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Les pousse seringues électriques

Publié le 05/05/2010

Les pousse seringues électriques (PSE) ou seringues auto pousseuses (SAP), sont couramment utilisés en soins infirmiers. Il semble malheureusement que leur utilisation ne soit pas toujours optimale. Voici quelques éléments importants afin de les utiliser de façon plus judicieuse.

Il existe de très nombreux modèles de PSE © Vincent Elmer Haerrig

1. Principe de fonctionnement

Les PSE comportent souvent les mêmes éléments, même si leur répartition peut différer- © Vincent Elmer Haerrig

Le système combine des parties mécaniques, électriques et électroniques. La partie mécanique sert de support pour les différents types de seringues. Elle comprend un berceau et un piston qui vont recevoir le corps de la seringue. Le berceau est généralement muni d'un capteur et d'une encoche pour verrouiller la seringue. La collerette du piston se fixe sur le chariot du piston de seringue au moyen de griffes. Il comprend également un système de capteurs qui vont permettre de vérifier la bonne position de fixation du piston. Le piston du PSE se déplace grâce à un système de vis sans fin qui va littéralement pousser le contenu de la seringue vers le circuit patient. Cette partie mécanique est mue par un moteur électrique alimenté soit par le secteur, soit par une batterie. L'utilisation d'une batterie est primordiale pour la sécurité, puisqu'elle permet une administration continue, même en cas de coupure de courant. Enfin la partie électronique, gère l'ensemble des autres éléments. Cette partie fonctionne aujourd'hui comme un véritable petit ordinateur capable non seulement de vérifier les débits, les pressions, mais également d'effectuer de nombreux calculs de doses en fonction de protocoles divers.

Les PSE sont plus ou moins sophistiqués en fonction de l’usage qu’on leur destine. Il existe trois principaux modes d’administration, du plus simple au plus perfectionné.

  • Le mode perfusion continue
  • Le mode Anesthésie Intraveineuse Totale (TIVA pour Total Intra Veinous Anaesthesia)
  • Le mode AIVOC pour Anesthésie Intra Veineuse à Objectif de Concentration

Les PSE comportent souvent les mêmes éléments, même si leur répartition peut différer- © Vincent Elmer Haerrig

1.1. Le mode perfusion continue

C’est le plus simple, le plus basique et le plus utilisé. La très grande majorité des PSE sont destinés à cet usage. Il suffit de régler un débit en millilitres par heure et l’appareil le délivre. Les PSE modernes proposent de plus en plus de régler une dose/kg/heure (voir par minute ou par 24H), mais sans effectuer le calcul de posologie. C’est à dire que c’est l’opérateur lui même qui détermine la dose et non le PSE qui va la calculer selon un protocole. A ne pas confondre avec le mode TIVA. Ces pousse seringue récents disposent d’une base de donnée médicamenteuse qu’il est possible de modifier en fonction des protocoles locaux.

1.2. Le mode TIVA

Dans ce mode, l’utilisateur va régler le débit de perfusion, une posologie et c’est le PSE qui va décider de la quantité de produit à perfuser. Pour ces appareils, il faut renseigner l’âge du patient, son sexe et son poids. En fonction des algorithmes les champs à remplir peuvent différer. Plus souvent utilisés en anesthésie, plus rarement en réanimation, ils permettent par exemple de délivrer une dose d’induction (la dose pour endormir le patient au début d’une procédure), puis un débit constant en fonction de la posologie souhaitée.

Un protocole d’induction pour le Sufentanil - © Vincent Elmer Haerrig

1.3. Le mode AIVOC

Ce mode est considéré comme étant un sous mode TIVA, mais son fonctionnement diffère assez largement, nous le traiterons donc de façon spécifique. Il propose de délivrer une médication selon deux principes :

  • Soit une dose à objectif de concentration plasmatique, c’est à dire en quantité de médicament dans le plasma sanguin.
  • Soit une dose à objectif de concentration au site d’action (le cerveau pour un hypnotique par exemple).

Ce mode fonctionne avec des modèles pharmacocinétiques déterminés en fonction de la molécule choisie et des données du patient. Deux modèles pharmacocinétiques sont principalement utilisés aujourd’hui ; Marsh et Schnider. Le mode peut être indifféremment choisi sur les mêmes PSE en fonction du profil patient et des préférences du thérapeute. L’AIVOC est très spécifique à l’anesthésie. Il est donc extrêmement rare de la retrouver dans un autre contexte bien qu’elle puisse éventuellement y être utile.

