Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

COURS IFSI

Cours - Cardiologie - Embolie pulmonaire

Publié le 10/04/2009

L'embolie pulmonaire (EP) est une affection fréquente potentiellement mortelle. Elle constitue l'une des premières causes de mortalité en milieu hospitalier (10% des décès seraient directement imputables à une EP).

Botte platrée

Botte platrée

ep1

ep1
Crédit photo : (Schéma 1 : Signes de EP d'après « IDE Mémo » Editions Médicilline)

embolie pulmonaire poumons

Embolie pulmonaire

Les causes favorisantes de thrombose veineuse profonde (TVP) et donc d'EP sont multiples. L'association contexte (facteurs de risques), signes cliniques (conséquences hémodynamiques et pulmonaires), signes paracliniques guide la démarche diagnostique basée sur des probabilités d'embolie pulmonaire

1- Etiologie

L'EP est le résultat de la migration d'un thrombus veineux dans la circulation pulmonaire. L'origine de ce thrombus se situe le plus souvent dans les veines des membres inférieurs, ou bien du pelvis, de la veine cave inférieure (VCI), des membres supérieurs (favorisés par l'utilisation de cathéters veineux centraux ou des chambres implantables utilisés en chimiothérapie ou pour la nutrition parentérale) ou des cavités cardiaques droites.

Aux facteurs de risques des TVP et de l'EP sont souvent associés une altération du flux veineux (stase, turbulence), une lésion de la paroi vasculaire ou une augmentation de la coagulabilité sanguine.

Les Facteurs de risque (circonstances thrombogènes)

  • Chirurgie orthopédique (bassin, hanche, genou..), abdominale (splénectomie, urologie) .Toute intervention de durée > 30 minutes est un facteur de TVP et donc d'EP
  • cancérologie du petit bassin
  • Toutes les immobilisations (plâtrées : botte, attelle…), alitement prolongé
  • Grossesse (3 ème trimestre), post-partum, contraception orale
  • Age > 40 ans
  • Obésité
  • Voyage aérien prolongé (syndrome de la classe économique)
  • Causes médicales : IDM, AVC…

Principaux états d'hypercoagulabilité

  • Déficits en protéine C, S
  • Déficit en antithrombine
  • Grossesse et post-partum
  • Toutes les immobilisations (plâtrées : botte, attelle…), alitement prolongé sont des FDR de phlébite et donc d'EP!

2- Physiopathologie

La migration d'un thrombus dans la circulation pulmonaire est responsable d'une diminution, voire d'un arrêt du flux sanguin en aval du caillot. Lorsque l'occlusion atteint 50%, il se crée une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) puis se traduit par une défaillance cardiaque droite (occlusion > 75%). Ce stade de défaillance cardiaque est du à une diminution importante du volume d'éjection du ventricule Droit, associée à une diminution du remplissage du ventricule Gauche (compression du VG par le VD). A ce stade, la TA s'abaisse (donc diminution de la perfusion des coronaires) et apparaît le choc cardiogénique.

Les conséquences de la migration embolique au-delà du caillot sont une diminution du flux sanguin avec hémorragie alvéolaire (crachats hémoptoiques), un infarctus pulmonaire (pas un IDM !) dit de Laennec (10 – 15%). Par ailleurs, l'occlusion brutale d'une artère pulmonaire entraîne une broncho constriction des voies aériennes, responsable d'une atélectasie pulmonaire.

Plusieurs mécanismes sont responsables de la perturbation des gaz du sang (qui peuvent être normaux !) : modification des rapports ventilation/perfusion, existence d'un shunt intracardiaque et chute de la saturation du sang veineux (par chute du débit cardiaque) entraînant une hypoxémie (baisse de la Po2) associée à une hypocapnie (baisse de la pCo2).

3- Diagnostic

L'association contexte (facteurs de risques), signes cliniques (conséquences hémodynamiques et pulmonaires), signes paracliniques guide la démarche diagnostique basée sur des probabilités d'EP.

