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Cours - Urgence Réanimation - L'antalgie du polytraumatisé adulte en pré-hospitalier

Publié le 16/04/2009
antalgie préhospitalière 4

antalgie préhospitalière 4

anthalgie préhospitalière 1

anthalgie préhospitalière 1

antalgie préhospitalière 3

antalgie préhospitalière 3

Delrez Philippe , infirmier spécialisé en soins intensifs et aide médicale urgente avec la collaboration du Pr. Ph. Meert, du Pr. M.-S. Reynaert , de Mr . R. Misra , Service des Urgences et du Pr. L. Jacquet , chef du service de pathologies cardio-vasculaires intensives, Cliniques universitaires St-Luc, Bruxelles, Belgique.

Ainsi que du Dr Ch. Lacroix responsable du service des urgences et du Service mobile d'Urgence, RHMS site d'Ath.

Dans le cadre du patient polytraumatisé en pré-hospitalier , la douleur reste parfois un problème majeur qui nécessite une prise en charge particulière tant au niveau paramédical que médical. Dans un premier temps, nous allons aborder les points importants à respecter lors de sorties en Service mobile d'Urgences (SMUR) qui influencent la douleur pour déboucher dans un second temps sur les spécificités antalgiques de ce type de patient.

Points importants de la prise en charge pouvant interférer avec l'antalgie :

La prise en charge du patient traumatisé grave est faite d'étapes complexes à diriger et délicates à mener pour plusieurs raisons.

Le traumatisé grave est, par définition, un patient complexe dont le pronostic vital est en jeu à court terme, ce qui implique qu'il faut aller vite. Les démarches diagnostiques et thérapeutiques sont nécessairement imbriquées et doivent être menées parallèlement : il faut une stratégie rigoureuse pour éviter oublis et erreurs, mais assez souple pour s'adapter à chaque patient. Le but de cet article sera de donner les grandes lignes de la prise en charge.

Lors de toute sortie en SMUR, il est impératif de ne pas oublier certains appareils tel que Oxygène, Aspirateur à mucosités, respirateur, Pousse-seringue électrique, Scope, défibrillateur, kit d'intubation difficile, thermomètre hypotherme, couverture de survie, minerve, attelles, pantalon antichoc…

Après une évaluation primaire, l'infirmier réalisera les actions suivantes :

A- Airway ( liberté des voies aériennes et protection du rachis cervical)
B- Breathing (ventilation)
C- Circulation (perfusion)
D- Disability ( état neurologique)
E- Exposure (examen plus systématique tête -> pieds)

- L'interrogatoire devra se faire à deux niveaux :

  1. Du patient
    - Permet d'apprécier l'état de conscience (Glasgow)
    - récolte d'une série de données anamnéstiques afin de rechercher s'il existe une éventuelle contre-indication à un traitement, allergies.
    - Perte de connaissance initiale : se souvient ou non de l'accident ?
    - La localisation de la douleur du patient orientera l'examen clinique.
    - « Le patient a-t-il mal au niveau du cou ? »
    - Les c irconstances de l'accident permettront de découvrir les lésions associées ?
  2. 2. Des témoins
    - Circonstances de l'accident ;
    - l'état initial du patient (conscience…) par rapport à état actuel.

Mise en place d'une minerve rigide obligatoirement.

l'état initial du patient (conscience…) par rapport à état actuel

Score de Glasgow pour examen Neurologique à réévaluer dans le temps

- mise en place de deux voies d'accès intraveineuse(iv) ( min 16G si possible) par laquelle on administrera du Hartmann ou des colloïdes. Notons la possibilité d'administrer du Poly(O-2-hydroxyethyl)starch (poids moléculaire moyen 200 000) à raison de 4ml/kg en IV rapide en cas de choc hypovolémique ou de vasoplégie . L'élimination de cette molécule est rénale et la durée de demi-vie est approximativement de 4h.

Lors de cette mise en place de la voie veineuse, l'infirmier effectuera un prélèvement sanguin comprenant une glycémie (dextro), une hématologie, une hémostase, un ionogramme, les enzymes cardiaques et une compatibilité sanguine.

