Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, annoncent lors d'un déplacement à Caen, au sein d'un institut de formation en soins infirmiers, que les IFSI font un pas de plus vers l'université : inscription sur Parcoursup, statut étudiant avec accès aux services universitaires ; un véritable progrès pour nos futurs soignants !
Détails de ce qui a été dit, précisé et acté pour l'entrée en formation des futurs infirmier(e)s en 2019.
Dès la rentrée 2018, les étudiants en soins infirmiers seront inscrits à l'université et accéderont aux services universitaires - médecine préventive, sport, bibliothèque, droit de vote…- acquérant par là-même les mêmes droits que les étudiants des autres filières. Les futurs infirmiers bénéficieront donc de la carte étudiante de l'université qui a établi une convention avec leur institut de formation. Cette mesure s’inscrit dans la cadre de l’universitarisation des formations en santé , processus dans lequel les fédérations étudiantes adhèrent et sont pleinement engagées .
En 2019, les 326 IFSI sélectionneront sur dossier leurs quelques 31 000 lauréats, qui bénéficieront tous du statut étudiant et de ses avantages grâce au rattachement des IFSI aux universités.
Rappelons que les recrutements en IFSI sont aujourd'hui très diversifiés
: néo-bacheliers, étudiants ayant suivi une préparation au concours après le bac, étudiants en réorientation, personnes en reconversion ou en promotion professionnelle, titulaires d’un diplôme et d’une expérience comme aide-soignant ou comme auxiliaire de puériculture. En 2019, c'est désormais officiel, de nouvelles modalités sont actées pour l'entrée en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) : suppression du concours (écrit et oral) et admission via ParcourSup. Les néo-bacheliers ainsi que les étudiants en réorientation formuleront donc leurs vœux sur ParcourSup - afin d'accroître la visibilité des formations -, avec un accompagnement renforcé, une orientation progressive qui prendra en compte l'ensemble de leurs compétences et la valorisation de leurs parcours. L'idée est aussi d'encourager la diversité des profils de bacheliers admis. Les étudiants pourront candidater aux IFSI de leurs choix. Chaque IFSI organisant son propre concours ou presque, cet « accès simplifié » entraînera la suppression des coûts importants dus aux nombreux déplacements et à l’inscription aux différents concours. Le nombre de places sera maintenu
et les IFSI resteront sur l’ensemble des territoires
, ont assuré Agnès Buzyn et Frédérique Vidal.
Un dispositif d’accompagnement et de consolidation des acquis
est prévu pour les étudiants qui se verront répondre « oui, si », sur ParcourSup. Les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture conservent une voie d'accès spécifique au titre de la promotion professionnelle
(voie d'accès qui pourra évoluer si nécessaire). Un accès sera préservé pour les professionnels non bacheliers ayant plusieurs années d'expérience. Ces professionnels non bacheliers connaissent en effet actuellement un processus de présélection avant de se présenter au concours. Un tel dispositif de présélection sera maintenu mais articulé avec Parcoursup. L'instruction des modalités de cette articulation est en cours. Quant aux personnes en reconversion professionnelle, bachelières ou titulaires d'un diplôme de niveau équivalent, elles bénéficieront pour intéger la formation en soins infirmiers du même accès à la procédure ParcourSup et déposeront donc des voeux en vue de leur inscription en 1ere année à travers un dossier qui leur permettra de valoriser leur parcours professionnel.
Sur la question de la valorisation des « prépas Ifsi », les ministères garantissent que l'analyse des dossiers de candidature des étudiants prendra positivement en compte
les compétences acquises lors d'une année de préparation au concours en 2018–2019, étudiants qui déposeront eux aussi leur dossier sur Parcoursup début 2019. Dès la rentrée prochaine, les « prépas IFSI » ne vont pas forcément disparaître, elle devront cependant mettre l’accent sur l’acquisition de compétences complémentaires et la réflexion sur l’orientation et non plus sur la préparation technique des épreuves.
