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COURS IFSI

L’isolement thérapeutique en psychiatrie

Publié le 31/07/2009

Cet article présente, à partir des recommandations de l’HAS, la pertinence de l’isolement thérapeutique en psychiatrie dans ses dimensions pratique, clinique et éthique, depuis sa mise en œuvre jusqu’à sa levée.

Introduction

L’isolement thérapeutique est un soin à part entière en psychiatrie. Ce type de soin peut se rencontrer notamment dans des unités dites d’hospitalisation sans consentement. En 1998, l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) (note 1) a construit et expérimenté un référentiel de pratiques, médicale et para médicale, reposant sur des démarches claires et sans équivoque avec un niveau élevé d’exigence professionnelle sur l’isolement thérapeutique. 23 critères sont ici reconnus comme essentiels pour améliorer la prise en charge d’un patient mis en chambre d’isolement. Cet article n’a pas pour objectif de définir à nouveau chacun de ces critères mais plutôt de décrire et commenter ce que l’on y fait en tant que soignant amené à intervenir lorsqu’une telle situation s’impose. Il s’agit d’éclairer ce processus de mise en chambre d’isolement sur un plan pratique, clinique et éthique, tant les situations sont complexes et compliquent notre pratique soignante. Ainsi nous rappellerons les différentes étapes de l’isolement thérapeutique, de la mise en chambre d’isolement jusqu’à l’entretien médical qui suit la levée de cette prescription.

Tout d’abord, l’architecture d’une chambre d’isolement :

Pour l’architecture d’une chambre d’isolement, l’ANAES propose quelques recommandations. Je propose la description des deux chambres d’isolement situées sur l’unité dans laquelle je travaille. Une unité de soins qui est composée par ailleurs de 25 lits. Cette unité accueille principalement des patients adultes hospitalisés à la demande d’un tiers ou hospitalisés d’office (note 2). Ces deux chambres d’isolement se trouvent  à proximité du bureau infirmier et de la salle de soins. Un sas de sécurité nous permet d’accéder aux deux chambres. Deux portes nous permettent de rentrer dans le sas. L’une donne sur la salle de soins et l’autre sur le couloir de circulation. Dans ce sas nous avons un coin repas, avec une table et deux chaises, ainsi qu’une salle de bains avec une douche, un WC et un lavabo. Concernant les deux chambres, elles sont côte à côte, séparées par un petit local de climatisation (température de la chambre toujours entre 18 et 25 degrés = critère anaes). Pour chacune des chambres, deux portes nous permettent d’y accéder (aucune poignée à l’intérieur des chambres). A l’intérieur, sur une surface de 10 m2 environ, un lit est scellé en position centrale, de manière à pouvoir circuler autour de celui-ci.

Les différentes étapes de l'isolemebt thérapeutique

Indications et contre indications :

Les indications et contre indications de mises en chambres d’isolement sont décrites dans l’audit de l’ANAES et doivent être intégrées dans un protocole de mise en chambre d’isolement (MCI). Ce protocole obligatoire pour tout établissement disposant d’une chambre d’isolement est une aide au processus opérationnel de la MCI. Le processus décisionnel est quant à lui plus complexe et ne peut se résumer à un simple protocole. Il est sujet de nombreuses discussions quotidiennes autour des dimensions éthique, juridique et clinique de la situation du patient. Il vise à guider l’équipe soignante dans sa démarche de soins.
La chambre d’isolement est ainsi utilisée pour les patients dont les troubles correspondent aux indications de MCI, à savoir :

  • prévention d’une violence imminente du patient envers lui-même alors que les autres moyens de contrôle ne sont ni efficaces ou ni appropriés.
  • Prévention d’un risque de rupture thérapeutique alors que l’état de santé impose les soins.
  • Isolement intégré dans un programme thérapeutique.
  • Isolement en vue d’une diminution des stimulations reçues.
  • Utilisation à la demande du patient.