Les modes AIVOC et TIVA ont besoin de certains renseignements sur le patient - © Vincent Elmer Haerrig

Qui peut le plus, peut le moins. Un PSE capable de faire de l’AIVOC peut faire de la TIVA et de la perfusion continue. Un PSE TIVA peut faire du mode continu, mais pas de l’AIVOC…

Quels que soient les modes, un certain nombre de PSE sont conçus afin de pouvoir se brancher sur une station d’accueil. Source d’énergie pour maintenir les batteries en charge et faire fonctionner l’appareil, ces stations peuvent proposer des fonctions de commande à distance ou d’asservissement. On peut ainsi commander ou surveiller à distance les PSE ou encore effectuer un relais de médicament lorsqu’une seringue arrive à son terme (voir modalités d’utilisation).

2. Un travail sous pression

2.1. La fonction purge

La plupart des pousse seringue sont équipés d'une fonction de purge. Elle est destinée à purger la tubulure adaptée sur la seringue. Cependant, la plupart du temps, l'opérateur est tenté de purger manuellement la tubulure en poussant lui même le piston avant de le placer sur le PSE. Cette pratique nuit à la précision et à la rapidité de mise en œuvre du traitement. En utilisant la fonction de purge, le système exerce une pression continue sur le piston. Ainsi lorsque le débit du traitement est réglé, le piston est déjà en contrainte et en contact direct avec le système mécanique du PSE.

Si cette fonction n'est pas utilisée, le système qui pousse sur le piston va d'abord avancer à la vitesse réglée, entrer en contact avec le piston, et exercer une pression qui va en fonction de la résistance de frottement de ce dernier, enfin le faire avancer. Les nouveaux PSE ont tendance à limiter ce phénomène, même si la purge est manuelle. Même si le débit se règle après la purge, ils vont se mettre en contact avec le piston, détecter la résistance qu'il impose et ensuite délivrer le débit réglé.

2.2. Détecter les surpressions (occlusions)

La plupart des PSE, même d'ancienne génération possèdent une alarme de surpression. Cette alarme est très souvent réglable. Malheureusement, ce réglage n'est pas toujours systématique lors de l'utilisation des PSE. Lorsque c'est possible, il convient de régler le niveau d'alarme d'occlusion le plus près possible de la pression de perfusion. De cette manière, l'utilisateur est prévenu de la moindre variation en augmentation et peut déceler un problème sur la ligne de perfusion (coude, occlusion de la voie veineuse, robinet en position fermée...). Le second paramètre important, outre cette alarme de pression d'occlusion est la vitesse de perfusion. Plus cette dernière sera élevée, plus l'utilisateur sera prévenu rapidement.

Exemple

Pour une vitesse de 1ml heure et un niveau de pression correctement réglé, l’alarme de surpression sera déclenchée en un peu moins de 30 minutes.

Pour une vitesse de 5ml heure au même niveau de pression, l’alarme sera déclenchée en un peu plus de 5 minutes.

Ces chiffres sont variables en fonction des fabricants et des modèles, mais le principe reste identique.

Il est donc très important de bénéficier de débits d’administration suffisamment élevés pour délivrer la médication avec sécurité. Pour ce faire, il convient d’utiliser des dilutions adéquates afin d’obtenir un débit adapté (à voir dans le chapitre suivant).

Le réglage de la pression d’occlusion est très variable selon les modèles. La plupart du temps, on le trouve sous forme d’échelle de pression, mais il peut également s’agir de pré-réglages sans aucune représentation graphique.

Le réglage de pression d'occlusion est parfois bien caché. Il existe sur le PSE de droite, mais pas sur celui de gauche - © Vincent Elmer Haerrig

La limite de pression d'occlusion fait partie des paramètres à régler impérativement avant de débuter la perfusion. - © Cyril Poujoulat

On peut constater sur ces graphiques, la différence de délai avant alarme en fonction des débits du PSE (modèles Alaris)

3. Une affaire de précision

Les contraintes mécaniques de fonctionnement des PSE font que la précision est fonction du débit réglé sur le PSE. Plus le débit est faible, moins la précision sera élevée. La précision est également très faible en début de perfusion, le temps que les forces soient appliquées sur une seringue en pleine charge (comme nous l'avons vu un peu plus haut).

