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COURS IFSI

Cours - psychiatrie - La psychosomatique

Publié le 17/04/2009

La psychosomatique se définit par le lien entre le psychique et le somatique pris dans la relation.
En effet, le fait psychosomatique le plus simple, c’est la relation. Ainsi tout au long de sa vie le sujet est en relation, c’est dans cette continuité temporelle que s’effectuent des conflits, qui peuvent être solubles ou insolubles dans le cas de l’impasse. Ils sont les facteurs déterminants de la pathologie somatique. Cela donne tout un ensemble d’expression allant des symptômes les plus banals aux pathologies les plus graves.
Le fonctionnement du sujet rend compte de deux réalités, le réel et l’imaginaire qui, au-delà de leurs combinaisons, n’en laissent pas moins apparaître le sujet dans une unité de fonctionnement qui peut être soumis à des conflits solubles ou insolubles. (qui renvoient à une situation d’impasse).
Deux observations cliniques permettent de préciser ces deux fonctionnements, l’une est prise dans une situation conflictuelle facteur incident d’une pathologie fonctionnelle ; l’autre tourne autour d’une pathologie organique.
La première observation donne une large place aux potentialités imaginatives.
Ainsi, Laurent (6 ans et demi) est le dernier né d’une famille de quatre garçons. Il vit avec son père, juriste et écrivain, rigide, agressif et interventionniste, dont il évite le contact, surtout depuis un certain accident. L’enfant se complaît dans une relation maternelle trop proche.
Sur le plan du développement, tout s’est passé harmonieusement jusqu’au jour où l’enfant est tombé de vélo : cette chute coïncide avec le début de son apprentissage de l’écriture, moment investi par le père écrivain. Depuis, l’enfant ne peut plus se servir de la main droite pour écrire. « C’est bloqué », dit-il. En fait, une impotence fonctionnelle de tout l’avant-bras droit à l’acte d’écrire contraint l’enfant à se servir pour cela de l’autre main. L’examen électromyographique montre l’absence d’anomalie des nerfs périphériques, ce qui peut faire conclure à une paralysie anorganique. La chute de vélo a cependant eu lieu après une brouille violente avec le père. A travers le discours de l’enfant, le lien entre une problématique imaginaire inconsciente, liée à l’agressivité paternelle, et la chute de vélo, paraît évident. Dès lors, peut-on en conclure un investissement du problème corporel sur le plan de l’imaginaire ?
En fait, cette donnée imaginative est lisible dans le fonctionnement de la pensée de l’enfant : celle-ci est adaptée à la rêverie, elle fait preuve de tout un fonctionnement du subjectif, elle est incluse dans une activité riche du point de vue de l’imaginaire des rêves qui sont vivants et colorés. Le désir profond de l’enfant, dans ce domaine, est de répondre favorablement au projet familial, à ce que les parents attendent de lui. Aussi la forme d’expression verbale est-elle imaginative, elle se répercute également dans le dessin (une activité parentale très investie), avec un graphisme enrichi par le plan de l’imaginaire. L’espace est géré dans cette même dynamique.
Je prends pour exemple une série de dessins. Le thème en est : « Un enfant rentre chez lui et rêve de la guerre ». Sur le premier dessin, trois petits chats, placés dans un camp « L » (première lettre du prénom de l’enfant), attaquent un chat « R » (première lettre du nom du père). La lutte est un combat à mort (c’est ce qu’indique le dernier dessin).
Avec cette histoire dessinée, nous voici dans une véritable activité de rêve, une régression du mot vers les choses. La problématique inconsciente se situe là autour d’une angoisse face à l’agressivité. Celle-ci est d’autant plus forte que la lutte avec le père est une lutte à mort. Dès rêves autour de tels combats, faits parallèlement à ces représentations dessinées, confirment l’importance imaginaire d’un tel conflit.
C’et également à partir de l’exécution d’un important tableau que l’enfant soumet sa problématique corporelle imaginaire, psychologique et inconsciente. Il se situe au moment où la mère de l’enfant es hospitalisée. L’enfant représente (de la main gauche) un fantôme que l’on voit de dos. De la jambe droite du pantalon sort une image sexuelle. Sur cette partie du vêtement est inscrit « Danger de mort », ce qui laisse apparaître une inquiétude concernant le sexe masculin ; c’est une véritable angoisse que Laurent précise lui-même : pour lui, tout le monde a un organe sexuel masculin. L’hôpital est vécu comme l’endroit où il se passe des choses qu’il ignore et concernant ce domaine. Or il y a séjourné pour le coude cassé, à la suite de sa chute de vélo ; et il doit se retrouver seul en vacances avec son père : l’angoisse se fixe autour de ce phénomène.
Je lui fais préciser son inquiétude. « Tu sais, me dit-il, il y a l’année dernière ou il y a deux ans, ma mère était à la maison à la campagne ; je me suis cassé le coude droit. Je jouais à vélo, j’ai laissé passer l’heure. Mon père m’a engueulé ; après je suis tombé avec ma bicyclette. Maman m’a emmené à l’hôpital. Elle est restée avec moi, mais je ne sais pas ce qu’on m’y a fait. Si tu viens en vacances avec moi, s’il m’arrive quelque chose, comme il n’y a que papa, j’aurai quelqu’un. Je ne suis pas rassuré avec papa, surtout s’il s’énerve ».
Il m’explique ensuite qu’il a toujours peur que cette situation de l’accident se reproduise ; c’est pourquoi il ne veut pas utiliser cette main pour écrire.
L’aide à la compréhension de la situation conflictuelle liée à l’hospitalisation de la mère, qui prend en charge les données de l’imaginaire dans la situation relationnelle au père, permet à la situation d’évoluer. Ceci joue un rôle primordial pour l’utilisation nouvelle de la main droite pour écrire.
Une deuxième observation chez un patient dépourvu de potentialité imaginative se trouve confrontée à un problème autour d’une situation d’impasse ou situation conflictuelle sans issue.
Monsieur x, âgé de 30 ans, s'inscrit très tôt dans une manière parentale d'aborder les difficultés de vie par la solution du banal. C'est ainsi que laissé dès 6 mois à une personne étrangère, différente de l'organisation familiale par son goût du fantaisiste, et sa richesse imaginative, elle sera jugée être la cause d'une toxicose nécessitant une hospitalisation. Ceci va créer le début d'une organisation familiale où la garde de l'enfant est laissée exclusivement à la grand-mère paternelle ou maternelle, reproduction à l'identique de la personnalité du père comme de la mère, et qui ont en commun, le goût de l'organisation sans imagination ni création personnelle. Par la suite, deux déménagements successifs, à 5 ans et à 10 ans, sont organisés pour rapprocher l'enfant du domicile des grands parents ; le premier déclenche chez ce garçon une grippe suivie d'une embolie pulmonaire ; le second est suivi d'une rougeole.

