En juillet 2020, Amélie Leclecq, étudiante en soins infirmiers à l’Institut de formation en Soins Infirmiers de la Capelette, à Marseille AP/HM (promotion 2017-2020), soutenait son travail de fin d'études sur la thématique suivante : "L’expérience personnelle de l’étudiant infirmier comme ressource professionnelle au sein d’une relation de soin intersubjective". Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’infirmiers.com et nous la remercions.
Voici comment cette étudiante présente ce travail de fin d’études. « L’expérience que vivent les soignants auprès des patients en situations de fin de vie est unique. Les relations de soins qui s’y tissent sont intersubjectives, bien qu’elles puissent parfois être éprouvantes émotionnellement. La prise en compte de cette souffrance est au coeur de la prise en charge des patients, spécialement en soins palliatifs. Comment un soignant peut prendre en charge celle d’un autre individu, si la sienne doit rester discrète et maîtrisée ? Comment peut-elle être entendue dans des conditions de travail dégradées par un manque de personnel et une charge de travail en constante croissance ?
J’ai été confrontée au décès de deux membres de ma famille au cours de ma 2ème année de formation. Cela a affecté ma vie personnelle et d’étudiante. Je me suis interrogée sur la possibilité que cela puisse interférer avec ma prise en charge des patients. Il m’était nécessaire de travailler sur les émotions liées à ces évènements pour les transformer en compétences. Je souhaitais continuer à prendre en charge les patients en entendant leurs souffrances, sans m’épuiser ou négliger les miennes comme le suggère la psychologue clinicienne Catherine Deshays « être attentif sans se faire envahir, ferme sans être rejetant. »
« Le mental ça fait des miracles. Regardez par exemple ma tante… A ce moment-là, j’ai eu un moment d’hésitation. Je me suis demandée si c’était une bonne idée de parler d’une situation personnelle à une patiente ? J’avais commencé ma phrase, n’ayant pas eu le temps de réfléchir ni à ma question, ni à comment "rattraper" ce début de phrase, j’ai poursuivi.
L’objectif de ce travail de fin d’études est de prouver que s’il existe un lien entre expériences personnelles et motivations à exercer la profession infirmière, il ne pouvait nous être demandé d’exercer sans les prendre en compte dans notre pratique professionnelle. Dans l’exercice d’une profession si proche de l’humain, ne serait-il pas pertinent de considérer nos émotions comme des outils de travail et des ressources, plutôt que comme quelque chose de négatif, à éviter ? N’est-il pas dangereux de considérer qu’il puisse être possible d’exercer sans prendre en compte ses émotions, tout en restant attentifs à celles d’autrui ?
Dans l’hypothèse où la vie personnelle et la vie professionnelle s’entremêlent, nous pouvons considérer que l’on travaille avec ce que nous sommes et ce que nous vivons. Ainsi, ce qui nous rend triste, en colère, ou inquiet dans un des deux milieux, participe à la création de notre identité personnelle et professionnelle. Cela n’est-il pas d’autant plus pertinent que la profession infirmière fait partie des métiers impliquant une relation humaine forte avec l’autre ?
En quoi l’expérience personnelle de la mort peut-elle influencer le choix professionnel ? En quoi constitue-t-elle une ressource à la fois pour le patient mais aussi pour le futur professionnel ? A quoi cela tient-il ?
L’expérience, le travail émotionnel et les analyses de pratiques professionnelles m’ont permis de découvrir les conséquences que l’inaccessibilité de l’infirmier « parfait », avaient sur la santé psychique du soignant et la prise en soin du patient, ainsi que l’importance de ces trois notions dans la construction du bien-être et de l’enrichissement de tous, tout en améliorant les compétences professionnelles.
Montrer sa capacité à ressentir des émotions pourrait alors devenir un outil de renforcement de l’autre dans son intégrité. Quand le soignant montre son "humanité", il fait part au patient de sa capacité à accueillir celle de l’autre. Être disponible à ses émotions personnelles en situation professionnelle permet alors de donner de la valeur et de rappeler le caractère normal et ordinaire de celles ressenties par l’autre.
En quoi le travail sur l’expérience de vie de l’étudiant infirmier peut-il être une ressource au service d’une relation de soin intersubjective pertinente en situation de fin de vie ?
Lire le TFE - "L’expérience personnelle de l’étudiant infirmier comme ressource professionnelle au sein d’une relation de soin intersubjective" (PDF)
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Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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