Cette précision est représentée par des courbes dites en trompette (en raison de leur forme caractéristique). La précision est également affectée par le type de seringue utilisée. C'est la raison pour laquelle il faut renseigner avec précision le modèle de consommable choisi. Les taux de friction et de résistance étant différents selon les marques et les capacités du matériel. Même si le PSE accepte de fonctionner avec un réglage inadéquat, il est certain que la précision s'en trouve affectée.

Exemple

Un débit de 0,1ml/h engendre un taux d'erreur moyen de -10%. La variation peut aller de -45 à +22%.

Un débit de 5ml/h amène la moyenne à +0,2% avec des variations de -1,5 à 2,5%.

Avec cet exemple, il est évident qu'il faut chercher à augmenter le débit moyen afin de bénéficier d'une meilleure précision.

Les courbes en trompette pour un PSE récent (PSE Alaris)

On identifie facilement l'amélioration de la précision sur les débits les plus élevés.
D'une façon générale, il faut trouver le meilleur compromis entre le débit nécessaire à la posologie administrée au patient et le confort d'entretien de ce débit. Un débit trop faible posera des problèmes de précision. Un débit trop élevé nécessitera de nombreux changements de seringues et donc une mobilisation accrue du temps infirmier.

En plus de cela, certaines substances doivent faire l'objet d'un système de relais, leur administration devant être continue en toute circonstance. En outre, les conséquences d'un bolus accidentel seront moindres si la dilution est élevée, puisque la quantité de principe actif sera moindre. Le cas échéant, la dilution sera adaptée aux variations de posologies.

Par exemple si les quantités de catécholamines sont croissantes et deviennent élevées, il est toujours temps d'utiliser des solutions plus concentrées pour réaliser les relais suivants. La quantité de liquide administrée est également importante. Certains patients ne doivent pas recevoir des fluides en excès (enfants, hypertendus...).

4. Modalités d’utilisation

4.1. Mise en route

La mise en toute d'une perfusion à l'aide un PSE est relativement simple. La courte vidéo proposée ici illustre de façon schématique l'utilisation standard d'un pousse seringue simple. En fonction des modèles, les actions peuvent varier, mais les principes restent identiques.

La perfusion d’un produit via un pousse seringue doit répondre à quelques règles d’utilisation afin d’être réalisée avec efficacité.

Tout d’abord, le matériel est soumis aux règles de Matériovigilance et doit être révisé selon un tableau périodique. Une chute, même sans casse visible de l’extérieur, impose un passage en révision. De nombreux éléments internes sont fragiles et leur altération peut nuire de façon importante au fonctionnement du PSE. Les batteries doivent également faire l'objet d'une maintenance régulière et d'un remplacement lorsque l'autonomie n'est plus suffisante.

Certains services ont mis en place des check List pour les pousse seringue. Elles peuvent amener à vérifier l'alarme d'occlusion et le niveau de charge des batteries par exemple. Se référer aux protocoles locaux de son établissement.

Ces appareils sont tarés pour fonctionner à plus où moins un mètre de hauteur par rapport au cœur du patient. La fiabilité de mesure des pressions d’administration en dépend. Ils ne doivent pas être placés en position verticale. Ceci afin d’éviter le passage de bulles résiduelles dans le système de perfusion. Il n'existe pas de système de détection de bulles comme pour les pompes volumétriques.

4.2. Matériel

Le matériel utilisé doit être adapté au pousse seringue. Chaque modèle n’est compatible qu’avec un certain nombre de consommables. Utiliser un consommable non validé par le fabriquant expose à des risques d’erreur de dose et d’alarmes. Les tests de précision et de résistances aux frictions sont effectués pour des matériels spécifiques.

Idéalement, on utilise une valve anti reflux - © Vincent Elmer Haerrig

Une médication simple avec PSE s’effectue grâce à un prolongateur qui relie la seringue et la tubulure de perfusion. Le prolongateur doit être le plus court possible tout en maintenant un certain confort au patient (déplacements autonomes). Ces tubulures existent en version colorée filtrante pour les médicaments sensibles aux UV (pour le furosémide par exemple). Chez l’enfant et selon les substances à perfuser, il faut tenir compte du volume résiduel de la tubulure. Par exemple pour une tubulure d’1m50, on a un volume résiduel d’1,15ml. S’il est important que la dose totale soit administrée, il faut prévoir la purge manuelle ou au PSE de ce volume avec le branchement d’une seringue supplémentaire.