La chambre d’isolement ne peut pas être utilisée à titre non thérapeutique, à savoir :

  • L’utilisation à titre de punition ;
  • L’état clinique ne nécessitant pas un isolement ;
  • L’utilisation uniquement pour réduire l’anxiété de l’équipe de soins ou pour un confort ou encore l’utilisation uniquement liée au manque de personnel. Concernant ces contre indications, je considère d’une part que c’est sous estimer le professionnalisme du personnel soignant intervenant pour une MCI et d’autre part, sous estimer le temps de surveillance et d’accompagnement que celle-ci suppose ;
  • Enfin l’utilisation pour une admission en cas d’absence de lits disponibles dans l’établissement. Cette dernière contre indication devient aujourd’hui exceptionnelle tant les directions d’établissements prennent en compte la nécessité de cet outil thérapeutique, appuyées en cela par les instances que sont la CME (commission médicale d’établissement, le CSIRMT (Commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques des établissements publics de santé), le CHS-CT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail)

Mise en chambre d’isolement et appel de renfort :

Rappelons avant tout que la mise en chambre d’isolement est un acte professionnel infirmier relevant du Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires)
du code de la santé publique. Ce soin se fait uniquement sur prescription médicale écrite, immédiatement ou en différé selon le degré d’urgence, selon l’article 34 du code de déontologie médicale.

Pour une MCI, en prévention ou suite à une agitation auto ou hétéro agressive (info), des renforts extérieurs à l’unité sont parfois nécessaire. Il est impératif d’être relativement nombreux pour intervenir dans des conditions de sécurité suffisantes pour le patient comme pour les soignants. Lorsque les renforts en personnels arrivent, une coordination est primordiale : qui va faire quoi ? Avant toute intervention, si celle-ci n’est pas déjà engagée, le personnel en renfort doit être informé de quel patient il s’agit et pour quelle situation. Dans la préparation d’une mise en chambre d’isolement, le personnel  présent doit se déterminer de manière à savoir qui va saisir quel membre du patient afin d’éviter tout débordement de la part de celui-ci. A charge pour un des soignants d’expliquer au patient le motif de tels renforts et pourquoi nous procédons ainsi. La parole d’un seul soignant est nécessaire dans cette situation, sur un ton calme et posé. Quitte à se répéter, le soignant doit rappeler le motif qui amène le patient à un isolement thérapeutique ; sa  sécurité ainsi que la notre nous amène à être aussi nombreux dans ce type de situation.
Concrètement,  un patient agité doit être saisi par quatre soignants. Un soignant par membre, saisissant bras et avant bras, mollet et cuisse, sur ordre d’un cinquième qui lui est en relation avec le patient. Un mot clé de la part du soignant durant l’entretien donne l’ordre à ses collègues d’intervenir quand cela devient nécessaire. Le patient sera alors conduit en chambre d’isolement, installé sur le lit, couché sur le dos.
Le patient est alors mis en pyjama (selon le protocole de l’établissement) ce qui permet d’éliminer tout objet potentiellement dangereux de la chambre. Si le patient est déjà en pyjama avant la mise en chambre d’isolement, une fouille tout aussi minutieuse doit impérativement être effectuée. Nous pouvons avoir tendance à l’oublier dans cette situation et c’est là que le risque d’accident est majeur (briquet dans une poche par exemple).

Dans toutes les situations de mise en chambre d’isolement, la dignité et le respect du patient doivent rester notre souci permanent. Le calme et le respect doivent être permanents pour les soignants qui interviennent auprès du patient. Il faut parler de protection pour le patient, de sécurité pour l’entourage, de soin et de légalité.

La mise en place d’une contention physique

Au cours d’une MCI, les contentions ne sont évidements pas systématiques. Elles sont toujours prescrites, immédiatement ou en différé selon le degré d’urgence ; elles doivent répondre aux exigences de traçabilité. La contention consiste à restreindre ou maîtriser les membres supérieurs et ou inférieurs du patient par un dispositif fixé au lit. Elles ne constituent pas à elles seules une mesure thérapeutique et doivent rester une mesure d’exception. Elles sont toujours associées à une sédation médicamenteuse.

Le matériel utilisé doit impérativement répondre à trois critères : confort, efficacité, sécurité. Nous pouvons en rajouter un quatrième qui est celui de la rapidité de mise en œuvre. En effet, si auparavant nous avions un matériel de contentions confortable pour le patient, il restait néanmoins difficile à mettre en place rapidement en cas d’agitation, ce qui pouvait occasionner une pression supplémentaire de la part de l’équipe présente mais aussi pour le patient qui se voyait maintenu physiquement plus longtemps par celle-ci.

La surveillance du patient en chambre d’isolement

La surveillance du patient en chambre d’isolement est prescrite selon le protocole en vigueur dans l’établissement. Elle est médicale, para médicale et s’applique toute la durée de l’isolement.  

