En juillet 2019, Mathias Belzat, étudiant en soins infirmiers à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers du Centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne, à Montereau-Fault-Yvonne (promotion 2016-2019), soutenait son travail de fin d'études sur la thématique suivante "L’animal, un médiateur au service du patient dans la prise en charge infirmière ?". Il souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’infirmiers.com et nous le remercions.
Voici comment cet étudiant présente ce travail de fin d’études. Aujourd’hui, recueillir le consentement d’une personne hospitalisée en institution ou bien à l’hôpital est une obligation pour les soignants selon la loi. En revanche, ce recueil peut s’avérer plus compliqué chez des personnes atteintes de démence. Le contexte du mémoire est le recueil du consentement chez la personnes âgée démente.
Madame H. est une femme de 75 ans, admise en EHPAD pour démences de type Alzheimer. Lors de l’entretien d’entrée initiale, il est stipulé que madame H. ne voulait pas rentrer dans l’établissement. Selon elle, son fils l’aurait « forcée à venir dans l’établissement », et l’aurait « abandonnée à son sort ». Depuis son entrée dans l’établissement, la communication et la prise en charge médicale (la patiente est également diabétique) sont difficiles avec l’équipe, car la patiente refuse les soins qui lui sont prescrits. Ainsi obtenir son consentement dans les soins est très difficile.
L’objectif de ce travail de recherche est de confronter la littérature scientifique à la réalité du terrain en prenant en considération la problématique suivante : en quoi la présence de l’animal m’a permis de réaliser mon soin alors que d’habitude obtenir le consentement de cette patiente démente est difficile ? Pour le réaliser, dans le présent mémoire, les notions de maladie d’Alzheimer, refus de soin, consentement, relation soignant soigné et médiation animale seront abordées.
Durant mon stage au sein de cet établissement, j’ai pu observer que l’EHPAD possédait un chat. Je demande donc à l’infirmière si la présence du chat est tolérée bien que nous soyons dans une structure de soins. Elle me répond qu’il existe un protocole pour l’intégration du chat dans l’établissement. Grâce au protocole, le chat peut être en contact avec les résidents qui le souhaitent.
Afin de vérifier la question de départ, une recherche de type compréhensive a été réalisée. Une enquête de terrain a été menée auprès de quatre infirmier(e)s d’EHPAD travaillant au contact des animaux dans leur structure de travail. L’analyse des résultats a montré que les infirmier(e)s n’utilisaient pas forcément la médiation animale pour recueillir le consentement des personnes prises en charge, mais qu’en revanche ces derniers utilisaient tous les aspects de la relation d’aide (communication, distances, toucher, explication du soin…).
Je sais que madame H est une patiente difficile à piquer du fait de son faible capital veineux et de sa démence. À mon arrivée dans la chambre, madame H. est déjà réveillée, et les volets sont ouverts. Madame H. me regarde avec un sourire : elle est en train de caresser le chat de l’EHPAD. Nous échangeons les formules de politesse. Je prends une chaise et m’installe auprès d’elle. Je lui dis : Madame H., j’ai une prise de sang à vous faire pour suivre votre diabète
en lui prenant sa main.Oh non, pas encore, ça fait mal et puis je n’aime pas ça !
me lance-t-elle en me faisant comprendre qu’elle refuse le soin.
Le chat de l’EHPAD étant à côté d’elle, j’ai l’idée de m’en servir comme moyen de diversion.
- Madame H., je vous propose de regarder le chat et de le caresser, le temps de la prise de sang, comme ça vous ne vous occupez pas de moi. Vous pensez en être capable ?
en m’adressant à elle sur un ton calme et posé.
- D’accord, mais si vous me faites mal, je ne vous autoriserai plus à me toucher
me dit-elle sur un ton défensif.
- C’est d’accord madame H.
en lui montrant que je suis à son écoute.
Cette situation me conduit aux questionnements suivants :
- le consentement de madame H. a-t-il été obtenu de par ma posture professionnelle (j’ai pris le temps de lui expliquer le soin…) ?
- le consentement a-t-il été obtenu parce que la patiente était dans une phase de lucidité par rapport à sa pathologie (patiente Alzheimer) ?
- est-il possible que le chat ait contribué au recueil du consentement de la personne ?
Je peux donc établir ma question de départ : en quoi la présence de l’animal m’a permis de réaliser mon soin alors que d’habitude obtenir le consentement de cette patiente démente est difficile ?
Tout en caressant le chat, madame H. me fait part de son quotidien dans l’EHPAD avec le chat. Le chat est alors en train de ronronner. Elle me fait également remarquer que grâce au chat, elle se sent moins seule, et que sa présence l’occupe. Pendant ce temps, j’effectue le recueil du sang dans le tube. J’informe madame H. que la prise de sang s’est bien passée, puis elle me dit sur un ton rassuré : Je n’ai strictement rien senti, c’est bien la première fois que je ne sens rien
. Je colle mon étiquette sur mon tube, et remercie madame H. de son consentement face au soin et de son courage pour n’avoir rien dit durant la prise de sang.
Cette étude permet de mieux comprendre les différents mécanismes pouvant mener au recueil du consentement chez une personnes âgée démente toute en explorant une méthode encore peu mise en lumière par la profession infirmière c’est-à-dire le recueil du consentement par la médiation animale. Il est néanmoins possible d’imaginer que les soignants pourront se tourner vers cet outil alternatif pour recueillir le consentement des personnes.
Lire le TFE - "L’animal, un médiateur au service du patient dans la prise en charge infirmière ?" (PDF)
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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