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COURS IFSI

Cours IFSI - Les intoxications médicamenteuses volontaires

Publié le 16/03/2012
Les intoxications médicamenteuses volontaires

Les intoxications médicamenteuses volontaires

Les IMV sont des motifs de recours fréquents des services d’urgence. Elles représentent la première cause d’hospitalisation des sujets de moins de 30 ans. Elles sont heureusement le plus souvent bénignes avec une mortalité hospitalière de l’ordre de 1 % essentiellement due aux cardiotropes (mortalité en réanimation des psychotropes de l’ordre de 1 % versus 15 % pour les cardiotropes).

Signes de gravité immédiats

La recherche de perturbations des fonctions vitales est systématique, celles-ci pouvant être directement liées à l’intoxication ou liées à une complication de l’intoxication :

  • Les troubles de la conscience sont les plus fréquents du fait de la prépondérance des intoxications par psychotropes allant de la simple somnolence au coma non réactif. Ces comas toxiques sont caractérisés par l’absence de signe de focalisation et par leur caractère réversible en l’absence de complication et sous réserve d’un traitement symptomatique. Par ailleurs, des convulsions voire des états de mal convulsifs sont possibles.
  • Les troubles circulatoires vont de l’arrêt cardio-pulmonaire (fréquence des DEM) au choc par troubles du rythme, par vasodilatation et/ou par inotropisme négatif direct.
  • Les troubles respiratoires quant à eux sont liés à l’intensité des troubles de la conscience ou à des complications de type inhalation. À noter qu’une hypoventilation est possible sans trouble important de la conscience dans le cas de patients aux antécédents respiratoires.
  • Quant aux complications classiques à rechercher, il s’agit essentiellement d’hypothermie, de bronchopneumopathie d’inhalation ou de lésions de compression avec rhabdomyolyse.

Mesures symptomatiques initiales

  • Mise en place d’un monitorage multiparamétrique et réalisation précoce d’un ECG.
  • Mise en place d’un abord veineux au moindre élément de gravité.
  • Les mesures initiales consistent en la correction des perturbations des fonctions vitales.

Troubles profonds de la conscience (classiquement les comas avec GCS

Ils doivent bénéficier de mesures de protection des VAS (intubation oropharyngée) mais seulement après avoir envisagé une possibilité de réversion par antidotes (glucose et hypoglycémie, naloxone et opiacés, flumazénil et benzodiazépines sans prise associée d’antidépresseurs polycycliques). Les convulsions sont traitées dans un premier temps de façon conventionnelle par benzodiazépines. Quant aux agitations toxiques parfois hallucinatoires, elles bénéficient d’une contention mécanique voire chimique « raisonnée ».

Correction des perturbations hémodynamiques

Elle ne peut s’envisager qu’en tenant compte des médicaments supposés ingérés et après réalisation systématique d’un ECG (grande valeur d’orientation étiologique).
Très schématiquement et à titre d’exemple, un collapsus (valeur de PAS à interpréter en fonction des chiffres tensionnels habituels du patient) sans perturbation ECG conduit à une épreuve de remplissage prudente (250 ml par 250 ml à reconsidérer après 1000 ml avec auscultation pulmonaire régulière et monitorage multiparamétrique) avant d’envisager le recours aux amines vasoactives.
Par contre, un collapsus avec ECG inscrivant un bloc intraventriculaire non connu et diffus, évocateur de l’ingestion d’une molécule à effet stabilisant de membrane doit conduire à une charge sodée par bicarbonate molaire (250 ml en surveillant la kaliémie du fait de l’hypokaliémie de transfert liée à l’alcalinisation).

Troubles ventilatoires

Ils bénéficient quant à eux d’un support allant de la simple oxygénothérapie au masque à la ventilation assistée sous réserve encore une fois de l’échec d’une possible réversion par antidotes. Enfin, une hypothermie systématiquement recherchée bénéficiera de mesures de réchauffement.

Éléments cliniques et paracliniques d’orientation

Un patient gravement intoxiqué peut être asymptomatique lors de son admission aux urgences (en particulier dans les cas d’ingestion de formes galéniques retard ou de toxiques lésionnels).