Un seul adage résume tout :

Y penser toujours et évoquer l'EP jusqu'à preuve du contraire.

Retenir : tous les signes qui seront évoqués (clinique, paraclinique, ECG…) peuvent être absents ou normaux !

Tous les tableaux de gravité sont susceptibles d'apparaître ++.

3 notions sont à garder

  • L'association des signes est souvent évocatrice
  • Le tableau clinique est souvent évolutif : un diagnostic insoupçonné le premier jour peut devenir évident au bout de plusieurs jours
  • Les antécédents d'EP (20 % des cas) ont une bonne valeur d'orientation

1- Signes Fonctionnels (Cf Schéma 1): les signes les plus fréquents (97%) sont la

  • dyspnée (72%) angoissante (1) polypnée superficielle d'autant plus intense que l'EP est sévère)
  • douleur basi-thoracique (54%) à type de point de coté (4), augmentée à l'inspiration profonde ; parfois d'allure rétrosternale angineuse (piège diagnostique)
  • toux irritative (54%)
  • une hémoptysie (inconstante 31%, tardive) limitée à quelques crachats sanglants
  • cyanose (2) dans les formes sévères avec baisse de la saturation proportionnelle à l'EP

2- Signes extrapulmonaires

  • syncope (9)au lever (EP sévère) 6%
  • état de choc (dit cardiogénique) inaugural
  • anxiété inexpliquée accompagnant la dyspnée
  • fièvre > 38°C (retardée) 35%
  • œdème aigu du poumon (rare et très trompeur)
  • douleur abdominale de l'hypochondre droit, hépatalgie (« abdomen chirurgical »)
  • mort subite…

3- Examen clinique

  • l'examen pulmonaire est souvent pauvre (quelques râles crépitants)
  • tachycardie > 100/mn (56%) (3) avec un tableau d'insuffisance cardiaque droite (ICD)(signe de Harzer, galop,

    hépatomégalie, reflux hépatojugulaire…) et pouls paradoxal de Kussmaul (EP sévère)

  • polypnée (FR > 16-20 cycles/mn) (97%) avec parfois diminution de l'amplitude des mouvements respiratoires d'un coté
  • la TA est souvent conservée ; mais attention !une chute brutale de la TA + signes ICD et réduction de la diurèse = EP grave ++++
  • parfois une EP grave : évoquée devant un état de choc (14%) avec dyspnée, cyanose et extrémités froides
  • Les anomalies à l'auscultation pulmonaire sont en rapport avec un épanchement pleural, un infarctus pulmonaire ( Laennec ), ou une ascension des diaphragmes
  • echerche de signe de thrombose veineuse profonde : phlébite (6) ou pelvienne avec alitement prolongé (5) ou long trajet (8). L'absence de phlébite n'élimine pas le diagnostic +++ : elle est présente dans seulement 35% des cas !

 

A connaître : l'infarctus de Laennec

En 24 à 36 h apparaît le tableau classique :

  • Dyspnée et douleur ont diminué
  • Température 38-38,5 °C
  • Hémoptysie de petits crachats noirâtres témoins de l'alvéolite hémorragique
  • Epanchement pleural de liquide séro-hémorragique

Il faut surtout se méfier des formes frustes, atypiques et trompeuses, qui font méconnaître le diagnostic d'EP. Ainsi un accès de dyspnée aigu et fugace, un vague malaise, une douleur angineuse, une crise « asthmatiforme » une fièvre élevée…

Score d'évaluation de la probabilité clinique(PC)

  • Age > 65 ans +1
  • ATCD personnel d'EP ou de TVP +3
  • Chirurgie ou fracture
  • Cancer actif ou rémission
  • Douleur spontanée du mollet +3
  • Hémoptysie +2
  • Fréquence cardiaque 75-94/mn +3
  • Fréquence cardiaque = 95/mn +5
  • Douleur provoquée et œdème des MI +4

