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HYGIENE

Quid du linge « non adapté » pour les toilettes

Publié le 08/06/2015
toilette patient

toilette patient

Camille, étudiante en soins infirmiers à Saint-Etienne, nous livre une interrogation vécue lors de son premier stage. Une situation d'hygiène observée dans un service de neuro-psycho gériatrie en soins de longue durée - le manque constant de linge pour accomplir correctement la toilette des patients - a soulevé chez elle de multiples questions qu'elle nous livre ici.

"L'étonnement" ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage

Formatrices dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Pascale Brisse et Zohra Messaoudi ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement "Hygiène et infectiologie", de réaliser une analyse de situation à partir d'un "étonnement" vécu lors de leur premier stage. Elles nous en proposent trois - parmi ceux jugés les plus pertinents - que nous publierons au cours des trois prochains mois. Voici le troisième, signé de Camille, et merci pour ce partage. Il serait en effet dommage que ces réflexions de profanes restent anecdotiques.

La très intéressante réflexion d'une ESI de 1ere année en stage ; en sachant que le linge adapté à la toilette peut être une des causes des infections nosocomiales, quand est-il alors d'un linge non adapté ?

L'hygiène corporelle est un soin qui permet d'être propre et de protéger ses téguments, c'est un facteur de bien-être physique et moral de la personne soignée, il permet également l'observation et la relation.1 Dans le cadre de la validation de l'UE 2.10 S1: « Infectiologie Hygiène », j'ai fait un travail d'analyse de situation rencontrée en stage en identifiant des règles d'hygiène précises et en argumentant leurs utilisations. J'ai effectué mon stage dans un service de Neuro-Psycho Gériatrie en Soins de Longue Durée composé de 24 lits. Le personnel du service est composé d'infirmiers diplômés d'état, d'une cadre de santé, d'aides-soignantes, d'agents de service hospitalier, d'étudiants en stage (infirmier, aide-soignant…). Il y a généralement une infirmière et deux aides-soignants par poste.  Le service composé d'une salle de soin et d'une cuisine, est également à proximité de la lingerie qui se situe dans un bâtiment mitoyen.

Comment est-il possible que le service n'ait pas régulièrement la quantité nécessaire de linge pour effectuer les toilettes des patients ? Est-ce un problème d'organisation ou de fonctionnement de la lingerie ?

Description de la situation

La situation que j'ai décidé de décrire pour mon analyse d'hygiène n'est pas une situation isolée. En effet, j'ai pu constater au cours de mes cinq semaines de stage un constant manque de linge pour accomplir correctement les toilettes des patients : nombre de gants insuffisant, voire manque total. Il m'est arrivé régulièrement de devoir réaliser des toilettes avec un seul gant ou bien avec seulement des serviettes. Mais le moment qui m'a le plus interpellée s'est déroulé un matin lors de la préparation des chariots de linge pour les toilettes. Il n'y avait plus aucun gant et pas assez de serviettes pour en utiliser une pour laver et une pour sécher. Les soignants ont alors d'abord essayé de récupérer un minimum de gants dans les autres services, mais ils étaient eux même en possession d'un nombre limité de gants pour leurs toilettes du jour. En regardant les stocks de linge de notre service, les soignants ont pu remarquer une quantité importante de lavettes appartenant au personnel de nettoyage. Ils ont donc décidé, malgré quelques réticences de certains, d'utiliser les lavettes du personnel de nettoyage en remplacement des gants et ce, pour l'intégralité des toilettes du jour. Les vingt-quatre toilettes ont ont ainsi été réalisé avec des lavettes. Néanmoins, les soignants n'ont pas fait de toilettes complètes et se sont donc limités aux toilettes intimes.

Cette situation me pousse à me demander comment est-il possible que le service n'ait pas régulièrement la quantité nécessaire de linge pour effectuer les toilettes ? Est-ce un problème d'organisation ou de fonctionnement de la lingerie ? Et surtout, le choix d'utiliser les lavettes était-il bien réfléchi ? N'y avait-il pas d'autres solutions plus adéquates ?