Surveillance médicale : Elle est de deux ordres, somatique et psychiatrique. Elle a lieu au moins une fois par jour pour chacune des spécialités. L’entretien médical se déroule toujours avec la participation d’un infirmier (lire aussi au féminin) voir deux ou trois selon la situation. Suite à cet entretien, les observations sont notées sur le dossier du patient. Elles doivent préciser la conduite à tenir auprès du patient à savoir :

  • le type et la fréquence de la surveillance particulière (psychique, physique, biologique, comportementale) ;
  • la prescription médicamenteuse et l’indication de celle-ci (per os ou IV si refus) ;
  • la prescription de contentions et l’indication de celles-ci si nécessaire ;
  • la sortie temporaire de la chambre d’isolement (nombre et durée).

Exemple de fiche de surveillance (fiche identique pour la surveillance somatique) :

FICHE DE SURVEILLANCE PSYCHIATRIQUE EN CHAMBRE D’ISOLEMENT


Médecin prescripteur : …………………………………………..
Visite confirmant l’indication  de MCI :     Date : ……………………..    Heure : ……………

Dr : ……………………………………..

Visites de surveillance
Date et heure
Prévues
(H+2 puis
1 visite par jour)
Date et heure
effectuées
Observations Conduite à tenir Nom médecin
et signature

Surveillance paramédicale

La surveillance para médicale doit être la plus exhaustive possible et répondre aux prescriptions et protocoles de surveillance médicale. L’objectif est de rendre ce soin le plus court possible. Aussi il est essentiel de tracer toutes les observations et soins que l’on peut dispenser auprès du patient, rendant compte de son état comportemental, psychique et physique.
Il est également à la charge de l’équipe soignante d’appliquer le protocole médicamenteux si nécessaire, d’accompagner le patient à l’extérieur de la chambre d’isolement quand cette sortie est prescrite. L’accompagnement à l’extérieur de la chambre d’isolement se déroule toujours à l’appréciation clinique de l’équipe soignante. Il n’est pas question de prendre des risques selon le stade de la prise en charge.

Toujours selon l’état du patient, le repas sera pris dans la chambre ou dans le sas d’isolement. Le matériel à disposition est un adaptable avec couvert et vaisselle en plastique. Le repas sera préalablement préparé pour pouvoir manger à l’aide d’une cuillère.
Il est également du rôle propre de l’infirmier de vérifier l’état de propreté de la chambre d’isolement autant de fois que nécessaire, quand bien même l’ANAES demande à ce qu’elle soit vérifiée deux fois par jour.
Les entretiens infirmiers se déroulent également toujours à deux.

Le processus décisionnel de maintien ou de levée de chambre d’isolement doit faire l’objet d’une réflexion interdisciplinaire quotidienne appuyée par les entretiens avec le patient, les staffs quotidiens, une ou plusieurs synthèses clinique selon la demande de l’équipe (médecin et/ou infirmiers). Toute décision implique que celle-ci soit transmise au patient.

Évaluation de la dangerosité

Selon les situations, une évaluation de la dangerosité peut être nécessaire pour mieux cibler notre démarche de soins.
Stephen D. Hart, Christopher D. Webster, et Kevin S. Douglas sont les auteurs du HCR-20, une évaluation du risque de dangerosité. Il s’agit d’un protocole de référence ayant la faveur d’une majorité de psychiatres. Il fournit aux évaluateurs une grille de lecture composée de 10 facteurs statiques (historiques) et 10 facteurs actuariels (cliniques et gestion du risque).

Facteurs du HCR-20 (Webster et al. 1997)

HISTORIQUES CLINIQUES GESTION DU RISQUE 
H1. Violence antérieure C1. Introspection difficile R1. Plans irréalisables
H2. Premier acte de violence commis durant la jeunesse C2. Attitudes négatives R2. exposition à des facteurs déstabilisants
H3. Instabilité des relations intimes C3. Symptômes actifs de maladie grave R3. Manque de soutien personnel
H4. Problèmes d’emploi C4. Impulsivité R4. Inobservation des mesures curatives
H5. Problème de toxicomanie C5. Résistance au traitement R5. Stress
H6. Maladie mentale grave
H7. Psychopathie
H8. Inadaptation durant la jeunesse
H9. Troubles de la personnalité
H10. Echec antérieur de la surveillance

La levée de l’isolement thérapeutique :

Toute levée d’isolement thérapeutique fait l’objet d’une prescription médicale à la suite d’un entretien médical avec la participation d’un infirmier. Cet entretien permet d’observer :

  • La perception du patient des raisons de l'indication de CI et le souvenir de son vécu à ce moment là ;
  • La réaction par rapport à la décision médicale et le ressenti de la mesure thérapeutique ;
  • Le vécu de la situation d'isolement ;
  • Le vécu de la prise en charge : éléments matériels et relationnels,
  • Le vécu actuel ;
  • La position du patient concernant la poursuite des soins.