Probabilité clinique (PC)

  • faible = 3
  • moyenne 4-10
  • forte = 11

Redouter les formes graves d'emblée  : (EP masive)

  • ACR d'emblée par défaillance cardiocirculatoire: perte de connaissance brutale (
  • Syncope initiale
  • Malaise brutal avec angoisse, détresse respiratoire aigue et cyanose
  • Collapsus : chute de TA, cyanose et refroidissement des extrémités, trouble de conscience, anurie
  • Signes de Cœur Pulmonaire Aigu (CPA) (12%) associant Hypertension artérielle Pulmonaire (HTAP), et signes d'insuffisance ventriculaire Droite (IVD : Turgescence Jugulaire, hépatalgie, reflux hepatojugulaire )

Sans une réanimation immédiate et un traitement adapté (choc cardiogénique, reperfusion…) pendant 1 à 2h, le pronostic des formes graves est gravissime.

Eléments de gravité potentielle  :

  • Histoire en plusieurs temps
  • Tare cardiaque et/ou pulmonaire pré existante
  • Phlébite à risque (siège, aspect des caillots)
  • Impossibilité d'un traitement correct

NB : les signes de gravité d'EP massive correspondent à une EP > 50 % d'obstruction. L'absence de signes de gravité traduit (en principe) à une obstruction vasculaire

MEMO : signes de gravité de EP « SYnCOPAL »

  • Syn cope
  • Yn suffisance cardiaque Droite
  • CO llapsus (hypoTA tachycardie)
  • P olarisation (trouble de re-) prédordium
  • A cidose

Evolution

  • Immédiate : elle est d'autant plus favorable que le diagnostic a été porté tôt et le traitement correct immédiatement institué. Les symptômes cliniques disparaissent en quelques jours.
  • A distance : favorable dans le cas d'une EP moyenne et bien traitée et si la surveillance de la fonction respiratoire, de l'état veineux des MI et de la qualité du traitement anticoagulant
  • Passage à la chronicité (EP chronique) avec dyspnée , syncopes lipothymiques d'effort

Evolution parfois en Cœur Pulmonaire chronique post embolique (mauvais pronostic)

4- Les examens complémentaires simples sont peu performants

  • ECG  : classiquement tachycardie sinusale avec déviation droite de l'axe du QRS et aspect S1Q3 (15% des patients), bloc de branche incomplet Droit, ischémie sous épicardique (tardive). L'ECG n'a en fait que peu d'intérêt pour le diagnostic d'EP (ECG normal chez 40 % des patients ayant une EP, souffrance cardiaque transitoire et patients au cœur antérieurement lésé…)
  • RX de THORAX (RT) : rarement réalisée dans de bonnes conditions (patient couché, apnée impossible, plaque sur le dos, appareil portatif …) la RT est rarement normale (n'élimine pas le diagnostic +++). On doit chercher une artère pulmonaire trop large visualisant une terminaison brusque (embole). La RT montre chez 2/3 des patients la présence d'une atélectasie (discoïde ou en bande), une ascension de la coupole diaphragmatique, un épanchement pleural de faible abondance. La RT est normale chez 20 % des patients ayant une EP !
  • GAZ du SANG  : peu d'intérêt diagnostique. On recherche une hypoxie (baisse de la Po2) et une hypocapnie (baisse de la PCO2). L'hypoxie peut être absente (EP minime). Par ailleurs les patients présentant une obésité ou une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), l'absence d'hypocapnie n'apportera aucune aide au diagnostic.
  • Marqueurs biologiques (D Dimères technique ELISA )  : le dosage est très sensible (>95%) mais non spécifique. Le seuil est fixé à environ 500 ng/ml ; il est dit « positif » lorsque le dosage est supérieur à cette valeur. Un test négatif (

5- Les examens performants

Retenir : les examens n'ont pas les mêmes buts : refléter l'amputation vasculaire (scintigraphie de perfusion,angiographie pulmonaire) , rechercher la cause de l'EP (phlébographie, echo doppler MI) ou évaluer les conséquences cardiaques de l'obstruction (cathétérisme droit, échographie)