Les soignants ont donc décidé, malgré quelques réticences de certains, d'utiliser les lavettes du personnel de nettoyage en remplacement des gants et ce, pour l'intégralité des toilettes du jour.

Législation et réglementation

D'après le Code de la Santé Publique, j'ai pu retrouver des articles en lien avec ma situation d'hygiène :  

Le droit à la dignité est aujourd'hui un droit fondamental. Il est inscrit à l'article L. 1110-2 du Code de la santé publique.

La toilette n'est pas régie par la législation, mais par des protocoles de soins et du bon sens. En effet, la toilette peut être exécutée de plusieurs façons, tant qu'elle respecte les règles d'hygiène.  Généralement, elle se réalise avec deux gants (un pour le haut et un pour le bas) et de deux serviettes). Elle a pour but de :

  • d'assurer bien être et confort ;
  • maintenir une peau saine et propre ;
  • développer les capacités de communication de la personne ;
  • prévenir l’apparition de dégradations corporelles ;
  • dépister les complications liées à une pathologie et /ou à l’alitement ;
  • restaurer une image de soi positive chez la personne ;
  • développer l’autonomie physique et psychique des personnes ;
  • réhabiliter le schéma corporel ;
  • accompagner et rassurer la personne en fin de vie2.

 Le centre hospitalier dans lequel j'ai effectué mon stage est doté d’un dispositif des vigilances et des risques (le COVIRIS, Comité des Vigilances et des RISques) afin de veiller, de façon coordonnée, à la sécurité des produits, appareils et matériels qui concourent aux traitements et pour mieux maîtriser les situations à risque.

Les principaux domaines concernés sont :

  • l'Hémovigilance (transfusion sanguine, produits sanguins etc.) ;
  • la Matériovigilance (surveillance des matériels et appareils médicaux) ;
  • la Pharmacovigilance (surveillance du risque d'effets indésirables des médicaments).

un service hospitalier n'est-il pas censé être en possession d'une quantité nécessaire de linge en fonction de son nombre de patients ?

Constat des écarts

En s'appuyant sur le paragraphe précèdent "Législation et réglementation", de mes recherches ou encore de mes connaissances, je constate de nombreux écarts avec les faits de ma situation d'hygiène. Premièrement, un service hospitalier n'est-il pas censé être en possession d'une quantité nécessaire de linge en fonction de son nombre de patients ? La lingerie n'est-elle pas supposée distribuer régulièrement du linge dans les services afin que ces derniers n'en manquent pas ?3 Cependant, on peut noter ici qu'il n'est pas rare que le linge soit en quantité insuffisante pour satisfaire aux besoins du service. Ensuite, une toilette nécessite, de préférence, deux gants et deux serviettes. Ce manque indéniable de linge permet-il ce confort ? Enfin, d'autre part, la toilette n'est-elle pas supposée assurer le bien-être et le confort de la personne, prévenir l'apparition de dégradations corporelles et restaurer une image de soi positive de la personne. Ceci, bien sûr, à condition qu'elle soit réalisée dans les conditions et avec les moyens qui le permettent ?4

En sachant que le linge adapté à la toilette peut être une des causes des infections nosocomiales, quand est-il alors d'un linge non adapté ?

Les différentes causes et conséquences de cette situation

Il faut savoir que les soignants ont régulièrement fait part de ces situations à leur cadre de santé  mais, malgré leurs efforts, la quantité de linge n'était pas optimum. Le jour où les soignants ont dû exécuter les toilettes avec des lavettes, ils ont, en parallèle, réalisé une "fiche d'alerte" qui leur permet de se dégager de toutes responsabilités s'ils estiment que les conditions de travail ne leur permettent plus d’assurer une qualité optimum de leurs missions, leur sécurité et celle des patients ou du public. Jusqu'à la fin de mon stage la situation ne s'est pas plus dégradée, et le linge était quand même plus abondant, et ce, plus régulièrement.