Discours d'Agnès Buzyn : ce qu'il faut retenir
Lors de son discours prononcé lors de ce déplacement à l'Ifsi de Caen, Agnès Buzyn a d'abord insisté sur l’importance des réformes à conduire
dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé engagée. Évoquant le dossier de la pratique avancée
, la ministre en a souligné la plus-value
: nouvelles perspectives de carrières
pour les infirmières, décharge de temps et nouvelles possibilités de coopérations
pour les médecins et enfin, amélioration de l’accès aux soins et des parcours entre la ville et l’hôpital
pour les patients. Le développement des pratiques avancées, dont je suis heureuse d’annoncer la parution des textes d’application dans quelques jours, fait partie des réponses que nous devons donner à la question prégnante de la présence territoriale des professionnels de santé
, a ainsi poursuivi Agnès Buzyn, soulignant la nécessité d'une politique d’ensemble dans laquelle le processus d’intégration universitaire est un maillon important
.
Sur la question de l'universitarisation de la profession, la ministre a d'abord tenu à répondre à ses détracteurs : Ceux-ci propagent volontiers une vision fausse de cette intégration, l’idée que les étudiants en soins infirmiers devraient abandonner les caractéristiques de leur modèle de formation, rejoindre des amphithéâtres bondés et anonymes, renoncer à la qualité d’un encadrement de proximité
. Agnès Buzyn a ensuite voulu rassurer sur ce point, réaffirmant l’attachement de son ministère à la densité de la présence territoriale des IFSI
et à proposer aux étudiants une offre de formation de proximité en premier cycle. L’intégration universitaire ne prépare pas l’absorption de la formation en soins infirmiers par une Université qui en renierait les caractéristiques
(...), a-t-elle encore martelé. En revanche, nous revendiquons pleinement le renforcement de la mise en réseau des instituts sous l’égide de l’Université
. Défendant enfin avec force les bienfaits d'une coopération [des IFSI] avec l’Université
, la ministre a repoussé à plus tard la définition d'un cadre au plan national
, un cadre qui émanera des ministères en charge, de la santé et de l'enseignement, avant d'entrer dans le détail des maquettes et des unités d’enseignement à déployer dans les instituts
.
Des réactions très positives mais aussi très... négatives
La Fnesi se réjouit...
Via Twitter, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) se réjouit de ces nouvelles mesures : Victoires supplémentaires pour les étudiants en soins infirmiers : l’intégration universitaire est proche !
. La ministre a évoquée l'importance d'inclure la formation en soins infirmiers dans le même dispositif d'admission que les autres formations d'enseignement supérieur
a également twitté Ludivine Gauthier, présidente de la Fnesi. Nous remercions Frederique Vidal de ces mots forts Les étudiants en soins infirmiers doivent être considérés comme des etudiants à part entière. Pour y parvenir : les ESI seront inscrits à l'université, auront les mêmes droits que tout étudiant de l'ESI
La présidente de la Fnesi a également souligné : Frédérique Vidal, lorsqu'elle a abordé la question de la proximité de l'intégration universitaire, a pu exprimer l'écart creusé pas la France au cours du temps. En effet, dans d'autres pays de l'UE et pays émergents, cette étape est dépassée depuis longtemps
. Par communiqué du 6 juillet 2018, la Fnesi souligne que ces annonces marquent de fortes avancées pour les Étudiants en Soins Infirmiers. Une révolution pour les ESI qui, pour l’heure, et ce, jusqu’à l’application de la nouvelle gouvernance, ne pouvaient pas faire entendre leur voix au sein même de leur institut ! Prônant la démocratisation de l’accès à
l’Enseignement Supérieur, la suppression du concours marque la fin de la sélection sociale décriée depuis des années par la Fnesi. En effet, ce procédé, considéré comme archaïque et désuet pour beaucoup, enrichit les systèmes parallèles de préparations privées pendant que les candidat.e.s
multipliaient les inscriptions aux concours et créent un effet d’afflux dans beaucoup d’établissements. Notre fédération continuera de s’investir dans les travaux menés avec les autres acteurs/trices de notre filière. L’Intégration Universitaire représente une étape incontournable pour que les enseignements répondent à l’ambition des étudiant.e.s mais aussi aux besoins de santé de demain. Aujourd’hui nous faisons un pas de plus vers l’Université, un pas de plus vers l’avenir de notre formation
.