1- Angiographie pulmonaire : seul examen capable d'affirmer l'EP + + +

Il est de moins en moins pratiqué en raison de son caractère invasif (cathétérisme de la voie antébrachiale avec injection de produit de contraste de manière sélective dans chacune des artères pulmonaires). Il permet de visualiser directement le thrombus et permet de calculer le degré d'obstruction (index de Miller). L'opacification vasculaire est réalisée par 2 méthodes : l'angiographie numérisée et l'angiographie conventionnelle.

2- La scintigraphie pulmonaire de ventilation perfusion

effectuée en 2 temps : scintigraphie de ventilation (nébulisation de micro-colloides marqués au Xenon) puis scintigraphie de perfusion (injection intraveineuse périphérique de macro agrégats d'albumine marqués au Technetium). Six incidences sont effectuées (face antérieure, face postérieure, 2 profils et 2 obliques) chez un sujet à forte probabilité clinique d'EP au poumon antérieurement normal et dont le cliché thoracique est normal.. Une scintigraphie normale (6 incidences) élimine le diagnostic d'EP .

3- L'échographie doppler des membres inférieurs

3 EP sur 4 s'accompagnent d'une thrombose veineuse profonde. Face à une suspicion d'EP, un echodoppler positif au niveau proximal est un critère diagnostique d'EP. Attention, une thrombose veineuse distale ne constitue pas un critère formel ! Un echo doppler veineux normal n'élimine jamais le diagnostic d'EP.

4- L'échographie cardiaque

est utile dans l'EP grave. Elle recherche des signes de cœur pulmonaire aigu (dilatation des cavités droites et déviation du septum) . L'échographie transoesophagienne (ETO) permet de visualiser directement le thrombus dans les cavités droites ou les troncs des artères pulmonaires : elle reste cependant difficile à réaliser.

5- L'angioscanner pulmonaire spiralé

en visualisant les signes directs de lacunes au sein de la lumière de l'artère. Il nécessite une injection de produit de contraste iodé (rechercher systématiquement une allergie aux produits de contraste, une insuffisance rénale, un choc anaphylactique AVANT toute injection +++). Un angioscanner normal ne permet pas d'exclure le diagnostic (sensibilité de 70 %). La nouvelle génération de scanner « multibarettes » semble prometteuse.

6- Quelle est donc la stratégie diagnostique d'une EP ?

Il n'existe pas une stratégie univoque et plusieurs arbres diagnostiques sont possibles.

Il faut surtout retenir :

  • On raisonne par probabilité clinique d'EP
  • On choisit toujours l'examen le moins invasif en première intention en tenant compte des caractéristiques du patient (age, ATCD, gravité…) et du plateau technique disponible.

On éliminera le diagnostic d'EP devant :

  • Dosage plasmatique des D Dimères
  • Scintigraphie de perfusion normale (sur poumons antérieurement sains)
  • Echo doppler négatif et probabilité clinique faible, scinti ventil-perfusion faible
  • Angiographie pulmonaire normale

On affirmera le diagnostic d'EP devant :

  • Scintigraphie ventilation-perfusion de forte probabilité et probabilité clinique non faible
  • Angioscanner pulmonaire positif (tronculaire, segmentaire, lobaire)
  • Thrombose veineuse profonde à echo doppler des MI
 

Quelle que soit la stratégie employée, il faut éliminer ou affirmer l'EP dans les 24 heures

7- Prise en charge thérapeutique

3 objectifs principaux :

  • Réduire la morbidité et la mortalité
  • Eviter l'apparition d'un cœur pulmonaire chronique post-embolique
  • Prévenir les récidives

3 présentations d'EP :

  • EP massive (grave) avec hypoTA et signes de choc
  • EP submassive, sans signe de choc, avec dilatation des cavités cardiaques droites
  • EP modérée : les autres cas