Rapidement, la scolarité s'avère difficile. Une rééducation psychomotrice, mise en place dès le C.P., pour des difficultés d'orientation dans l'espace, déclenche une phase d'énurésie qui disparaît, exactement en même temps qu'un système de "trucs" intériorisé pour le repérage spatial se met en place. De même, une scolarité difficile se traduit par un forcing sur le plan des cours de rattrapage. C'est alors que différentes cassures ou passages à l'acte somatique se font jour : successivement, il se casse le bras puis la jambe dans la tension de l'école ou la détente d'un match de football. Ceci démontre bien l'aspect pulsionnel et non symbolique du problème corporel.

Avant l'apparition de ce trouble important qu'est la recto colite hémorragique, des céphalées apparaissent en même temps qu'un nouveau déménagement. Une expérience d'insatisfaction réelle se répète à vide, sur un mode dépourvu de tout imaginaire, qui rend présente l'absence de structuration personnelle transparaissant ici dans la manière de se situer sans organisation dans l'espace. Car, dans ces déménagements forcés - de l'avis du patient - ses références, créées de l'extérieur, tout comme son être, s'effondrent. Par la suite, un nouveau changement intervient du fait de son mariage car son épouse juge trop dangereux son activité sportive et l'empêche de la poursuivre, et parce qu'un nouveau travail l'occupe près de son domicile, ce qui crée une situation bloquée sur le plan de la motricité. La chute dans le somatique s'intensifie avec la recto colite hémorragique ; elle est fonction d'une impasse personnelle et pulsionnelle à laquelle vient se fixer l'absence de travail de l'imaginaire. C'est ici que s'impose la non existence de l'imaginaire corporel.

Pour comprendre la dynamique de ces deux éléments, il importe de revenir aux différents processus de somatisation. On remarque d'abord qu'ils ne dégagent pas un aspect symbolique du corporel. Ensuite, si, tout au long de ce qui précède, l'accent n'est pas mis sur la dimension de l'imaginaire, c'est que celle-ci se trouve occultée, voire refoulée autant dans l'investissement corporel de ce patient que dans tout le processus de pensée. En effet, le sujet expose sa vie comme une suite d'opérations banales, sans imagination, sans création subjective. De ce fait, il n'a pas la possibilité intellectuelle de se dégager d'un récit où tout sera d'une remarquable précision descriptive, avec un souci du détail, une référence explicite" aux lieux et dates, ce qui vient corroborer le tableau psychologique clinique d'une catégorie de recto-colite hémorragique décrite dans l'abord psychosomatique en gastro-entérologie, de S. Bonfils, J.C. Hachette et O. Danne, repris autrement par Sami-Ali dans le cadre de la pathologie du banal.

Le discours n'est donc pas une pensée de rêverie adaptée au symbolisme et à la manipulation du concept ; l'investissement d'un corps filtré d'images et de fantasmes clame son absence ; par contre, un processus corporel, hautement présent, est marqué par l'investissement du réel. C'est un corps fécond pour la manipulation d'une technique mais inadapté à une richesse imaginative. Néanmoins, le choix de la relaxation psychothérapique paraît judicieux car il permet d'aller au delà de ce fonctionnement, grâce à la maîtrise tonico-émotionnelle liée à une ouverture sur le monde extérieur, et ce dans un rapport corps réel - corps imaginaire qui devra être instauré par un mouvement relationnel, qui permet la représentation imaginaire et par là-même de tisser des liens nouveaux entre les mouvements psychiques et les événements vécus, tous éléments qui interfèrent sur la symptomatologie.


CENTRE INTERNATIONAL DE PSYCHOSOMATIQUE, RECHERCHE, FORMATION, EDITION
Directeur Scientifique : Pr Sami-Ali
Directeur : Sylvie Cady
Resp administrative : Maryse Moraes

Source : infirmiers.com