Au moment où les services de santé français, déjà sous tension, épongent la première vague épidémique du coronavirus, et se préparent à contenir la seconde, la gestion d'une crise sanitaire inédite est l'occasion de pleinement intégrer au dispositif national les étudiants en santé, notamment en soins infirmiers, afin, à défaut de ne pas pouvoir suivre les cours sur les bancs de l'institut de formation, de rejoindre une école exceptionnelle, celle de l'unité sanitaire du pays et de passer un examen unique, celui de la crise. Témoignages, de l’intérieur.
L'évolution constante de l'épidémie COVID-19 en France met à rude épreuve l'ensemble des
établissements et services de santé, médico-sociaux et les professions libérales. Une fois encore, la forte sujétion opérationnelle des professionnels de santé le prouve : il faut d'abord disposer de
solides fondations humaines et d'un sens profond de l'utilité publique pour exercer le noble art de
soigner en dépit d'une maison santé fortement dégradée… Les étudiants en santé, notamment en soins infirmiers, en cette forte tension nationale liée au coronavirus, ont aussi un rôle à jouer, maintenant intégrés à "l’école de l’unité sanitaire".
Protéger les autres : soutenir ses pairs, un devoir de futur professionnel
Nous aussi, un jour nous serons peut-être à leur place. On doit y aller !
témoigne Emma, dix huit ans, étudiante L1 en soins infirmiers, réaffectée dans un service de gériatrie. Depuis mercredi, en lien avec les IDE, qui me transmettent des informations paramédicales essentielles sous forme d'un bulletin du jour de l'état de santé du patient, j'appelle les familles afin de les maintenir au courant et de permettre la continuité du lien social
explique-t-elle fièrement tout en me montrant la liste de la vingtaine de numéros à contacter. De plus
, continue-t-elle, les IDE et les AS ont bien compris qu'il fallait garder un intérêt pédagogique à ma ré-affectation et me proposent de participer aux soins, de pratiquer en technique... Bref, ça change pas d'un stage si ce n'est que j'ajoute ma petite pierre à l'histoire et de ça j'en suis fière
!
Lucas, L3, diplômé en juillet, ré-affecté en soins continus depuis hier émet un peu plus de réserve sur cette situation historique pour laquelle il aurait, admet-il, préféré préparer sereinement sa soutenance de travail de fin d'études et terminer tranquillement le stage pré-professionnel
. Néanmoins, pour celui qui se destine plus tard à préparer le concours IADE, il y voit un devoir professionnel, une forme de remerciements envers mes futurs pairs et toutes celles, tout ceux qui deviendront mes collègues
. Enfin, Alban, étudiant L1 en soins infirmiers, réaffecté à la garde des enfants du personnel hospitalier, souligne une chance incroyable de participer à l'effort d'une forme de guerre et de préserver les soignants des difficultés liés à la surveillance des enfants
. Veiller sur ses collègues, un devoir professionnel, un moment historique, ces expressions distillées par les quelques étudiants en soins infirmiers interrogés démontrent qu'ils ne se trompent pas car, en qualité de professionnel de santé, c'est l'esprit collectif qui fait notre force !
#COVIDー19 | Depuis une semaine les #ESI se mobilisent à travers la France pour mettre leurs #compétences et leurs #savoirs au service de la population ! pic.twitter.com/f51xLYn6AS
— FNESI (@La_FNESI) March 22, 2020
Une « chance incroyable de participer à l'effort d'une forme de guerre et de préserver les soignants des difficultés liés à la surveillance des enfants ».
Se protéger soi-même : le cas des réaffectations
Une participation essentielle
. Voilà les mots du Ministre des Solidarités et de la Santé adressé en conférence de presse à propos de la participation des étudiants en santé à la lutte contre le COVID19 et au soutien des établissements sanitaires et sociaux. Néanmoins, alors que s'organise peu à peu les conventions pédagogiques entre les Unités de Formation et de Recherche (U.F.R), les instituts de formations et les établissements médico-sociaux, sous la houlette des Agences Régionales de Santé, beaucoup d'étudiant en soins infirmiers témoignent de leur angoisse, et c'est normal, face à ce que certains appellent : la réquisition.
Dans le cas des étudiants en soins infirmiers actuellement en stage, il s'agit, purement et simplement, de "sortir" l'étudiant du lieu de stage ou de modifier le parcours pédagogique de l'étudiant en enseignement distanciel afin d'être replacé dans un établissement accueillant des patients probables ou confirmés COVID19, fléché en besoin humain par les autorités sanitaires, afin de renforcer les équipes en place à un niveau correspondant à son niveau d'étude. Par exemple, l'on retrouve beaucoup une organisation semblable à cela : les L3 et les L2 servent en qualité d'AS et les L1 sont affecté à la liaison téléphonique patient-famille, la garde d'enfants des personnels hospitaliers…
Néanmoins, cette réaffectation qui s'organise ne doit pas être perçue comme une rupture de la formation, source d'angoisse plus que légitime pour les étudiants, mais plutôt comme une activité, selon l'instruction," essentielle pour leur formation (NDLR : en soins infirmiers) et la continuité des soins délivrés". Une réorganisation exceptionnelle qui donnera lieu à une nouvelle mouture des procédures d'examens (validation du travail de fin d'études, rattrapages...) et à une compensation universitaire (validation de la période de stage arrêtée au profit de la ré-affectation par exemple) dont les modalités pédagogiques précises ne sont pas encore définies. Reste aussi le cas des étudiants en soins infirmiers qui se voient refuser le retour en stage. Faute de pouvoir leur proposer une ré-affectation selon les bassins d'emploi, beaucoup d'institut de formation leur proposent de réaliser des travaux écrits en lien avec le terrain de stage et/ou de suivre un enseignement distanciel avec de probables validations à venir.
En revanche, se protéger soi-même, c'est aussi protéger la valeur pédagogique mais aussi universitaire de toute situation mettant en jeu la stabilité des enseignements en soins infirmiers. Pour le moment, cela semble être un engagement affirmé des tutelles. Néanmoins, il faudra veiller à en observer la justesse et la souplesse des critères quant à la validation des savoirs appris à l'école de l'unité sanitaire. Toutefois, en ce moment, les étudiants en soins infirmiers entament l'écriture d'une page historique de notre roman national, de notre chapitre sanitaire. Un récit dans lequel aucune personne n'est passée au second plan. Un récit dans lequel toute action, aussi petite soit-elle, trouvera sa place, aura sa valeur.
Cette réaffectation qui s'organise ne doit pas être perçue comme une rupture de la formation, source d'angoisse plus que légitime pour les étudiants, mais plutôt comme une activité « essentielle pour leur formation et la continuité des soins délivrés »
Puisse les étudiants en soins infirmiers s'inscrire dans les pas de leurs pairs diplômés, pour les soutenir, les encourager avec force et porter haut la valeur ajoutée des soins infirmiers dans la prise en soins de patients à risque épidémique. Faisons le voeu, qu'à l'épreuve d'une crise sanitaire et du terrain, nous puissions en tirer le meilleur des épilogues : l'expérience.
Alexis Bataille
Aide soignant, étudiant en soins infirmiers L1 (2019-2022)
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