La connexion sur la perfusion est réalisée au moyen d’un robinet trois voies. Idéalement, la voie utilisée est munie d’une valve anti-reflux, ou le soluté d’entretient est poussé par une pompe volumétrique. Ceci afin d’assurer une perfusion au patient et d’éviter tout reflux vers le soluté. Cette règle, utile pour n’importe quelle substance, est capitale lorsque les médicaments peuvent engager le pronostic vital. On ne peut se permettre par exemple de prendre un risque de reflux avec une catécholamine branchée. Le patient risque d’être privé de médication puis de subir un bolus si la continuité est rétablie brutalement. Aucune alarme sur le PSE ne peut alerter sur l’existence d’un reflux.

En cas d’occlusion, il ne suffit pas d’identifier la cause, puis de lever l’occlusion pour régler le problème. Avant d’alerter l’utilisateur avec une alarme correctement réglée, le PSE sera monté en pression pour atteindre le seuil d’alarme. Toute la ligne sera donc sous pression et rétablir la continuité de la perfusion sans précaution préalable expose à un risque de bolus délétère pour le patient. Pour éviter cela, il faut désengager les pinces à griffe du chariot pour libérer le piston de la seringue, puis les réengager aussitôt. Les PSE récents disposent d’une fonction spécifique pour éliminer cette suppression au moment de l’acquittement de l’alarme d’occlusion. Aucune manipulation n’est alors nécessaire.

4.3. Les relais médicamenteux

Le problème du relais d’un médicament est fréquent lorsqu’il s’agit d’utiliser un PSE. Certains systèmes peuvent proposer d’effectuer un relais pour assurer la continuité d’une thérapeutique de façon automatique. Mais il est beaucoup plus fréquent de rencontrer des protocoles locaux avec des méthodes plus classiques. Une étude  datant de 1999 ramène d’intéressantes informations.

Quatre modes de changements de seringues (d’amines) ressortent de cette étude :

4.3.1. Le chevauchement.

Il consiste à mettre en place une seconde seringue au même débit que la précédente  lorsque celle-ci est à 3 minutes de se terminer (pré alarme de fin de perfusion mise en route). La seringue qui se termine est complètement arrêtée lorsque la PAM est supérieure de 10% à la PAM de référence.

4.3.2. La double seringue

Une fois de plus, une seconde seringue est mise en route avant la fin de la première, mais en augmentant graduellement les débits. En parallèle, le débit de la première seringue est d’autant diminué. L’importance des paliers de variation est fonction des posologies en cours.

4.3.3. Le bolus

Il s’agit de remplacer directement la seringue en effectuant ensuite un bolus qui sera fonction de la posologie en cours et des variations observées chez le patient avant le changement prévu.

4.3.4. Le demi-débit

Deux seringues sont mises en route simultanément, mais remplies de façon inégale (même dilution bien sûr). Le débit de la posologie initiale est donc divisé par deux et on changera de façon classique la seringue qui sera vide la première. C’est cette dernière méthode qui est retenue en référence. On obtient en effet un taux de réussite de 72% dans les relais (le critère de réussite étant une absence de variation de la PAM de plus ou moins 10% dans les 10 minutes qui suivent le changement). Cependant, comme nous l’avons vu un peu plus haut, les débits étant plus faibles pour chaque PSE, la précision s’en trouve amoindrie si les dilutions ne sont pas adaptées.

5. Conclusion

Le pousse seringue électrique est un outil très utile et très largement utilisé. Comme tout outil, il faut en connaître le fonctionnement pour l'utiliser avec sécurité et efficacité. Lorsque c'est le cas, en plus d'assurer avec précision un traitement cet appareil participe également en partie à la surveillance des abords veineux dont il maintient la perméabilité. L'infirmier est le maillon indispensable à l'utilisation intelligente de ce matériel.

Webographie

Bibliographiques

  • Mode d'emploi des PSE Alaris Pousse seringue GH, Alaris IVAC TIVA – TCI (diprifusor), BD Pilot A, Program 2, Fresenius Vial Module DPS et base Primea.
  • Changement de seringues d'amines vasopressives : enquête nationale de pratique et protocole prospectif. Par Jérôme Urli et Catherine Leon, hébergé sur le site du CHU de Brest  : www.chu-brest.fr/images/article345contenu2976.doc

Crédits photographiques

  • Vincent Elmer Haerrig
  • Les graphiques des courbes en trompette et d'alarme d'occlusion sont tirés de la notice des PSE Alaris GH

Vincent ELMER HAERRIG
Infirmier anesthésiste Diplômé d’état
Rédacteur infirmiers.com
vincent.elmer@infirmiers.com


Source : infirmiers.com