En dehors du traitement des conséquences symptomatiques de l'EP (traitement du choc, oxygénothérapie, douleur, etc..), le traitement de l'EP récente comporte deux types de méthodes :

  • Celles qui visent à lever l'obstacle : ce sont les thrombolytiques et l'embolectomie sous CEC
  • Celles qui tentent d'éviter la récidive : le traitement anticoagulant (héparine) qui empêche l'extension du caillot ; l'interruption partielle de la veine cave inférieure (VCI)

Lorsque le tableau clinique est d'emblée grave (témoin d'une amputation vasculaire >50 %), la levée rapide d'obstruction pulmonaire s'impose.

Lorsque la gravité est potentielle, l'attitude thérapeutique peut alors être simplement préventive (mais efficace !).

Indications :

  • EP non massives (
  • EP massives (>60 % obstruction du lit vasculaire) = traitement du choc et discuter thrombolyse (en absence de contre indication)

Prise en charge immédiate

  • Bilan biologique : NFS, Plaquettes,Groupe, créatininémie, TP, INR ( International Normalized Ratio ) , et TCA
  • Repos au lit durant 24 premières heures, position assise ou 1/2 assise
  • Lever autorisé à 24h avec traitement anticoagulant
  • Premier lever en présence du médecin
  • Port de contention veineuse (bas à varices)
  • Oxygénothérapie adaptée à la saturation (toujours perturbée dans l'EP grave), à fort débit dès le diagnostic suspecté

En cas de signe de choc ou de détresse respiratoire majeure :

  • Intubation et ventilation assistée avec difficultés à la ventilation compte tenu du retentissement hémodynamique (élévation des pressions intra-thoraciques) et association à un remplissage vasculaire (majore le retour veineux)
  • FiO2 = 100 % VT faible : 8- 10 ml/kg Fréq basse : 12-14l/mn PEEP : 0
  • Expansion volémique par macromolécules (Ringer 3-5 ml/kg soit 200 à 500 ml en 30 min selon TA)avec abord veineux périphérique de gros calibre (ne pas utiliser de voie d'abord veineuse profonde non compressible de type veine sous-clavière en prévision d'un traitement anticoagulant). Surveillance de FC et TA
  • Amines sympathomimétiques : Dobutamine 5-10 µg/kg/mn adaptée progressivement par paliers (max 20 µg/kg/mn)
  • Adrénaline à associer en cas de signes de choc persistant
  • Dopamine (pas en première intention) 5-7,5 µg/kg/mn

Compte tenu de la difficulté à affirmer le diagnostic d'EP, de la difficulté de la surveillance, la prise en charge de l'EP doit débuter en milieu hospitalier.

1- Traitement par héparine

L'héparine est l'élément le plus important du traitement de la phase aigue de l'EP. Par son action, elle inactive la quasitotalité des facteurs de coagulation avec une action préférentielle sur les facteurs IIa et Xa.

Dès que le diagnostic d'EP aigue est posé, le traitement par héparine doit être débuté sans retard. Ce traitement doit être administré à dose suffisante et son efficacité doit être contrôlée biologiquement en raison d'une grande variation entre les individus (poids).

Schéma thérapeutique recommandé : 1 injection IV d'un bolus de 100 UI/kg de poids suivi d'une perfusion continue IV à la dose de 400-600 UI/kg de poids/j. Durée de traitement par héparine de 5 à 6 jours.

On utilise l'Héparine non fractionnée (HNF) en cas de

  • Insuffisance rénale sévère
  • EP grave
  • Femme enceinte
  • Risque hémorragique

L'HNF est administrée en perfusion continue à la seringue électrique (bolus 80 UI/kg puis 18 UI/kg/h adaptée au TCA 1,5 à2,5 fois le témoin prélevé 4h après le début du traitement). Surveillance des plaquettes 2 fois/semaine.

