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L’"Europe de la santé" : des propositions pour une union plus forte

Publié le 24/05/2019

Une harmonisation des pratiques via un réseau européen de professionnels de santé, des bornes éthiques pour une recherche de nouvelle génération, un marché européen de la santé, le think tank l’« Europe de la santé » composé des sept fédérations d’étudiants en santé, dont la Fnesi, a fait 24 propositions pour créer une vrai Union Européenne dans le domaine de la santé. A l'approche des élections européennes ce 26 mai, certains représentants des différents partis politiques en lisse se sont même pris au jeu de donner leur avis sur ces suggestions.

Les fédérations des étudiants en santé réclament une Europe plus soudée dans le domaine de la santé.

Pour les étudiants en santé, l’Europe permettrait d’ériger des conventions communes dans le secteur de la santé qui iraient bien au-delà de celles déjà mises en place. En effet, le think tank « l’Europe en santé » composé des sept fédérations d’étudiants en santé1 a rédigé 24 propositions pour faire évoluer les normes européennes en santé. La finalité : une Union Européenne plus unie et davantage d’harmonisation entre les Etats face aux enjeux de santé.

Premier point mis en avant, la création d’un marché européen de la santé afin de bénéficier d’un espace de coopération entre les membres de l’UE avec des règles coordonnées en matière de tarification des produits de santé et de protection sociale. Les fédérations suggèrent également la mise en place d’un programme au sein de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pouvant aider directement les politiques de santé des pays de l’UE. De même, les dépenses d’éducation et de santé devraient être sorties des 3% du PIB de déficit public imposé aux Etats.

D’autre part, le think tank s’attaque à la prévention car si les politiques de santé des pays membres restent de leur ressort, certaines problématiques ne se situent pas à la seule échelle d’un Etat mais résultent des différences de régimes sanitaires d’un pays à l’autre. C’est pourquoi les étudiants estiment qu’il est nécessaire de créer un "Observatoire Européen de la Démographie des Professionnels de Santé" et de limiter le recours à des professionnels étrangers lorsque ceux-ci proviennent d’Etat où il y a une pénurie en personnel de santé . Par ailleurs, ils préconisent de définir des quotas européens de formation de ces professionnels. En outre, vis-à-vis de la population, ils recommandent différents programmes de prévention notamment pour promouvoir l’activité physique dès le plus jeune âge ou une alimentation plus saine dans les écoles ou au travail. Dans la même veine, il est question de mettre en place des campagnes européennes sur la vaccination portées par les professionnels et les étudiants.

Créer un socle de compétences des professionnels de santé à l’échelle de l’Europe ainsi qu’un tronc commun dans le premier cycle des études de santé font partie des propositions

Harmoniser les pratiques de santé au sein de l’Union pour favoriser la mobilité

Si les enjeux de santé peuvent varier entre les Etats, la mobilité au sein de l’UE reste un atout majeur. Cependant, elle n’est pas toujours facilitée : les divergences entre les diplômes et l’hétérogénéité des pratiques des professionnels de santé en fonction des territoires y est pour beaucoup. C’est pourquoi il est prépondérant aux yeux des étudiants de créer un socle de compétences des professionnels de santé à l’échelle de l’Europe ainsi qu’un tronc commun dans le premier cycle des études de santé. Il est aussi question de renforcer l’éducation thérapeutique des patients, mettre en place un consensus européen des bonnes pratiques vaccinales et faire évoluer les dispensations des antibiotiques.

Enfin, le think tank propose de borner au mieux la recherche, notamment du point de vue éthique. En effet, le numérique et l’intelligence artificielle occupe une place grandissante dans le monde de la santé tant dans le traitement des données que dans la recherche. D’où l’intérêt de définir un cadre éthique à grande échelle.

Il y a énormément de choses dans ce que vous proposez qui ne sont pas de la compétence actuelle de l’Europe et c’est cela qui est intéressant. Il faut se donner les moyens pour faire changer les choses - Marie-Laure Darrigade

Le point de vue des représentants politiques

Lors d’un débat organisé par le think tank et l’agence de conseil Nile à l’Académie nationale de médecine, différents représentants des six principales listes candidates aux élections européennes ont pu donner leur avis et échanger sur ces propositions. Celles qui ont réuni la grande majorité des suffrages concernaient la prévention.

La première à s’exprimer, Véronique Trillet-Lenoir, candidate sur la liste Renaissance (LREM), a surtout insisté sur l’importance d’harmoniser les compétences des professionnels de santé au sein de l’Europe ,notamment via l’universitarisation des infirmiersCela me semble être la voie d’avenir notamment en ce qui concerne les professions paramédicales. En France nous sommes très en retard à ce niveau.

Philippe Juvin, député européen sortant du parti des Républicains, souligne, quant à lui, que certaines de ces demandes sont déjà plus ou moins mises en place. Par exemple, la BEI finance déjà des programmes de recherche comme les fameux cœurs artificiels CARMAT. De même, si les étudiants recommandent l’accès à un remboursement des soins transfrontaliers : on peut déjà aller se faire soigner au-delà des frontières et se faire rembourser dans les mêmes conditions que dans son pays mais étrangement ce sont les Français qui ont le moins recours à cette option. Il est également favorable à toutes les propositions au sujet de l’amélioration de la prévention mais on fait ce que les Etats veulent bien faire. Il émet toutefois des réserves au niveau de la directive limitant le recours aux professionnels provenant de pays avec des pénuries de personnel : à l’heure actuelle, tous les pays les subissent. Je reste favorable à la liberté d’installation partout au sein de l’UE. Le principe du marché unique est l’un des aspects de l’Europe qui fonctionne.