Les objectifs sont de pratiquer une évaluation clinique et une évaluation de la prise en charge du patient, de permettre à l'équipe d'avoir un feed-back de la prise en charge et au patient de parler de son vécu. S'exprimer sur le sujet doit lui permettre de « sortir par les mots d'une expérience éprouvante ».

Pour conclure

Pour conclure, nous rappellerons que dans toutes les situations de mise en chambre d’isolement jusqu’à la levée de celle-ci, la dignité et le respect du patient doivent rester notre souci permanent. Le calme et le respect doivent être permanents pour les soignants qui interviennent auprès du patient. Il faut parler de protection pour le patient, de sécurité pour l’entourage, de soin et de légalité. Si le cadre de référence fournit par l’ANAES et certaines lignes directrices nous permettent d’orienter nos actions relatives à l’utilisation d’une chambre d’isolement, il n’en demeure pas moins que le jugement clinique sur lequel s’appuie la décision d’une telle mesure s’acquiert par l’expérience. L’approche interdisciplinaire doit être privilégiée dans la prise de décision d’utiliser ou pas l’isolement thérapeutique, mais cela ne doit pas avoir pour effet de détourner les membres de l’équipe de leurs responsabilités personnelles. Il faut se diriger vers un consensus rigoureux dans lequel chacun fait en sorte d’y répondre.

Olivier GUILLOUCadre de Santé, Rédacteur infirmiers.com

Références bibliographiques :

HAS : V2010 chapitre 2 - Prise en charge du patient

Référence 10 : La bientraitance et les droits

Critère 10.a : Prévention de la maltraitance et promotion de la bientraitance.

L’expression des patients et de leurs proches est favorisée. Des actions de sensibilisation des professionnels à la prévention de la maltraitance sont mises en œuvre…

Critère 10.b : Respect de la dignité et de l’intimité du patient.

Les soins, y compris les soins d’hygiène sont réalisés dans le respect de la dignité et de l’intimité du patient. Les conditions d’hébergement permettent le respect de la dignité et de l’intimité des patients.
Critère 10.e : Gestion des mesures de restriction de liberté.
Les projets médicaux et/ou de secteurs d’activités identifient les situations nécessitant une restriction de liberté, en particulier de la liberté d’aller et venir (isolement et contention mais aussi limitation des contacts, des visites, retrait des effets personnels, etc… Les restrictions de liberté font l’objet d’une concertation de l’équipe soignante intégrant la réflexion bénéfice-risque et la recherche du consentement du patient. Les restrictions de liberté font l’objet d’une prescription médicale écrite, réévaluée à périodicité définie.

Référence 11 : L’information, la participation et le consentement du patient

Critère 11.a : Information du patient sur son état de santé et les soins proposés

Des modalités spécifiques d’information sont mises en œuvre en cas de diagnostic grave, d’aggravation de l’état de santé et en fonction du type d’hospitalisation (HDT, HO, injonction thérapeutique, etc…) …

Critère 11.b : Consentement et participation du patient.

La participation du patient et, s’il y a lieu, de son entourage dans la construction et la mise en œuvre du projet personnalisé de soins est favorisée. Des interventions visant la recherche d’adhésion du patient au projet de soin proposé sont réalisées dans le cas d’hospitalisation sans consentement, d’injonction thérapeutique ou de refus de soin.

Référence 14 : le dossier du patient

Critère 14.a : gestion du dossier du patient.

Les éléments constitutifs des étapes de la prise en charge du patient sont tracés en temps utile dans le dossier du patient. La communication du dossier entre les professionnels de l’établissement et avec les correspondants externes est assuré en temps utile.

Critère17.a : Evaluation initiale et continue de l’état de santé du patient et projet de soins personnalisé.

L’évaluation initiale du patient est réalisée dans un délai adapté à son état de santé. Un projet de soins personnalisé est élaboré avec les professionnels concernés. La réflexion bénéfice-risque est prise en compte dans l’élaboration du projet de soins personnalisé. Le projet de soin personnalisé est réajusté en fonction d’évaluations périodiques de l’état de santé du patient impliquant le patient et s’il ya lieu l’entourage.

Textes réglementaires :

Notes

1: L’audit clinique appliqué à l’utilisation des Chambres d’Isolement en psychiatrie – Juin 98 –ANAES (retour1)

2: Loi n° 90-527 du 27 juin1990 (retour)

3: Cf. cours sur la gestion de la violence et de l’agressivité en psychiatrie . (retour)


Source : infirmiers.com