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TFE - Quand les valeurs de l'infirmier rencontrent la criminalité

Publié le 18/10/2018

En juin 2018, Théo Flamand, étudiant en soins infirmiers à l'Institut de formation en soins infirmiers de l'hôpital Tenon, AP-HP (promotion 2015-2018) soutenait avec succès son travail de fin d'études sur la thématique suivante : "Quand les valeurs de l’infirmier rencontrent la criminalité". Il souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’Infirmiers.com et nous le remercions.

Un étudiant en soins infirmiers face à la difficulté de prendre en charge un criminel. Quid du code de déontologie face à des jugements de valeur qui entravent les soins

Voilà comment cet étudiant nous explique le choix de sa question de recherche. "La situation se déroule lors de mon stage en psychiatrie au cours du semestre trois. Il s’agit de mon premier stage en santé mentale. Je découvre ce service en région parisienne qui accueille des patients atteints de différents troubles mentaux. Il est composé d’une trentaine de lits. Deux infirmiers, deux aides-soignants et un agent des services hospitaliers sont présents en permanence dans le service. Un médecin et un interne complètent l’équipe.

Dès la première semaine de stage, il m’est interdit de consulter les dossiers afin de ne pas altérer les premiers échanges et de porter un jugement sur les patients du service. Les informations que j’ai à ma disposition sont donc : le motif d’hospitalisation, le mode d’hospitalisation ainsi que les traitements. Les conversations sont rapidement orientées vers un patient en particulier, Mr V âgé de 57 ans atteint de schizophrénie. L’interdiction de consulter les dossiers fait monter en moi l’envie de comprendre, de savoir et d’anticiper les éléments du dossier. Les informations que j’ai sur ce patient sont très réduites, mais elles me conduisent à me poser des questions. En effet, le patient est hospitalisé depuis “très longtemps” en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat (SDRE). De plus, j’ai entendu des professionnels du service dire clairement qu’ils ne voulaient pas le prendre en charge ; certains professionnels refusaient même sa participation lors des ateliers thérapeutiques. Personnellement je me souviens avoir entendu un infirmier du service dire : “le prendre en charge ok, mais je ne ferai que le strict minimum”. Cette remarque m’avait particulièrement interrogé car ce soignant prenait en charge les autres patients sans aucun jugement de valeur.

J'ai entendu des professionnels du service dire clairement qu’ils ne voulaient pas le prendre en charge; certains professionnels refusaient même sa participation lors des ateliers thérapeutiques.

Une autre chose qui m’a interpellé la première semaine c’est qu’alors que le repas se déroule en salle commune, Mr V mange seul, dans un coin de la salle. A cette situation les aides-soignants me disent qu’il s’agit de sa volonté et qu’elles ne veulent pas entrer en conflit avec lui. Après la première semaine, j’ai enfin accès au dossier et naturellement mes interrogations se portent sur Mr V. J’apprends qu’il est hospitalisé dans le service depuis 20 ans en SDRE à la suite de viol suivi d’agressions physiques qu’il a commis à plusieurs reprises sur de nombreux enfants pendant plusieurs années. Jugé aux assises il a été reconnu non responsable de ses actes suite à l’expertise psychiatrique effectuée après son arrestation. Á la suite d’un court séjour en Unité pour Malade Difficile (UMD), il devait rejoindre son secteur mais le service étant placé à proximité d’une école primaire, le juge l’a fait transférer dans notre service. Suite à la découverte de ces éléments j’ai pu mieux comprendre l’origine de la différence de traitement du patient dans le service par le personnel paramédical.

Mr V mange seul, dans un coin de la salle. A cette situation les aides-soignants me disent qu’il s’agit de sa volonté et qu’elles ne veulent pas entrer en conflit avec lui.

Afin de répondre à cette situation, j’ai d’abord voulu connaître le cadre législatif qui régit notre profession et notamment le code de déontologie infirmier qui dit : "L’infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs moeurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale. Il leur apporte son concours en toutes circonstances. Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne prise en charge." Suite à ce rappel législatif, j’identifie un écart entre la situation que j’ai vécu avec ce patient lors de mon stage et le code de déontologie auquel sont soumis tous les infirmiers.

Comprendre que pouvoir passer la main quand nous arrivons au bout de notre capacité à être bienveillant est une chose très importante.

Au final, dans le cadre de ce travail de fin d'études, j’ai réussi à trouver dans les réponses des infirmiers qui m’ont accordé de leur temps pour me répondre, un début de solution. L’équipe soignante est une force dans notre métier. Nous travaillons rarement seul et nous pouvons nous aider mutuellement. C’est la notion que chacun des infirmiers m’a apportée dans leurs réponses. Pouvoir passer la main quand nous arrivons au bout de notre capacité à être bienveillant est une chose très importante. Tout au long de ce travail, j’ai appris à en connaître un peu plus sur moi. J’ai appris à savoir l’infirmier que je souhaite devenir. Un infirmier qui a des valeurs personnelles et qui acquiert des valeurs professionnelles toujours dans l’intérêt du patient."

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Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com