D'autres s'insurgent...
Le syndicat infirmier SNPI CFE-CGC exige le maintien de l’entretien comme prérequis car Parcoursup ne gère que les résultats scolaires ! Même imparfait l’entretien est un prérequis indispensable pour détecter les problèmes comportementaux ou profils psychologiques inadaptés à l’exercice auprès des patients ! L’oral permet de déceler certains comportements ou discours incompatibles avec la profession. A l’inverse, les jurys ont l’expérience pour repérer certaines pépites dans le flot des candidats et leur donner une chance même si le dossier peut être moyen. Même imparfait, l’oral permet au jury d’entendre les motivations du candidat et d’avoir un ordre d’idée sur ses capacités théoriques et psychologiques à suivre la formation et à faire ce métier. C’est utile pour évaluer les capacités relationnelles, les capacités d’analyse et de mise à distance des pratiques
.
La Fédération nationale de l’enseignement privé (FNEP) qui représente notamment 200 instituts de formation privés impliqués dans les métiers de la santé réagit très vite par communiqué, s’alarmant des conséquences économiques et sociales d’une décision aussi rapide et brutale. Ces instituts, qui proposent des cursus préparatoires aux concours, représentent au total 4 500 emplois qui prennent en charge plus de 40 000 étudiants, dont 20 000 dans la préparation aux concours paramédicaux. Le seul concours à l'entrée en IFSI représente 13 000 étudiants et plus de 1 000 salariés dont 930 enseignants. La suppression des concours pour intégrer les instituts de formation aux métiers paramédicaux, en particulier la filière IFSI, représente donc un sinistre économique et social inédit et brutal. Au total, la précipitation de cette réforme conduira très rapidement à 3 000 licenciements, dont 1 000 pour la seule filière IFSI. L’impact de cette destruction d’emplois imposée par le Gouvernement serait d’autant plus dévastateur pour les territoires qu’il s’agit d’emplois de proximité
. La FNEP a alerté le Président de la République, lui demandant d’intervenir afin de trouver des solutions qui permettent aux acteurs économiques maltraités dans ce dossier de trouver des solutions permettant de sauver les emplois et les établissements
.
De son côté, la Coordination des enseignants et étudiants, réagissant également par communiqué, souligne que si l’intégration dans ParcourSup de ces formations peut sembler « séduisante » sur le papier, c’est méconnaître la réalité de la formation en IFSI. Celle-ci est exigeante et implique que cette filière soit choisie par des étudiants motivés et témoignant de qualités humaines consubstantielles aux métiers du soin.
La Coordination enseignants et étudiants redoute que la sélection établie par l’algorithme de ParcourSup ne permette pas aux étudiants de retenter leur chance après un premier échec et craint que les bons dossiers scolaires en 2ème, 3ème vœu (ou plus) prennent les places d’autres moins bien classés scolairement mais plus affirmés dans leur choix de métier et ainsi plus motivés
. En effet, accueillir dans la formation des étudiants qui ne seraient pas réellement motivés et qui n’ont pas été préparés à la difficulté de ces études risque de mettre en difficulté la filière, avec un taux élevé d’abandons au cours du cursus
.
Nous suivrons donc au plus près la mise en place de cette réforme très ambitieuse qui bouleverse en l'état les modalités d'accès à la formation et dont on ne peut encore complètement mesurer les effets.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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