Dans ce nouveau cours, Christine Paillard définit les concepts « d'espoir » et « d'espérance » et tente d’en aborder tous les angles, tant d'un point de vue littéraire, sociétal que dans le cadre de l'accompagnement soignant des personnes en souffrance pour qui ces deux mots résonnent de façon bien particulière lorsque confrontées à la maladie, à la fin de vie ou à la mort.
Chaque mois, Christine Paillard, ingénieur pédagogique, propose d'analyser un mot, son étymologie et démontre son importance dans le domaine du soin ; un mot figurant dans son « Dictionnaire des concepts en soins infirmiers - Vocabulaire professionnel de la relation soignant-soigné ».
L'espoir, l'avoir, le garder mais aussi parfois le perdre...
Le mois de décembre est, pour les uns la période de festivités, pour d’autres, une nouvelle période d'austérité et, pour beaucoup, une période que l’on espère traverser très vite. « L’espoir fait vivre » dit le proverbe, mais, sur quoi repose-t-il? Ce substantif masculin implique le fait d'espérer, d'attendre ostensiblement la réalisation d‘un projet, l’accomplissement d’une action positive dans un contexte incertain. L’espoir comporte le désir en quelque chose, en quelqu'un. Il détermine et mesure la confiance dans l'avenir. A l‘hôpital, l’espoir fait écho au processus de guérison, au rétablissement, à l’attente d’une annonce déposée avec délicatesse. L’espoir est une réalité invisible qui peut s’exprimer verbalement ou non. C'est le compagnon d’une épreuve qui s’en trouve allégée.
L’espoir est parfois mal placé, il est unique, pressenti, délivrant, courageux, fébrile, évocateur, patriotique, évangélique, imaginaire, vain, utopique, sentimental, joyeux, lucide, beau, secret, complexe, calme, fragile... Destiné à porter de bonnes nouvelles, l’espoir ose les promesses, apporte un regain d'énergie, au moins pour un temps. Il résonne et perdure, ancré dans des croyances personnelles, spirituelles, renvoie aussi vers l’inutilité de le partager. Ainsi, il s’en va rejoindre d’autres cieux, malgré les soins prodigués. Ma plus douce espérance serait qu’il ne souffre plus
.
Parfois employé au pluriel “tous les espoirs sont permis”, l’espoir est au XIIe siècle, “espeir”. Pour le Dictionnaire de l’Académie française, il est le déverbal d'espérer. L’espoir se communique, les Clowns de l'Espoir interviennent dans de nombreux hôpitaux afin de distraire les enfants hospitalisés. La communication de l’espoir, n’est pas une habileté classique de la relation d’aide. Jacques Chalifour1 souligne qu’il s’agit-là d’une attitude essentielle chez le soignant qui doit, par différents moyens concrets, manifester son espoir et même l’insuffler à la personne soignée en cas de perte d’espoir…
Dans le Dictionnaire des concepts en soins infirmiers cette perte est caractérisée par de sérieuses altérations aux fonctions corporelles, par une situation de fin de vie ou de mort, par une séparation définitive, une blessure trop profonde, par des objectifs de vie irrémédiablement modifiés conduisant au renoncement. L’estime de soi est alors menacée, tout comme la confiance aux autres, ce qui peut produire aussi des altérations à la communication, conduisant à l’isolement.
Malgré un accompagnement professionnel parfois de qualité, l’illusion de la guérison ou de la vie semble prendre le dessus. Cette diminution progressive de l’espoir est présente dans le champ de la santé mentale (dépression, addictions…) créant alors une incessante lutte entre le pouvoir et le devoir faire, entre l'incertitude et l’assurance. La perte de l’espoir n’est pas le désespoir qui n’est qu’un antonyme n’offrant aucune issue. “L’espoir vient et s’en va, il est comme un virus, les deux provenant de la boîte de Pandore2 ”.
Quid espoir et espérance…
Les mots « espoir » et « espérance » se distinguent par leur nature morphologique L’espérance est dérivée du participe présent du verbe « espérer ». Attestée à la première moitié du XIIesiècle, l’esperance est pour le CNRTL une disposition de l'âme qui nous fait considérer ce que nous désirons comme devant se réaliser
. Mais, de quelle espérance parle-t-on ?
