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ESI

Etudiants en soins infirmiers, ils broient du noir...

Publié le 23/09/2013

Ils ont le blues et broient du noir... Les étudiants en soins infirmiers se livrent à cœur ouvert avec, souvent, la boule au ventre ! Jérémie Lorand les a rencontrés et le raconte... sur Miroir Mag le 18 septembre 2013. Merci à lui de cet échange très... instructif !

Les étudiants en soins infirmiers en souffrance psychologiques durant leur formation

Ces derniers mois, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) assure qu’elle enregistre une augmentation du nombre d’étudiants faisant appel à ses services face à des souffrances psychologiques. Il semble que les étudiants souffrent d’un manque d’écoute évident, assure la fédération. Ils sont soumis à de profonds jugements de valeur, à des évaluations influencées par des a priori, des commentaires qui n’ont pas lieu d’être.

Certains professionnels font vivre, sciemment ou inconsciemment, de réelles situations de mal être aux étudiants

Cinq ans après la réforme de leur cursus, les étudiants en soins infirmiers broient toujours du noir. Si des améliorations en termes de pédagogie et de transmission des savoirs ont bien été enregistrées, les aspects sociaux et psychologiques se font attendre. Si bien que la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers débute une campagne pour alerter les pouvoirs publics. Dans les écoles de la région, elle trouve un écho particulier.

Attablées, Juliette, Éliane et Marie1 comptent les jours. De stage. Vingt-cinq avant la fin de leur cursus de trois ans. Autant d’appréhension. C’est très court, concède dans un sourire Marie. Mais ça peut paraître une éternité si ceci ne se passe pas bien. Car depuis le début de leur formation, les trois étudiants en Institut de formation en soins infirmiers bourguignons, enchaînent les expériences désopilantes : remise en cause de la pédagogie, flexibilité des horaires pour aider les collègues aides-soignants au coucher, au repas,…

Si la position d’un étudiant en stage ne joue pas forcément en sa faveur, tous les établissements ne sont pas à mettre dans le même sac. Le Centre hospitalier spécialisé est toujours un stage très attendu, concèdent les étudiantes d’une même voix. Les conditions et surtout le public peuvent sembler difficiles, mais tout est fait pour nous intégrer et participer aux soins notamment.

Physiquement et psychologiquement c’est fatigant, alors la pression supplémentaire du personnel encadrant est parfois difficile à supporter

Le malaise des étudiants

Mais dans d’autres cas, la situation serait bien plus alarmante comme l’atteste la fédération. Certains professionnels font vivre, sciemment ou inconsciemment, de réelles situations de mal être aux étudiants. Marie-Hélène est infirmière à domicile dans le nord de la Côte-d’Or. Des stagiaires, elle en accueille régulièrement et elle reconnaît volontiers qu’ils sont une bouffée d’oxygène dans un quotidien très chargé.

Sans pour autant les considérer comme une main-d’œuvre facile. Les premiers jours, c’est souvent difficile, car ils sont totalement novices, mais très rapidement ils doivent prendre le pli, poursuit-elle. Rares sont ceux qui font preuve de mauvaise volonté. De toutes façons on arrive dans ce métier par vocation, pas au hasard d’une orientation.

Sur ce point, les trois étudiantes trouvent un point d’accord. Nous ne sommes pas dans un amphithéâtre, nous avons souvent la vie d’un patient entre les mains, ajoute Juliette. Physiquement et psychologiquement c’est fatigant, alors la pression supplémentaire du personnel encadrant est parfois difficile à supporter. La jeune fille interroge alors ses camarades : Combien se sont mis à fumer depuis le début de la formation ? Un nombre significatif selon elle.

Dans la promotion, cinq auraient décroché, excédés par la pression du stage. Lorsqu’il manque des aides-soignantes, des infirmières, on nous annonce qu’on va les remplacer, sans supervision, et au final au moment de l’évaluation, nous ne savons pas faire les gestes qui, eux, sont notés. Mais alors, comment se déroulent réellement les stages ? Contacté, le Centre hospitalier de Dijon n’a pas été en mesure de donner suite à notre demande.

Il m’est arrivé d’aller au stage avec une boule au ventre, poursuit Éliane. Tu dois mesurer chacun de tes propos pour éviter de froisser les professionnels devant toi. Nous sommes obligés de nous plier à une manière de travailler qui n’est pas la même selon les personnes. Cette casquette d’étudiant malléable, Éliane voudrait bien la perdre, mais au lieu de ça, elle doit se contenter d’être la personne qui plaira à ton guidant – le tuteur.

23 euros par semaine de stage la première année, 30 la seconde et 40 la dernière année...

23 euros la semaine…

Pour Marie-Hélène, la pénurie de personnel est sans conteste un véritable frein au bon déroulement des stages. Infirmier est un métier sous pression, surtout dans les centres hospitaliers, mais le passage est obligatoire d’autant que la majorité d’entre eux y travailleront. Reste alors une dernière inégalité : celle des salaires. Et là, les étudiants sont encore plus remontés. En effet, les étudiants effectuant un stage de plus de deux mois doivent, selon une loi du 28 juillet 2011, toucher 436,05 euros par mois… sauf pour les étudiants paramédicaux.

Le motif exposé par le ministère de la Santé peut sembler viable : les professions paramédicales sont assurées de pouvoir s’insérer professionnellement dès la fin des études. Environ 1.500 euros brut en sortie de diplôme. Ils toucheront donc 23 euros par semaine de stage la première année, 30 la seconde et 40 la dernière année. Nos frais de transport sont cependant pris en charge si le stage est en dehors de la ville.

Mais là aussi entre le Transco et le TER, il faut choisir le moins cher… ce qui n’est pas forcément le plus pratique ni le plus rapide ! Plusieurs étudiants doivent travailler de nuit ou le week-end pour financer leurs études puis enchaîner avec les cours ou les stages, complète Juliette. Pas de quoi rassurer les futurs patients…

Note

1. A la demande des étudiants, les noms ont été changés.

Jérémie LORAND jeromie@miroir-mag.fr


Source : infirmiers.com