- surveillance des paramètres tels que la tension artérielle avec un intervalle court

( 2 minutes), la fréquence et le rythme cardiaque, les pouls, oxymétrie pulsée, douleur (sur une échelle verbale simple), état cutané (pâleur, marbrures), état neurologique, diamètre abdominal si possible.

- administration d' oxygène le plus rapidement possible pour une SpO2 > ou = à 95% et matériel d'intubation à portée de main. Pas d'hyperextension cervicale ( maintien de l'axe tête-cou-tronc, en cas de suspicion de lésion du rachis -> subluxation de la mandibule.

- Notons l'utilité du CO 2 expiré comme indicateur d'intubation endotrachéal et reflète l'état hémodynamique du patient.

- préparation et administration du traitement médicamenteux sur ordre médical .

- le transport, en soi, est une phase à risque où les complications peuvent survenir à tout moment, c'est pourquoi l'Anticipation sera le maître-mot de l'infirmier. Ce transport devra être prudent, la conduite doit être adaptée à l'état du patient qui doit être installé dans un matelas à dépression.

- les transmissions

sont totalement intégrées dans la prise en charge du patient. C'est un véritable dossier à la fois des actes médicaux mais également des actes infirmiers qu'il faudra transmettre à l'équipe d'accueil. Tous les horaires sont notés, tous les paramètres de surveillance y sont consignés et toute évolution ou modification pendant le transport signalées. Les médicaments administrés sont également bien sûr consignés sur ce dossier avec leur posologie et leur voie d'administration. L'évolution de la douleur doit être notée et confrontée aux différentes phases de la prise en charge.

Partie ANTALGIE

Maintenant que nous avons vu les points de la prise en charge qui interagissaient avec la douleur, nous allons pouvoir analyser et détailler l ‘antalgie plus précisément.

Définition de la douleur selon L' International Association for Study of Pain  :

« Expérience sensorielle et émotionnelle associée à un dommage tissulaire actuel ou potentiel, ou décrit en ces termes »

Parlons maintenant de la prise en charge spécifique de l'antalgie du patient polytraumatisé en pré-hospitalier .

'appréciation de l'intensité de la douleur est très souvent sous-estimée par le personnel médical et paramédical en milieu hospitalier. La douleur doit donc être systématiquement évaluée pour être correctement traitée. Lors de l'antalgie, il sera important de mettre l'accent sur la surveillance de l'état de conscience et sur la saturation en oxygène lors de l'administration de morphine.

L'antalgie en pré-hospitalier doit viser à :

  • Donner au patient un confort maximal dans des conditions de sécurité hémodynamiques et respiratoires.
  • Garder le patient conscient (s'il l'est à l'arrivée du Smur)
  • Protéger les voies respiratoires
  • Maintenir un état hémodynamique stable
  • Diminuer les complications liée à la douleur

L'analgésie en pré-hospitalier agit sur 4 volets :

  1. moyens extérieurs
  2. L'antalgie générale
  3. L'anesthésie loco-régionale
  4. L'évaluation, la surveillance, le suivi. (Anticipation des effets secondaires et surdosage)

1. Les moyens extérieurs :

Les mesures d'immobilisation, l'alignement des membres, le matelas à dépression, le coussin d'air…

Avant d'entamer toute approche médicamenteuse, il me semble important de reprendre quelques points qui permettent de réduire la douleur sans aucune administration mais par simple contact verbal ou immobilisation.

  • La communication verbale : une attitude rassurante et sécurisante du soignant auprès du soigné sera nécessaire. Cette attitude viendra potentialiser les effets pharmacologiques d'un traitement.
  • Le retrait d'un environnement anxiogène : Lors d'un accident où un polytraumatisé est impliqué, beaucoup de badauds peuvent interférer dans la prise en charge du patient. Il revient aux forces de l'ordre de sécuriser le périmètre et faciliter notre intervention.
  • L'immobilisation de fractures par des attelles permet de limiter les sources douloureuses et d'apporter un « meilleur » confort au paient.
  • Minimiser les mouvements du patient
  • Une protection thermique limite les frissons, le shivering