Dans cet esprit, l’anamnèse doit être la plus complète possible avec détermination des toxiques en cause, de la DSI (dose supposée ingérée), de l’heure et des circonstances de l’ingestion mais aussi du motif du passage à l’acte. Néanmoins, il faut savoir évoquer une intoxication médicamenteuse volontaire par exemple devant un tableau de coma ou de troubles hémodynamiques inexpliqués ou encore devant une défenestration ou un accident de la voie publique sans corrélation clinicotraumatologique.

Lorsque les médicaments en cause sont connus, la recherche d’une concordance toxicoclinique doit être systématique (pour mémoire, le Vidal n’est en aucun cas un ouvrage de toxicologie et il n’existe pas de relation directe entre la pharmacocinétique et la toxicocinétique).

Cette démarche justifie un large recours au centre anti-poisons.

Éléments cliniques

La recherche d’une corrélation toxicoclinique et la réflexion par toxidromes (ensemble de signes cliniques liés à un toxique) doivent être privilégiées.

À titre d’exemple non exhaustif, voici quelques toxidromes habituels :

  • benzodiazépines et coma calme souvent peu profond ;
  • antidépresseurs tricycliques et coma agité ou convulsivant avec syndrome pyramidal et syndrome anticholinergique ou atropinique (sécheresse cutanéomuqueuse, soif, hallucinations, agitation, hyperthermie, mydriase, tachycardie, rétention urinaire, hyperventilation) ;
  • barbituriques et coma calme volontiers profond ;
  • neuroleptiques et coma avec syndrome extrapyramidal ;
  • antihistaminiques et coma avec syndrome anticholinergique ;
  • théophylline et syndrome adrénergique (agitation, convulsions, HTA ou hypotension, tachycardie) ;
  • opiacés et syndrome narcotique (coma, hypoventilation voire apnée, hypotension, myosis) ;
  • inhibiteurs ou agonistes de la recapture de la sérotonine et syndrome sérotoninergique (coma hypertonique et hyperréflexique, hyperthermie, tachycardie, dysautonomie, myoclonies).

Éléments paracliniques

ECG

L’ECG est un élément fondamental d’orientation étiologique et thérapeutique . Il permet
de mettre en évidence :

  • Un bloc intraventriculaire caractéristique des molécules à effet stabilisant de membrane
    • Antidépresseurs polycycliques.
    • Antipaludéens (chloroquine et quinine).
    • Anti-arythmiques de classe 1.
    • Certains bêtabloquants (propanolol, acébutolol, lénadoxolol, penbutol, pindolol, oxprénolol, labétolol).
    • Et dans une moindre mesure des psychotropes type carbamazépines et phénothiazines ou encore des antalgiques de type dextropropoxyphène.
  • Un bloc auriculoventriculaire également évocateur d’un stabilisant de membrane mais aussi d’un digitalique
    • QT long toujours évocateur d’un stabilisant de membrane mais aussi d’une intoxication par amiodarone.
    • Dysrythmie ventriculaire se retrouvant toujours avec les stabilisants de membrane mais également avec les digitaliques et la théophylline.
    • Bradycardie classique dans les intoxications par bêtabloquants, inhibiteurs calciques ou digitaliques.

Radiographie pulmonaire

Son intérêt essentiel est de permettre la recherche d’une bronchopneumopathie d’inhalation, classiquement à prédominance droite.

Biologie

Des perturbations biologiques sont à rechercher. Elles peuvent avoir une valeur d’orientation étiologique, une valeur pronostique ou encore une forte incidence thérapeutique.

À titre d’exemple, les anomalies suivantes peuvent se rencontrer :

  • Glycémie

Hypoglycémie et ingestion d’hypoglycémiant, prise associée d’alcool ou encore coma toxique de découverte tardive. Hyperglycémie et syndrome hyperadrénergique.

  • Kaliémie

Hyperkaliémie et intoxication par digitalique (facteur pronostique), insuffisance rénale (associée alors à une augmentation de la créatinine et de l’urée) en particulier sur une rhabdomyolyse. Hypokaliémie et intoxications par chloroquine ou théophylline.

  • SGOT, SGPT

Cytolyse et intoxication par paracétamol.

  • CPK, myoglobine

Signant une rhabdomyolyse et donc un trouble prolongé de la conscience.

  • TQ

Ingestion d’antivitamine K ou insuffisance hépatique sur intoxication grave et traitée tardivement par paracétamol.

  • GDS

Les GDS peuvent se justifier dans le cadre d’une insuffisance respiratoire aiguë (hypoventilation d’origine centrale ou bronchopneumopathie d’inhalation) ou pour rechercher un trouble de l’équilibre acidobasique (concerne essentiellement des intoxications non médicamenteuses par méthanol ou éthylène glycol).

