Au printemps 2020, Laura Moussy, étudiante en soins infirmiers à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers du Sud Seine et Marne (promotion 2017-2020), présentait son travail de fin d'études sur la thématique suivante : "La qualité d’encadrement et l’hygiène de vie des étudiants en soins infirmiers". Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’infirmiers.com et nous la remercions.
Voici comment Laura introduit son travail de recherche. Lors de mon stage en Service de Soins Infirmier A Domicile (SSIAD) au semestre 2, une patiente m’a parlé de sa petite-fille qui a été aussi à l’Ifsi. Je lui ai demandé où elle travaillait maintenant et elle m’a répondu, les larmes aux yeux, qu’elle s’était suicidée en rentrant chez elle car elle était en stage, et ce stage se déroulait très mal. Elle m’expliqua les raisons de son geste dont elle leur avait fait part dans une lettre : elle ne supportait plus la pression, l’angoisse, l’épuisement psychique et physique et les brimades des infirmières. Cela m’a fait un choc. Et je me suis posée des questions. Trois ans de formation à l'Ifsi, c’est court pour apprendre le métier d’infirmière avec toutes ses connaissances et responsabilités. Mais cela peut devenir un cauchemar pour certains d’entre nous, quand arrive la période de stage. Il suffit qu’il se passe mal, on se sent très vite rabaissé, abandonné et inutile dans bien des situations. On est confronté très tôt à la nudité des malades, à leur souffrance, parfois à leur décès, à la surcharge de travail et au manque d’effectifs dans certains services. Nous nous trouvons confrontés à tout cela sans pouvoir parler de nos ressentis face à ces situations. On nous propulse à l'intérieur d'un monde que l'on ne connait pas sans soutien psychologique.
Quand je suis revenue à l’IFSI par la suite, j’en ai parlé avec mes collègues de promotion. En discutant avec eux pendant de longues minutes, je me suis rendue compte que beaucoup d’entre eux avaient déjà pensé à se mettre en arrêt de travail ou à arrêter leur formation à cause de leur stage. Ils ne supportaient pas ce à quoi ils étaient confrontés, ni la manière dont les infirmières les traitaient parfois pendant leur apprentissage de la pratique de leur futur métier. Ils se sentaient seuls, avaient l’impression de ne pas savoir faire les choses, ni de comprendre ce qu’on leur demandait de faire. Ils étaient pour la plupart en désillusion car ils ne s’imaginaient pas tout ça. De plus, ils se levaient pour certains avec la boule au ventre et avec l’appréhension d’aller en stage et se demandaient même pourquoi ils avaient choisi d’exercer ce métier.
Cette situation a suscité mon intérêt, soulevant de nombreuses questions au sujet de ma future pratique professionnelle. Je me suis alors posé une question : comment serais-je en tant que future encadrante ? Mon intérêt professionnel pour ce sujet c’est de permettre la remise en question des démarches d’encadrement envers les étudiants, de découvrir différentes formes de pédagogie à développer avec eux. La finalité est de transmettre notre savoir de professionnel dans de bonnes conditions pour réduire au mieux leur mal être au sein des services de soin, les mettre en confiance pour la théorie mais aussi pour la pratique ; ce qui les fera progresser plus facilement. De plus, suivant le niveau de l’étudiant et ses lieux de stage, les exigences augmentent avec les années. Il devrait donc les connaitre avant de débuter un nouveau stage pour pouvoir réviser au mieux (théorie et pratique). Il serait ainsi moins anxieux, moins stressé et plus en confiance.
Si 58.6% des étudiants en soins infirmiers de première année trouvent leur hygiène de vie inchangée, ils sont 60% en 3e année à considérer avoir une santé physique dégradée (manque de sommeil, manque d’activité physique, troubles alimentaires, consommation de tabac...) (source : Fnesi)
Même si les conditions de travail aujourd’hui se sont dégradées, il est important que les équipes soignantes encadrent au mieux l’étudiant et ne le délaisse pas, seul face à ses angoisses. Les encadrants ne doivent pas perdre de vue qu'ils forment celle ou celui qui deviendra leur pair dans peu de temps. Leur devoir est donc de transmettre à l'étudiant le plus de connaissances possible pour qu’il puisse prendre en soin, au mieux ses futurs patients.
Les étudiants en soins infirmiers ressentent un stress élevé et les sources semblent être multiples. L’une des principales serait la mise en situation professionnelle, c’est-à-dire être sur le terrain avec les professionneles pendant plusieurs semaines afin d'acquérir des compétences mais aussi trouver sa posture en tant que futur infirmier. Le manque d’assurance lié au décalage entre la réalité du terrain et la théorie ainsi que les conditions insatisfaisantes d’encadrement font craindre l’erreur aux étudiants augmentant ainsi leur stress. De plus, d’autres travaux montrent un lien entre le stress élevé des étudiants et la tendance à consommer des produits psychoactifs.
Cette situation a conduit un désir de comprendre, de questionner ma future pratique professionnelle et de l'analyser afin d'étayer ma question de recherche : "en quoi la qualité de l’encadrement des ESI en stages a-t-elle un impact sur leur hygiène de vie ?". Pour ce faire, voici les questions auxquelles j'ai souhaité répondre :
- Qu’est-ce qu’est l’hygiène de vie ?
- A partir de quel moment l’étudiant ressent le plus de stress au cours de sa formation ?
- Les ESI sont-ils assez préparés psychologiquement pour effectuer leur premier stage ?
- Est-ce que les formateurs peuvent déceler un étudiant en détresse ?
- Quelles mesures pourrait-t-on mettre en place pour limiter la souffrance psychique pour le bien être des étudiants ?
- Pourquoi les ESI ressentent-ils du stress en stage ?
- Pourquoi les ESI sont- ils en manque de sommeil ?
- A quel moment les ESI ressentent-ils le manque de sommeil ?
- Quel impact le manque de sommeil peut avoir sur leurs études ?
- Pourquoi les ESI sont-ils épuisé psychologiquement et physiquement ?
- Est-ce que le référentiel de 2009 a un impact sur la qualité de l’encadrement (feuille d’évaluation à remplir, différentes compétences, évaluation universitaire,..) ?
- Est-ce que les conditions de travail a un impact sur la qualité de l’encadrement ?
- Les tuteurs devraient- ils avoir une formation pour encadrer les étudiants en soins infirmiers ?
- Comment les étudiants se forgent une identité professionnelle avec des stages qui se passent difficilement ?
- Quelle est la relation entre ESI et l’équipe soignante durant un stage ?
Lire le TFE - "La qualité d’encadrement et l’hygiène de vie des étudiants en soins infirmiers" (PDF)
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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