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COURS IFSI

La relation soignant-soigné : le bonheur

Publié le 15/08/2023

Christine Paillard, documentaliste et lexicographe en sciences infirmières, propose d'analyser un concept et son application dans le champ infirmier, à partir de son Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, utile pour les Analyses de pratiques professionnelles et pour le Mémoire de fin d’études et l’exercice de la profession soignante.

Je me souviens d’une publicité qui nous faisait bien rire avec ma copine de Fac, en licence Sciences de l’information. Le slogan était "Va chercher le bonheur", avec Chico et un fond musical brésilien. La télévision, le cinéma, la presse regorgent toujours autant de promesses, favorisant ainsi la course vers un bonheur inéluctable lié d’une façon ou d’une autre au consumérisme. Des formules et recettes pleuvent. L’idée étant de ne pas rater le bonheur insidieusement suggéré par le jeu subtil des fausses croyances, apportant le désir de ne pas rater sa vie, quand celle-ci est basée sur sa capacité de rembourser des crédits.

Quelle est la signification du mot « bonheur » ?

D’après le dictionnaire Bescherelle2, le bonheur vient du latin "Bona" signifiant "bonne" et "hora", signifiant "heure". Considéré au Moyen-âge comme une “fatalité heureuse”, le bonheur est aujourd'hui plutôt une vertu prometteuse alliant épanouissement harmonieux de sa personnalité et de sa réussite au travail. Le bonheur est souvent associé à la chance. Son antonyme, le malheur, quant à lui, associé  à la malchance. Le bonheur n'est peut-être qu'un malheur mieux supporté3.

 

Pour le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, c’est un état essentiellement moral qui est atteint généralement par l'homme lorsqu'il a obtenu tout ce qui lui paraît bon et qu'il a pu satisfaire pleinement ses désirs, accomplir totalement ses diverses aspirations, trouver l'équilibre dans l'épanouissement harmonieux de sa personnalité. Le bonheur peut être le résultat d’une construction profonde et durable. La satisfaction intime est une caractéristique du bonheur. La sérénité qu’il procure est employé au singulier. Le bonheur peut être utilisé au pluriel : tous les bonheurs du monde. Honteux, engagé, privé, personnel, cruel, injuste, éphémère, étrange, inattendu, calculé, égal, immoral, inespéré, illusoire, inatteignable, le bonheur est un peu comme le Larousse, il est présent dans chaque famille. Les expressions contribuent à croire aux mensonges d’un bonheur élitiste. L’argent fait-il réellement le bonheur? Dans les années 1970, une étude menée par l'économiste et démographe Richard Easterlin4 remet en cause la relation positive entre revenu et bonheur, jusqu'alors acceptée par la plupart des économistes. Il n’y a pas ici de relation significative entre une grandeur comme le revenu par habitant et le niveau de bonheur moyen déclaré. Pour Christophe André5, « la psychologie a beaucoup attendu avant de s'intéresser au bonheur, qui est resté longtemps un sujet réservé à la philosophie ou à la religion. Mais depuis les années quatre-vingt, le nombre de travaux et de publications scientifiques sur ce thème va croissant, dans le vaste courant de la "Positive Psychology". Ce développement est dû, entre autres, à deux phénomènes :

  • la montée en puissance du concept de santé active, dans lequel le bien-être physique et psychologique est décrit comme un état dynamique, résultant d'attitudes actives de la part du sujet, d'où l'importance de stratégies pouvant le faciliter ;
  • la multiplication des données sur le suivi à long terme et l'importance de la prévention des rechutes, notamment dans le domaine des troubles de l'humeur et des troubles anxieux, et le rôle important que pourraient jouer les émotions positives face au risque de récurrences ».

Tout le monde recherche intrinsèquement le bonheur, chacun souhaite une fin heureuse à chaque situation de vie. Les soignant.es ne sont pas dupes. Les actes de soins induisent parfois la douleur. Les soins accompagnent les maladies chroniques qui compliquent la vie. La mort assure une fin de vie qui n’est pas le contexte de bonheur tel que l’on peut l’entendre. Le rythme de travail peut générer de l’angoisse, voire de l’épuisement professionnel.  Le bonheur peut induire une lutte presque vindicative réduisant alors notre capacité à persévérer malgré les contraintes. Le bonheur est avant tout dépendant de la représentation que nous nous en faisons. Il n’est pas réservé à une catégorie sociale, il peut être simplement le résultat d’un labeur constitué d’échecs mobilisés par la quête de sens. Le bonheur est un sentiment subjectif de satisfaction passagère offrant un moment de répit...

Notes

  1. Dictionnaire des concepts en soins infirmiers - Vocabulaire professionnel de la relation soignant-soigné, Christine PAILLARD, SETES Editions, août 2016, 3e édition, 28 €.
  2. BESCHERELLE, A. Dictionnaire National Bescherelle de la langue française. Paris : Garnier frères. 1879. Vol. I.
  3. YOURCENAR, M. Alexis ou le Traité du vain combat. Paris : Gallimard, 1991
  4. BREBAN,  L.  La richesse ne fait pas le bonheur : du paradoxe d'Easterlin à celui d'Adam Smith. L'Économie politique. 3/2016, n° 71.  p. 17-26
  5. ANDRÉ, C. . Psychologie du bien-être et du bonheur [Conférence 3]. Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive. Vol 13, n° HS 1. décembre 2003. p. 7

Christine Paillard
Docteure en sciences du langage, diplômée en ingénierie pédagogique et licenciée en sciences de l’information et de la communication, elle accompagne les étudiant.es infirmier.ières (Ifsi, IPA) à l'acquisition de compétences informationnelles, linguistiques pour remobiliser une démarche documentaire scientifique.


Source : infirmiers.com