Pour Jacqueline Lagrée La véritable espérance, qui n’est pas fantasmatique, présuppose un travail de deuil réussi quant à nos idéaux fantasmés ainsi que l’humilité et la lucidité. Car, sans elle, il n’y aurait guère de courage ni cet effort pour persévérer dans l’être qui caractérise la vie. Et c’est pourquoi, quelle que soit la gravité d’une maladie, il faut toujours laisser une fenêtre d’espoir, non pas l’illusion d’une guérison si celle-ci est impossible, mais l’ouverture d’un avenir qui permette l’accomplissement de projets à la mesure des forces présentes : lire, écouter de la musique, admirer une fleur ou un jardin, regarder des enfants jouer, parler à ceux que l’on aime
. Espérer est faire acte de courage et pour, Vladimir Jankélévitch3, tout courage suppose une certaine respiration d’espérance qui est rendue possible par la marge existant entre la certitude du danger et la contingence du danger ; tout courage est une confiance qui recule à l’infini l’infranchissable barrière de la mort
.
L’espoir, dans soi, des autres, en une voie plus propice, devrait suffisamment nous éclairer, tel un lumignon inextinguible qui aurait pour objectif d’éveiller en nous une digne ampleur de la volonté humaine pour surpasser les circonstances.
Christine PAILLARDIngénieur pédagogique Rédactrice Infirmiers.com
Notes
- Jacques Chalifour. L'intervention thérapeutique. V. 1, Les fondements existentiels-humanistes de la relation d'aide. Canada: Morin Gaëtan.2000
- Exemple forgé par Caroline Tête
- V. Jankélévitch. Traité des vertus. Paris: Flammarion. 1993. Cité par J. Lagrée
Suggestions bibliographiques
- Dolan Yvonne. La pragmatique de l'espoir.Thérapie Familiale.2003/4.V. 24. pp. 373-380.
- Quinon Marie (coord. par). Faire face à la perte d’espoir du patient. Soins Aides-Soignantes.V.8. n° 42, octobre 2011. pp. 8-9
- Sarazy Bénédicte. Espoir. IN Les concepts en sciences infirmières. 2ème édition. Toulouse, Association de recherche en soins infirmiers (ARSI). 2012, pp. 182-184.
- Van de Leemput, Cécile, Salengros, Pierre. Le concept d'incertitude : du constat à l'espoir... Le travail humain, 2007/3.V.70. pp. 201-208.
- Schwab Françoise.Vladimir Jankélévitch. Les paradoxes d'une éthique résistante. Revue d'éthique et de théologie morale. 2009/2.n°254. pp. 27-50.
- Dominique Phanuel et Françoise Hamon-Mekki. La relation pour instaurer la confiance dans les soins. Soins.V.58, n°779. octobre 2013.pp.30-31 D'après les articles originaux publiés dans Potter and Perry, Fundamentals of Nursing , 7th edition. Mosby, on affiliation of Elsevier, 2009:
- Expérience de la perte, de la mort et du chagrin. EMC. Savoirs et soins infirmiers. 2009:1-16 [Article 60-450-B-10]. et Santé et Spiritualité. EMC.Savoirs et soins infirmiers. 2009:1-13 [Article 60-430-B-10].
L'auteur
Christine Paillard est docteure en sciences du langage, diplômée en ingénierie pédagogique et titulaire d'une licence en information et communication. Ingénieure documentaire, elle accompagne les étudiants infirmiers à l'acquisition de compétences informationnelles pour remobiliser une démarche documentaire dans une logique professionnelle et universitaire.
Les ouvrages déjà parus
- Dictionnaire des concepts en soins infirmiers 3e édition Vocabulaire professionnel de la relation soignant-soigné Noisy-le-Grand : Sètes éditions. 2016
- Processus de la recherche documentaire
- Dictionnaire de la relation et de la communication pour AS/AP/AMP. Noisy-le-Grand : Setes éditions. Avril 2015.
- Démarche documentaire paramédicale. Master 1 et 2 pour tous les cadres paramédicaux Noisy-le-Grand : Sètes éditions. 2014.
REFONTE DE LA FORMATION
L'idée d'un tronc commun en master hérisse les infirmiers spécialisés
ÉTUDES
D’infirmier à médecin : pourquoi et comment ils ont franchi le pas
VIE ÉTUDIANTE
FNESI'GAME : l'appli qui aide les étudiants infirmiers à réviser
PRÉVENTION
Des ateliers pour préserver la santé des étudiants en santé