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TFE - "Soignez-moi, excusez-vous !"

Publié le 31/10/2018

En juin 2018, Louise Thibaud, étudiante en soins infirmiers à l'Institut de formation en soins infirmiers de la Roche-sur-Yon (promotion 2015-2018) soutenait avec succès son travail de fin d'études sur la thématique suivante : Soignez-moi, excusez-vous ! Quand la violence progresse dans les services d’urgence. Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’Infirmiers.com et nous le remercions.

En quoi la violence du patient peut-elle impacter sur son projet de soins ou sa prise en charge par les soignants dans le service des urgences ? Telle est la question que se pose cette étudiante en soins infirmiers

Voilà comment cette étudiante nous explique le choix de sa question de recherche.  "J’ai choisi naturellement pour mon travail de fin d’études de partir d’un thème qui me tenait à coeur et qui me questionne : la violence au coeur des urgences. Ayant exercé pendant deux ans comme aide-soignante, dont un an en service d’urgence de nuit dans un hôpital de proximité, j’ai pu observer que la violence est relativement omniprésente dans ce service. Que ce soit une violence verbale ou physique, chaque jour, chaque nuit, au moins un fait de violence était vécu ou observé par un ou plusieurs professionnels de santé, qu’il soit médecin, infirmier, aide-soignant, secrétaire médicale, ou agents de service hospitalier. La violence et l’agressivité d’un patient ne sont pas un frein dans ma pratique professionnelle. Il y a une certaine attractivité chez moi, à prendre ce type de patients en charge sans savoir pourquoi. Ces notions m’interpellent et m’attirent. Peut-être est-ce dû à mon histoire de vie, ou à toute autre chose, mais j’ai besoin d’en comprendre davantage sur la violence en milieu de soins et surtout dans le service bien spécifique des urgences.
Pour lancer mon sujet d’études, je vais présenter deux situations qui se sont déroulées durant mon exercice comme aide-soignante en service d’urgence.

La violence et l’agressivité d’un patient ne sont pas un frein dans ma pratique professionnelle. Il y a une certaine attractivité chez moi, à prendre ce type de patients en charge sans savoir pourquoi.

"Il me dit vouloir n’avoir à faire qu’à moi pour la suite de sa prise en charge"

Il est environ 20h30, nous sommes samedi, l’équipe de nuit (quatre infirmières diplômées d’état, deux aides-soignantes10) et moi-même venons d’arriver pour commencer notre nuit de travail. Mr X est amené quelques minutes après la fin des transmissions par les pompiers aux urgences. Etant disponible, je viens aider ma collègue infirmière d’accueil et d’orientation qui est seule pour réaliser l’entrée de Mr X. J’emmène Mr X dans un box disponible. Je commence à l’installer et lui explique que je vais devoir le déshabiller. Mr X refuse catégoriquement et hurle. Je reformule alors mes propos pour lui faire comprendre que cela est nécessaire pour passer les radios, pour poser une voie veineuse afin de lui administrer des médicaments pour le soulager et pour que le médecin puisse l’ausculter. Mr X refuse une nouvelle fois. Il me crie dessus en disant ne pas vouloir rester dans cet hôpital et qu’il veut rentrer chez lui en banlieue parisienne pour se faire opérer, qu’il veut qu’on aille chercher sa femme pour qu’elle l’aide à se lever et partir. Voyant la situation se compliquer et l’opposition insistante de Mr X, je décide d’appeler ma collègue infirmière, l’infirmier du Service d’Aide Médical d’Urgence et le médecin, et leur expose rapidement la situation.

Le médecin me demande d’aller chercher son épouse et que lui va aller voir Mr X de suite. J’accompagne Mme X jusqu’au box, et la prévient du comportement agité de son époux. Je la fais entrer. Je me positionne à cet instant sur la droite du patient, le médecin est en face de moi et mes deux collègues IDE sont positionnées près de la porte du box. Mme X essaye de raisonner son mari mais il lui dit "Pourquoi tu es là ? Tu vois pas que j’ai mal, dis leur que je veux partir, je ne veux pas être opéré, aide moi à me relever, dépêches toi !". Mr X fait de grands gestes, le médecin essaye de le retenir car nous avons peur qu’il frappe sa femme. Je dis à Mme X de venir s’asseoir sur une chaise. Elle s’exécute. Je retourne sur la droite de Mr X et je commence à lui parler d’une voix calme pour qu’il s’apaise afin de lui expliquer les soins que nous voulons lui prodiguer. Mr X m’écoute, s’apaise. Je cesse de parler et le médecin reprend la parole. A ce moment-là, pensant que Mr X était calmé, je me penche au-dessus du brancard pour remettre le saturomètre sur le doigt de Mr X. Ce dernier, me met une violente gifle. Je suis un peu sonnée, choquée, et je mets plusieurs minutes à retrouver mes esprits sans quitter le box.

Je décide alors de recadrer Mr X d’une voix calme mais ferme sur le geste qu’il avait eu envers moi et sur son comportement. Il ne me répond pas. Je sors du box accompagné de mes collègues puis je vais m’asseoir quelques instants pour me remettre de la situation qui venait de se produire. Je sentais en moi un sentiment de culpabilité, d’échec et de colère. Je tremblais et je ne savais plus quoi faire. J’avais même honte. Je suis retournée dans le box environ 30 minutes après, et Mr X me voit, sourit et me remercie. Je suis surprise. Il me dit vouloir n’avoir à faire qu’à moi pour la suite de sa prise en charge. J’accepte mais je lui explique que mes collègues infirmiers et médecin seront amenés à venir le voir pour l’examiner et réaliser des examens complémentaires. Mr X accepte uniquement si je suis présente avec eux, chose que j’ai fait durant tout le reste de sa prise en charge.

"Je reste à côté de lui et je pose ma main sur son dos"

La deuxième situation se déroule également aux urgences. Nous accueillons un jeune homme, que je nommerais Paul, d’une vingtaine d’années pour agressivité et violence sur la voie publique, sous l’emprise de l’alcool. Lorsqu’il arrive, il est menotté aux mains et pieds, et est maintenu au brancard des pompiers. Environ six gendarmes sont présents et ces derniers nous disent que c’est un boxeur confirmé. Paul est très agité, il insulte très violemment toutes les personnes qu’il voit ou qu’il entend parler, que ce soient les gendarmes, infirmières, aides-soignantes ou médecin. Certaines de ces personnes répondent à ses insultes en faisant de même et en haussant le ton. Je suis à côté de lui au niveau de sa tête. Je me fais aussi insulter mais je réponds calmement et à voix posée. Je reste à côté de lui et je pose ma main sur son dos. Le médecin lui fait une injection de neuroleptique, qui fonctionne bien. Paul est moins agité mais il montre des signes de violence et d’agressivité verbale envers certains soignants et gendarmes qui s’approchent trop près de lui. Puis, il dit : "je veux qu’il y’ai que la dame qui était à côté de moi qui s’occupe de moi, les autres allez tous crever , y’a qu’elle qui peut me toucher et me parler".

Que ce soit lors de mon exercice professionnel ou lors de mes stages comme étudiante infirmière, j’ai observé des postures soignantes différentes pour gérer ces situations de violence. Cela m’a questionné "ai-je bien fait ? Aurait-on pu faire autrement ?". Ce qui m’a conduit à poser la question de départ suivante : "En quoi la violence du patient peut-elle impacter sur son projet de soins ou sa prise en charge par les soignants dans le service des urgences ?""

Lire le TFE "Soignez-moi, excusez-vous ! Quand la violence progresse dans les services d’urgence" (PDF)

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com