2. L'antalgie générale

Lorsque cela est possible, l'équipe médicale ne doit pas se priver de renseignements précieux sur les antécédents, les traitements en cours, les allergies éventuelles… De plus, l'heure du dernier repas est souvent inconnue et le traumatisme, la douleur intense, l'anxiété engendrent une augmentation du temps d'évacuation gastrique. Enfin, les risques de régurgitation et de vomissements sont importants dans cette situation de stress, c'est pourquoi il sera indispensable de maintenir le réflexe de protection des voies aériennes supérieures et si le cas échéant ce réflexe ne peut être maintenu, il en viendra de protéger l' airway par la mise en place d'un tube endotrachéal.

Médicaments utiles lors de douleurs aigus :

Médicaments
Dose
Administration
Délai d'action (min)
Durée d'action moyenne
½ vie d'élimination après bolus
NB
Sufentanil
Titration 5 mcg / 5 mcg
Max : 0,3 µg/kg
Début : 1min Max : 3 min
0,5 – 1
30-60 min
2 – 7 h
Morphine
0,1 mg/kg IVL
Début : 5min Max : 20 min
5-15
60-120 min
2 – 9 h
Alfentanil
0,5 – 1 gamma/kg
Début : 5min Max : 20 min
0,5 – 1
15-20 min
1 – 5 h
Fentanyl
1-2 m g / kg
Début : 1min Max: 20 min
2 – 3
30 min
3 – 7 h
! Effet rebond tardif
Ketamine + ajouter d'emblée 1mg de Dormicum®
0,5 mg/kg
dose analgésique
Début : 5min Max : 20 min
Nb : provoque une anesthésie dissociative
ex: acte bref de réduction

NB : Pour rappel le paracétamol diminue la consommation de morphine.

3. L'anesthésie loco-régionale (ALR)

Lors d'une ALR, il est primordial de poser les actes suivants:

De regarder les contre-indications éventuelles telles que la souillure du point de ponction, un délabrement

issulaire, des troubles de l'hémostase connus, ou un refus du patient mais également les contre indications absolues comme le coma, une détresse vitale, un choc, une allergie connue (allergie aux amides sont relativement rares) ou des lésions neurologiques.

Plusieurs ALR sont praticables en pré-hospitalier. Prenons par exemple le bloc ilio-fascial qui est une anesthésie par blocs nerveux au niveau des membres inférieurs. Elle se fait sans stimulateur nerveux et on ne recherche pas la proximité des gaines nerveuses mais l'on injecte l'anesthésique local dans un espace de diffusion qui permet d'atteindre les différents nerfs concernés . Pour ce faire, le patient devra se trouver en décubitus dorsal, membre inférieur en légère abduction et rotation externe.

Matériel nécessaire : 1 aiguille 50mm à biseau court [ ex : Plexufix (Braun®)] pour l'ALR le bloc ilio-fascial

Dans le cadre de l'ALR, l'infirmier devra être attentif à la désinfection, à une éventuelle contamination, à éviter l'injection en intravasculaire et rassurer le patient.

Avant :

  • Examen clinique rigoureux, interrogatoire précis permettant de noter les antécédents, particulièrement les antécédents allergiques.
  • demander le consentement éclairé du patient,
  • Rassurer le patient
  • d'installer le patient en décubitus dorsal ,
  • avoir une voie veineuse périphérique de bon calibre dont on vérifie la perméabilité avant l'induction anesthésique.
  • un monitoring (TA, FC, SPO2),
  • un matériel de réanimation à porté de main,
  • avoir une asepsie rigoureuse
  • bien vérifier son matériel

Pendant :

  • tests aspiration répétés
  • injection lente et fractionnée
    Stop si reflux de sang, douleur lors de l'injection, symptômes de diffusion systémique
  • Garder contact verbal
  • Recherche d'une toxicité éventuelle au niveau systémique
  • Surveillance continue de la FC, TA, SPO2

Après une ALR :

Une surveillance continue de 45 minutes sera nécessaire

Durant la surveillance initiale, l'Infirmier devra porter son attention sur la détection de l'injection en intravasculaire tant neurologiques que cardiologiques qui sont :