Analyse toxicologique

  • L’analyse toxicologique ne doit jamais être systématique et ne se conçoit que si elle présente un intérêt pronostique ou thérapeutique Elle doit être ciblée sur un toxique donné car les screenings sanguins ou urinaires sont rarement contributifs en terme d’implication thérapeutique.
  • Les analyses toxicologiques sanguines les plus fréquentes sont les suivantes :
    • paracétamol prélevé 4 h après l’ingestion qui permet de décider de la mise en route d’un traitement antidotique par N-acétylcystéine en fonction du normogramme de Rumack ;
    • digitaliques permettant de préciser la quantité de Fab antidigoxine à utiliser ;
    • salicylés et indication d’hémodialyse (normogramme de Done) ;
    • lithium et indication d’hémodialyse ;
    • théophylline, phénobarbital et indication de doses répétées de charbon activé.

Diagnostics à ne pas manquer

L’évocation d’une étiologie toxique doit être systématique devant tout tableau clinique inexpliqué. De plus, une concordance entre la clinique, le toxique présumé en cause et sa toxicocinétique doit toujours être recherchée.

Toxiques lésionnels

L’intoxication par paracétamol peut en l’absence de traitement conduire à une insuffisance hépatocellulaire gravissime.

Cardiotoxiques

Ils peuvent être rapidement symptomatiques (moins de 30 min pour certains) ou au contraire à toxicité retardée dans les formes galéniques retard exposant alors à un défaut de monitorage prolongé.

Psychotropes à fort potentiel narcotique

Neuroleptiques, carbamates ou barbituriques.

Complications

En particulier, les complications respiratoires et métaboliques.

Diagnostics les plus fréquents et conduite à tenir aux urgences

  • Les IMV les plus fréquentes sont de loin Cours - Intoxication aux benzodiazépines les intoxications par benzodiazépines qui représentent 50 % des IMV. Elles sont responsables de comas calmes le plus souvent peu profonds et sans dépression respiratoire ; elles sont donc rarement dangereuses. Cependant, il faut être particulièrement vigilant lorsqu’elles sont associées à un autre psychotrope, à l’alcool, chez le sujet âgé ou chez l’insuffisant respiratoire chronique.
  • Les autres psychotropes souvent rencontrés sont les antidépresseurs polycycliques (environ 15 % des IMV) en phase d’être détrônés par les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, les neuroleptiques (5 à 8 %) et les carbamates.
  • En dehors des psychotropes, les IMV par paracétamol sont les plus fréquentes (de l’ordre de 5 % des IMV).
  • Quant aux cardiotropes, ils seraient impliqués dans 2 à 4 % des IMV vues aux urgences.

Conduite à tenir aux urgences

  • Reconnaître la gravité clinique et toxicologique d’une intoxication (appel large du Centre anti-poison et du référent toxicologue).
  • Correction des fonctions vitales intégrant l’utilisation éventuelle d’un antidote.
  • Les antidotes ou traitements spécifiques utiles en urgence (intoxication non médicamenteuse exclue) sont, par ordre approximatif de fréquence d’utilisation, les suivants :
    • N-acétylcystéine et paracétamol ;
    • naloxone et opiacés ;
    • sels de sodium molaire et stabilisants de membrane ;
    • flumazénil et benzodiazépines (sans antidépresseurs polycycliques associés) ;
    • vitamine K et antivitamine K ;
    • digidot et digitaliques ;
    • glucagon et bétabloquants ;
    • insuline et inhibiteurs calciques (insuline euglycémique) ;
    • adrénaline (+/– diazépam) et quinidiniques ;
    • octréotide et sulfamides hypoglycémiants ;
    • vitamine B6 et isoniazide.
  • L’orientation du patient doit être adaptée, à savoir :
    • UHCD pour la plupart des IMV par psychotropes ;
    • réanimation pour les intoxications par cardiotropes et les intoxications par psychotropes avec troubles sévères de la conscience ou avec complications.
  • Enfin, la prise en charge psychiatrique doit être systématique et initiée dès le début de la prise en charge.

Dr B. MAIRE
Article revu le 17 mars 2014 par Vincent ELMER, infirmier anesthésiste
vincent.elmer@infirmiers.com


Source : infirmiers.com