Il est important de savoir que le linge est estimé comme intervenant dans 17% des infections nosocomiales5 en raison de sa mauvaise manipulation et de ses mauvaises conditions de stockage. Donc, en sachant que le linge adapté à la toilette peut être une des causes des infections nosocomiales, qu'en est-il alors d'un linge non adapté ?

En effet, certains produits utilisés dans les préparations pour le nettoyage ou la désinfection sont irritants, corrosifs, inflammables ou toxiques6. Les textiles utilisés pour l’entretien ménager subissent un cycle de lavage-désinfection identique à celui du linge dit “plat” (les grands plats : draps, champs, alèses et les petits plats : serviettes de bain, de table, taies, gants) mais peuvent, après séchage, être distribués sans précautions particulières. En revanche, le linge destiné aux patients nécessite des précautions de manipulation, il doit être manipulé le moins possible afin d'éviter toute contamination7.

En sachant que le linge adapté et propre est déjà susceptible d'être la cause d'infections nosocomiales, il me semble que du linge ayant été en contact avec des produits ménagers soit encore plus susceptible de l'être. Prenons, par exemple, les produits alcalins qui sont souvent utilisés par les personnels de nettoyage. Ils ont un pH supérieur à 7 et sont connus pour neutraliser les acides. La flore vaginale est naturellement de pH acide et doit le rester afin de résister aux microbes et aux germes. La possibilité que des traces d'alcalin restent sur les lavettes aura pour effet de déséquilibrer la flore vaginale et ainsi causer des infections.

En conclusion

Après cette première immersion dans le monde hospitalier, j'ai pu constater que les conditions et les moyens mis à disposition pour travailler sont bien loin de la théorie. Il est donc important d'être réactif dans une telle situation, de l'analyser et de tenter de trouver la solution la mieux adaptée. Dans la situation que j'ai présenté, il n'est pas évident de trouver une solution qui répondra complètement aux normes d'hygiène. Néanmoins il fallait envisager une issue : laisser les résidents souillés après leur nuit ? Réaliser une toilette malgré un risque d'infection ? Prendre plus de temps pour réfléchir à une solution moins risquée ?

  • Laisser les résidents souillés : solution inenvisageable pour ma part. D'autant plus qu'en laissant trop longtemps la protection souillée, il y a un risque d‘ irriter l'état cutané et entraîner un escarre.
  • Réaliser la toilette avec des lavettes pouvant entraîner une infection : oui et non. Non, car avec le peu d'expérience que j'ai, je n'aurai pas pris l'initiative de le faire. Et oui, à condition qu'il y ait une surveillance de l'état cutané des parties génitales et de signes d'une infection.
  • Prendre le temps de réfléchir d'avantage pour trouver une solution plus adaptée : oui, car la décision a été rapidement prise. Mais peut être qu'en insistant plus auprès des autres services nous aurions pu récupérer un minimum de linge. Ou bien encore peut être réaliser les toilettes avec des draps, ou housses d'oreiller qui ne sont pas plus adaptés mais suivent le même traitement en lingerie que les gants.

Enfin, j'ai également pu constater que des dispositifs étaient mis en place afin de faire part d'un quelconque problème, comme la "fiche d'alerte". Et ces dispositifs se révèlent très importants afin d'assurer le confort des résidents, mais aussi celui des soignants !

Notes

  1. Définition de l'hygiène corporelle utilisée par soins-infirmiers.com. Auteur inconnu.
  2.  Livret de pratique en soins infirmiers de Marseille
  3. Cclin Sud-Est - Circuit hospitalier du linge - Avril 2009.
  4. Livret de pratique en soins infirmiers de Marseille.
  5. Le Moniteur Hospitalier n°174 du 01/03/2005.
  6. C.CLIN Ouest. Hygiène des structures d’hébergement pour personnes âgées. 2002
  7. service public fédéral, Recommandations en matière de traitement du linge des institutions de soins.

Bibliographie

Camille BERNARD  Etudiante en soins infirmiers, 1ere année, Croix-Rouge Formations, Rhône-Alpes, Saint-Etienne.


Source : infirmiers.com