- étourdissement,         
- acouphènes,
- goût métallique
- troubles visuels
Pourtant évoluer vers    contracture contractures musculaires,
une inconscience,
des convulsions,
un coma voire une dépression respiratoire et circulatoire comme :
- diminution contractilité ventriculaire
- diminution de la vitesse de conduction
- diminution du tonus vaso-moteur

NB :

  • Il est important de savoir que la toxicité neurologique est potentialisée par l'état de choc, l'hypercapnie, l'acidose et l'hypoxie.
  • Ne jamais banaliser un acte d'ALR et surtout travailler dans des conditions de sécurité optimales.

4. L'évaluation, la surveillance, le suivi.

Face au patient polytraumatisé qui va recevoir une panoplie d'antalgiques, il me semble important de pouvoir évaluer correctement la douleur et ce par différents moyens d'évaluation sont possibles :

Dans un premier temps, on peut utiliser

  • L'évaluation verbale simple (EVS) qui va consister de proposer une échelle imaginaire.
  • L'évaluation numérique (EN)
  • L'échelle visuelle analogique (EVA) via règle graduée.(Figure 1)

Figure 1

Après une évaluation objective de la douleur, on peut suivre un organigramme tel que celui des recommandations de la SFAR  :

Une surveillance minutieuse devra être d'application après une telle antalgie. C'est pour cette raison que l'infirmier devra porter son attention tant sur les paramètres hémodynamiques de surveillance, que sur l'état cliniques général et neurologique.

En conclusion, après avoir brassé les grandes lignes de la prise en charge du patient polytraumatisé en pré-hospitalier , nous avons pu reprendre en détail les différents points essentiels de l'antalgie de ce type de patient et ce, des petits moyens pratiques dès l'arrivée, à l'anesthésie loco-régionale. L'évolution des médicaments et des techniques anesthésiques ont permis une meilleure prise en charge des patients leur permettant plus de confort. Cependant, l' aspect psychologique ainsi qu'une éventuelle éducation thérapeutique du patient seront pris au sérieux. C'est de par notre formation continue et notre rigueur dans le travail que la place du personnel infirmier reste primordiale.

A retenir :

  • Rapidité
  • Efficacité
  • Délicatesse
  • Anticipation
  • Multidisciplinarité

Bibliographie

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  • Lacroix Ch., L'analgésie en SMUR et aux Urgences, 9 ème Colloque de médecine d'urgence, Libramont, Mai 2003, p.76-81.
  • Claessens B., Mazairac G., La gestion de la douleur en SMUR, Urgence et Médecine, 2 ème Symposium, Ateliers de Réanimation Adultes en Médecine d'Urgence, Bruxelles, 2001
  • Servais J.M., Lefranc F., Taymans L., The Golden hour ou le temps du bilan primaire chez le polytraumatisé adulte, Urgence et Médecine, 2 ème Symposium, Ateliers de Réanimation Adultes en Médecine d'Urgence, Bruxelles, 2001
  • Ammirati Ch. (Samu 80, Amiens, France), Stratégie de prise en charge extrahospitalière d'un polytraumatisé, Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, et SFAR, Conférences d'actualisation 2000, p. 389-408. consultable sur http://www.sfar.org/sfar_actu/ca00/html/ca00_25/00_25.htm
  • Balagny E., Coriat P., Lienhart A., Les Morphiniques, édition Arnette, 2002, p.20
  • Guignery-Debris H., Urgences-Réanimation , édition Estem, 2002, pp. 325-327.
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Delrez PHILIPPE 
infirmier spécialisé en soins intensifs et aide médicale urgente
avec la collaboration du Pr. Ph. Meert, du Pr. M.-S. Reynaert , de Mr . R. Misra
Service des Urgences
du Pr. L. Jacquet
chef du service de pathologies cardio-vasculaires intensives
Cliniques universitaires St-Luc, Bruxelles, Belgique.
Ainsi que du Dr Ch.
Lacroix responsable du service des urgences et du Service mobile d'Urgence, RHMS site d'Ath


Source : infirmiers.com