dire, si vous saviez… Et sur le sujet dont je vais vous parler aujourd'hui, j'en ai pas mal à raconter… Mon dernier stage, celui du semestre 3, s'est déroulé dans le service des urgences d'un hôpital. J'étais, et je suis toujours, ravi de faire (d'avoir fait) ce stage là, ça correspond à ce que je cherche dans le métier et je crois avoir trouvé ma future voie. Mais que ce fut dur, non pas au niveau théorie et pratique, mais au niveau « ambiance d'équipe ». Pour tout vous avouer, avant d'arriver là où je suis, je pensais que si on s'en prenait plein la tête en stage, c'est qu'on l'avait bien cherché. Mais croyez-moi, c'est faux.

Jour 1 - 8H30

J'ai pas dormi de la nuit. Comme avant chaque stage. Mais celui-là a une saveur particulière : il se déroule dans le service de mes rêves, les urgences. J'ai donc pris la peine d'arriver largement en avance. Je suis un paniqué des horaires et je retrouve un collègue et ami de ma promotion à l'entrée de l'hôpital. On décide de faire le tour de l'établissement avant de se présenter à l'accueil de notre service, on ne réalise pas, on a peur, mais on y est.
Allez, c'est parti… on se lance plein de sourires et de bonne volonté. Bonjour, on est étudiants infirmiers, on vient pour notre premier jour. Un infirmier se présente à nous, nous accompagne jusqu'aux vestiaires et nous amène dans le service. Bonjour, je suis (...) étudiant infirmier en 2ème année. Cette phrase, connue de tous les étudiants infirmiers, je la lance à travers l'office dans lequel l'équipe est en train de petit-déjeuner. C'est à ce moment très précis que j'ai compris que les dix semaines qui allaient suivre ne seraient pas aussi idylliques que ce que j'avais imaginé. Rien. Nada. Pas de réponse. Ou alors un salut lancé sans même un regard. Un étudiant de 3ème année se présente à moi et m'emmène dans le service : tu verras, le service est bien, mais l'équipe.... Prédiction confirmée, je crois que ça va être beaucoup moins sexy que ce que je pensais. La journée se passe et, après avoir fait deux ou trois photocopies (…), je rejoins l'équipe qui est cette fois en train de déjeuner. Dis, le stagiaire, tu peux aller faire un ECG en 2 ? s'exclame une infirmière diplômée. Une aide-soignante rétorque immédiatement que, par hasard, il est probable que je dispose d'un prénom. Ouais mais tu sais y'a trop de stagiaires alors j’apprends pas leur prénom et je les appelle comme ça, c'est plus facile. La douche froide… c'était pas un mythe, ça existe vraiment ! Sous prétexte qu'il y a beaucoup d'étudiants, je vais donc hériter d'un qualificatif pour les deux prochains mois, c'est la meilleure… Dans le service y'a beaucoup d'infirmier(e)s, il ne me semble pas que je t'appelle « truc » pour autant. Cette situation pose le cadre pour la suite du stage.

Dis, le stagiaire, tu peux aller faire un ECG en 2 ? » s'exclame une infirmière diplômée

Alors non, je demande pas que les professionnels fassent ami-ami avec les étudiants, mais il me semble que notre métier a pour but de maintenir la dignité humaine, et que la dignité, ça commence par reconnaître l'identité de l'autre. Et si vous saviez toutes les autres joyeusetés que j'ai connu dans ce service ! Les arrivées le matin, plein de motivation et d'amour pour ce que je fais, remballé par une absence de réponse à un simple « bonjour » souriant. Plus qu'une absence de réponse, même une absence de regard. Comme si vous n'étiez pas là, comme si vous n'existiez pas, comme si le fait de n'être « qu'un » étudiant signifie que vous n'êtes même plus un être humain. J'ai beaucoup réfléchi pendant ce stage, j'ai compris beaucoup de choses. Je suis redescendu de mon « pays des Bisounours » et j'ai vu. J'ai vu ce qu'on m'avait raconté, j'ai compris ce que c'était le manque d'humanité. Je suis pourtant motivé, je me tue à la tâche, je fais des recherches et je les réinvestie pendant mon poste. Mais non, ça n'a rien à voir, vous n'êtes « qu'un étudiant ».

J'ai quand même pris du recul, notamment grâce à mes collègues, avec qui on se serre les coudes, et on raconte nos mésaventures à l'institut. Mais vous comprenez, « on est tous passés par là ». Alors d'accord, sous prétexte que ça arrive souvent, on doit normaliser ces comportements ? Non. Je ne suis pas d'accord et je n'arriverai jamais à comprendre cette expression d'un complexe de supériorité, c'est ridicule et dénué de toute humanité. Il faut que les choses changent. Il faut que nous, futurs professionnels, on s'oppose à ce genre de comportements. Heureusement, ils n'étaient pas tous comme ça et certaines des infirmières du service, bien que paraissant froides au premier abord, m'ont accueilli comme il se doit.

Comme si vous n'étiez pas là, comme si vous n'existiez pas, comme si le fait de n'être « qu'un » étudiant signifie que vous n'êtes même plus un être humain.

Les stages nous permettent de voir quel professionnel nous voulons être et celui que nous ne voulons pas être. Moi, j'ai trouvé celui que je ne veux pas être. C'est l'énième article de blog sur ce sujet, mais ça ne doit pas être le dernier. Il faut que ça change.

Cet article a été publié le 15 février 2016 sur le blog « Monsieur piqûre – Futur infirmier » que nous remercions pour ce partage qui devrait, une fois encore, faire parler…


Source : infirmiers.com