Il faut noter que la voie sous cutanée en 2 à 3 injections par jour peut également être utilisée.

On préfère les HBPM (Héparines de Bas Poids Moléculaire) à l'Héparine non fractionnée (HNF) pour le traitement des TVP et des EP non graves. Les HBPM sont prescrites en fonction du poids du patient. Une surveillance des plaquettes 2 fois/semaine (recherche une thrombopénie à héparine, plus faible que avec HNF).

Devant une TVP sans EP , toutes les HBPM peuvent être prescrites en 1(Innohep®, Fraxodi®) voire 2 injections.

En cas d'EP non grave , Fraxodi® en 1 injection peut être prescrite.

2- Les anticoagulants oraux

Le traitement anticoagulant au long cours est basé sur l'utilisation des anticoagulants oraux. Ce sont tous des antivitamines K(AVK) dérivés coumariniques (acénocoumarol) ou de l'indanedione (fluindione).

Leur mécanisme d'action est bien connu : inhibition d' une enzyme limitant l'action des facteurs de la coagulation dépendant de la vitamine K.

La surveillance biologique du traitement par AVK est indispensable et repose sur

l'INR ( International Normalized Ratio ) qui doit être compris entre 2 et 3.

Un INR > 3 entraîne des risques hémorragiques.

La durée habituelle du traitement est de 3 mois (>3 mois en cas de facteurs de risques).

Il faut informer le patient des risques de saignements (gencives ++) et des interactions médicamenteuses (nombreuses)

Le relais par les antivitamines K (AVK : coumadine®, previscan®, sintrom®) peut être débuté au cours des 24 premières heures en cas d'une TVP ou d'une EP non grave.

Il doit y avoir un chevauchement du traitement entre héparine et AVK de 5 jours.

L'arrêt de l'héparine est effectué lorsque l'INR est entre 2 et 3 à 24h d'intervalle.

Le patient doit apprendre à suivre les taux d'INR sur un carnet de surveillance +++

Mémo : Contre indications des anticoagulants

« Accident PRODUIT par Heparine »

  • A VC récent (
  • P éricardite
  • R étinopathie, intervention oculaire
  • O sler (Endocardite d')
  • D issection Aortique
  • U lcère gastroduodénal en poussée et hémorragie digestive (
  • I ntervention neurochirurgicale , médullaire
  • T raumatisme crânien grave
  • H émostase (anomalie), hématurie, HTA

En pratique

  • dès le diagnostic d'EP posé : Bolus d'héparine de 500 UI/kg administré en intraveineux
  • EP non massive (
  • Relais par AVK à débuter le 1 er ou le 2 ème jour d'hospitalisation. Surveillance biologique 3 jours après la première prise, puis tous les 3 jours jusqu'à l'obtention d'un INR entre 2 et 3.
  • Durée minimale de traitement 3 mois

3- Traitement fibrinolytique : Urokinase, streptokinase, rapilysine, actilyse

Les thrombolytiques ont une indication : l'EP massive avec état de choc et/ou hypotension.

Il faut associer d'autres mesures de traitement du choc : remplissage par des macromolécules et drogues amines pressives (Dobutamine 5- 20 ?/kg/mn).

Contre indication de thrombolyse

CI ABSOLUES

CI RELATIVES

  • Hémorragie récente
  • ATCD d'Hémorragie cérébrale ou cérébroméningée
  • Tumeur ou abcès cérébral
  • Intervention neurochirurgicale récente
  • AVC ischémique
  • Hémorragie digestive (
  • Anomalies sévères de coagulation
  • Thrombopénie
  • Chir ou traumatisme majeur
  • Grossesse
  • HTA sévère non contrôlée
  • Geste invasif (biopsie, ponction, Gaz du sang) de localisation non compressible (

Il n'y a pas de consensus sur le produit à utiliser, ni sur la méthode ou la dose à utiliser .