En outre, Marie-Laure Darrigade, candidate de la France Insoumise, a trouvé le travail du think tank « très intéressant » notamment les points concernant l’optimisation de la prévention. Elle a particulièrement mis l’accent sur la demande de mettre en place un programme européen sur le Handicap. Cela me semble plus qu’essentiel. Pour avoir côtoyé des personnes en situation de handicap, quand elles se qualifient elles-mêmes de boulets de la République, ce n’est pas un vain mot. Mais la situation est similaire partout en Europe. Le nom recours au soin pour ces personnes a explosé ces dernières années. En parallèle, elle est également favorable à l’initiative sur la promotion de la vaccination en précisant qu’ il faudrait bénéficier de vaccins sans adjuvants aluminiques pour être en capacité de proposer des vaccins adaptés à tous.

Jérémie Crépel, président du groupe Europe Ecologie Les Verts (EELV) à la Métropole Européenne de Lille (MEL) représentait la liste de son parti. Il a lui aussi salué les mesures sur la prévention mais a spécifiquement appuyé la création d’un modèle européen de tarification des produits de santé.Les tarifs ne sont pas connectés aux prix de revient des traitements. L’élu a cité l’exemple connu des traitements contre l’hépatite C vendus à un prix exorbitant. Les associations de patients ont dû porter l’affaire en justice pour faire cesser le brevet. Il y a un vrai besoin.

Une des propositions qui a suscité davantage de débat fut celle sur la sortie des dépenses sur l’éducation et la santé des 3% de déficit public. Si Jérémie Crépel et Marie-Laure Darrigade sont plus que d’accord avec cette proposition, ce n’est pas le cas de Philippe Juvin. Ces 3%, c’est du bon sens, c’est-à-dire qu’il ne faut pas avoir de déficits pour bien gérer, argumente-t-il.

Pourquoi on arrive dans certains pays à partager les compétences entre les professions de santé et que dans d’autres pays c’est compliqué ?

Coopération, antibiorésistance des questions en suspens

Les représentants des fédérations ont également pu poser des questions aux représentants des listes candidates. Bilal Latrèche, président de la Fnesi, les a questionnés sur les protocoles de coopération . Chaque pays a divers protocoles de coopération. Alors pourquoi ne pas mettre les différents acteurs autour de la table afin de trouver un système pertinent pour tirer l’Europe vers le haut ? Pourquoi on arrive dans certains pays à partager les compétences entre les professions de santé et que dans d’autres pays c’est compliqué ? Est-ce que l’Europe ne devrait pas pousser pour la mise en place de protocoles au service des patients ?

Certains pays dont le nôtre ont beaucoup de retard sur cette question par rapport, en particulier, au pays d’Europe du Nord dans lequel la profession infirmière est déjà parfaitement intégrée dans le processus LMD. Quand il y a un tel différentiel, il faut du temps pour parvenir à une harmonisation. Mettons déjà en place les pratiques avancées , les masters et les enseignants infirmiers, explique Véronique Trillet-Lenoir. Pour Philippe Juvin la multiplication des besoins et de nouveaux métiers va faire qu’il va falloir déléguer un certain nombre de tâches.

D’autre part, Isabelle Riom, première vice-présidente de l’ISNI, a abordé la question de l’antibiorésistance et la recherche de nouveaux antibiotiques au niveau européen. Tout un accompagnement préventif est à mettre en place au sein des familles car les parents peuvent être rassurés d’avoir un antibiotique pour leur enfant, précise Marie-Laure Darrigade. L’Europe peut faire quelque chose : c’est rompre tous les traités de libres échanges où il n’y a pas de sécurité sanitaire. Or, dès l’instant qu’il y a des éléments de l’ordre de l’alimentaire, des matières premières, même de matériaux transformés, on s’aperçoit que nous n’avons aucune sécurité, annonce Joëlle Mélin, députée européenne actuellement sur la liste du Rassemblement National (RN). Le sujet c’est de faire travailler ensemble les Etats membres. Les Français avec les Irlandais sont les champions du monde de la prescription médicale. On est des super-consommateurs. De plus, il faut faire en sorte que les animaux d’élevages européens ne soient plus sous antibiotiques mais surtout que l’on importe plus de la viande gorgée au fluoroquinolone, souligne Phillipe Juvin. Il sera rejoint dans ce dernier point par Marie-Laure Darrigade et Jérémie Crépel : Les animaux ne doivent pas manger d’antibiotiques, il faut arrêter aussi avec les élevages intensifs.

Ainsi, si les mesures sur la prévention ont plus ou moins fait l’unanimité, les autres ont davantage pu faire débat. Quoi qu’il en soit les étudiants en santé ont montré leur implication pour une Europe plus forte et plus unie avec une offre en santé plus pertinente par ce que plus harmonisée.

Note

1l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), l'Association nationale des étudiants sages-femmes (Anesf), l'Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Anestaps), la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (Fnek), la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), l'Intersyndicale nationale des internes (Isni), l'Union nationale des associations d'étudiants en ergothérapie (UNAEE)

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com