Quel que soit le produit utilisé, l'efficacité hémodynamique ne peut être obtenue avant la 2 ème ou 3 ème heure. La levée de l'obstruction vasculaire est en règle générale partielle (30%) et obtenue vers 24h.

Si le traitement thrombolytique est contre-indiqué ou inefficace (persistance des signes de choc, récidive sous traitement), une embolectomie sous CEC est envisagée

Exemple de protocole de thrombolyse dans une EP massive, instable sur le plan hémodynamique :

Perfusion voie IV sur 2heures d'activateur tissulaire du plasminogene recombinant (rtPA) suivi d'un relais par héparine adapté au TCA (= 1,5 fois le témoin)

4- Embolectomie chirurgicale

Désobstruction vasculaire sous circulation extracorporelle (CEC), c'est une chirurgie très lourde (mortalité de 40 %) réservée à des équipes entraînées.

5- Interruption de veine cave inférieure

Mise en place par voie percutanée d'un filtre dans la veine cave inférieure (VCI). Il est réservé aux cas de récidive d'EP sous traitement anticoagulant bien conduit ou de contre indication au traitement anticoagulant, embolectomie chirurgicale.

Pose de filtre endocave (Greenfield) placé par voie jugulaire percutanée au dessus des veines rénales. Posé durant 3 mois, le filtre n'empêche pas totalement les récidives (1-3%). Il peut migrer et induire une thrombose cave sous filtre (10%).

Prise en charge à distance

  • Suivi du patient avec contrôle INR entre 2-3 toutes 2 semaines
  • Informer le patient et son entourage (suivi, précautions)
  • Communiquer au médecin traitant les éléments de surveillance
  • Suivi régulier tous les 3 à 6 mois

La durée totale d'un traitement de maladie veineuse thrombo-embolique est habituellement d'environ 6 mois, adaptée en fonction du risque hémorragique, d'un cancer actif, du caractère récidivant des phlébites…

8- Traitement préventif

Il se justifie car la majorité des décès dus à l'EP surviennent de manière très précocement (30 minutes après les premiers symptômes) et en l'absence de phlébite, mais avec des facteurs de risques de thrombose veineuse.

Ne pas oublier : le traitement de la phlébite +++

  • Traitement anticoagulant (HBPM)
  • Contention élastique (bas à varices) et compressions intermittentes des membres inférieurs
  • Jambes surélevées
  • Reprise de la marche dès que possible

9- Conclusion

L'EP est une urgence diagnostique et thérapeutique dont le diagnostic est difficile et doit être évoqué devant des facteurs de risques, des arguments cliniques et para cliniques simples (ECG, RT, GDS). Le diagnostic repose sur la scintigraphie ventilation/perfusion, la recherche d'une phlébite et de l'angiographie pulmonaire (seul examen de référence).

L'héparine est l'élément le plus important du traitement. Son efficacité devra être contrôlée biologiquement. La durée de traitement est de 5 à 10 jours. Un relais par AVK permet de prolonger le traitement anticoagulant à 3 mois. Le traitement préventif est indispensable, d'autant qu'il existe des facteurs de risques (enquête familiale).

Bibliographie

  • «Embolie pulmonaire » Dr Chaouat, Pr Weitzenblum Revue du praticien 1996,46 ; 2249-2254
  • «Embolie pulmonaire » Pr Bassand Revue du praticien1990,40,4 ; 357-363
  • «Embolie pulmonaire » Pr Leroyer Revue du praticien 1999,49 ;561-567
  • «Embolie pulmonaire » Pr Jeannin Revue du praticien 1993,43,12 1585-1595
  • « Thrombose veineuse profonde et Embolie pulmonaire » Pr Mottier Pr Leroyer Revue du praticien 2005 :55 ; 2071-2079
  • « IDE Mémo » Belliard,Revue, Zagury, Prunier, Sabotin éditions médicilline
  • « Douleurs thoraciques en urgence » Ducasse Monographie de SFMU Masson

Eric REVUE Rédacteur Infirmiers.com


Source : infirmiers.com