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DÉBAT

Quels leviers pour préserver la santé des étudiants infirmiers ?

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Publié le 20/09/2024

Comment préserver le bien-être et la santé des étudiants en soins infirmiers ? Plusieurs pistes existent, à commencer par une amélioration des terrains de stage, pour répondre à ces enjeux.

étudiantes, enseignante, salle de classe

Crédit photo : S.Toubon

La question du bien-être des étudiants ne s’est jamais autant posée, alors qu’ils sont nombreux à abandonner en cours d’étude. En février 2023, une enquête du Comité d'entente des formations infirmières et cadres (CEFIEC) révélait qu’un ESI sur trois décrochait avant d’avoir obtenu son diplôme. Et la santé de ceux qui restent est mise à rude épreuve. Lors de sa dernière enquête sur le bien-être des étudiants en soins infirmiers (ESI) diffusée en mai 2022, la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) s’inquiétait de la dégradation de leur état de santé physique et mental. 60% des répondants déclaraient ainsi songer à quitter leur formation. « À chaque nouvelle enquête, les résultats se dégradent », déplorait Pauline Bourdin, sa présidente, lors du dernier Salon Infirmier*. « 61,4% des étudiants font part d’une santé mentale dégradée, et identifient l’entrée en formation comme facteur déclencheur », précisait-elle alors.

Des IFSI trop éloignés des universités

Les difficultés financières sont parmi les principaux facteurs de cette dégradation, contraignant les ESI à conjuguer études le jour et job étudiant le soir. Sachant qu’en l’occurrence les étudiants infirmiers font encore à ce jour face à des surcoûts lors de la rentrée. À ceci s’ajoutent les difficultés d’accès aux services proposés par les universités aux autres étudiants, notamment ceux de santé et des activités sportives en raison d’une intégration incomplète de l’universitarisation. « Nous avons l’une des formations avec le plus d’heures de cours », a souligné Pauline Bourdin. Et « la densité de la formation ne permet pas d’avoir accès aux services de sport durant leurs heures d’ouverture. » Il faut dire que, dans nombre de cas, les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) souffrent de leur délocalisation loin des centres universitaires, rendant aléatoire l’accès aux différents services dédiés aux étudiants en fonction des établissements.

Pour les étudiants, ce qui est important, c’est l’ambiance dans les équipes. Ils vont postuler dans une équipe qui les a attendus, qui les a encadrés.

Il existe « une hétérogénéité sur les territoires », a reconnu Michèle Appelshaeuser, présidente du CEFIEC, notant que sur certains d’entre eux « les étudiants ont bien accès à leurs droits : bibliothèque, services de santé, au sport… »

Pour tenter de remédier à cette problématique d’accès aux droits, ou du moins pour tout ce qui relève de la santé, la FNESI plaide pour la mise en place de « conventionnements avec la médecine du travail et les professionnels de ville », a indiqué sa présidente. Notamment pour éviter aux ESI d’avoir à avancer les frais de consultations, quand ils n’ont pas la possibilité de le faire.

Des stages toujours dissuasifs

Mais le véritable enjeu pour conserver les étudiants est ailleurs. Ce sont les stages qui, en premier lieu, sont souvent identifiés comme étant l’origine de l’abandon de la formation. Lors de l’accueil en établissement, se font jour des « résistances à défendre le bien-être des étudiants », a observé Michèle Appelshaeuser. Pourtant l’enjeu est crucial : car un stagiaire est avant tout un potentiel futur professionnel, a rappelé Rodolphe Soulié, responsable pôle Ressources humaines hospitalières de la Fédération hospitalière de France (FHF). De plus en plus, les recrutements s’effectuent lors des stages, et pas nécessairement au cours de la troisième année d’étude. Parmi les critères qui président au choix d’un établissement cités par les futurs personnels, « il y a la rémunération, l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, et l’intérêt et l’ambiance au travail. Or ce troisième critère est désormais pour eux beaucoup plus important que pour les promotions précédentes », a-t-il rapporté. « Pour les étudiants, ce qui est important, c’est l’ambiance dans les équipes. Ils vont postuler dans une équipe qui les a attendus, qui les a encadrés », a abondé Michèle Appelshaeuser. À l’inverse, un terrain de stage peu accueillant, un établissement hostile, est vite identifié par les étudiants, qui font circuler l’information. C’est alors « toute une promotion » qui peut décider de le fuir.

Se pose enfin l’adéquation de la formation à l’expérience dans les établissements. Et là encore, le bât blesse. Encore trop souvent, les ESI se retrouvent confrontés à des situations de soins complexes qu’ils ne sont pas formés à affronter. Une problématique que la refonte de la formation, accolée à celle du métier, permettra de résoudre, espère-t-elle, alors qu’un infirmier sur 2 juge la formation initiale inadaptée aux réalités du terrain, selon une récente enquête de l’Ordre des infirmiers.

Un investissement plus large des établissements est attendu

Comment alors améliorer l’accueil en stage et les conditions de travail qui vont avec ? Il faut en premier lieu que les établissements « réinterrogent la cartographie de leurs stages », a relevé Rodolphe Soulié, à commencer par le nombre d’étudiants qu’ils sont en capacité d’absorber. Autre nécessité : renforcer le lien entre IFSI et hôpital. « 92% des 337 instituts sont adossés à un établissement hospitalier. L’employeur public a la responsabilité d’accompagner tous les sujets de la vie étudiante », a-t-il défendu. Viennent enfin s’ajouter la question de l’organisation des maquettes de formation pour définir un rythme plus adapté et favoriser la capacité des établissements à assurer leur part de la formation, et la prévention des violences sexistes et sexuelles. Ces dernières étant identifiées par les étudiants comme un des facteurs majeurs de mal-être et toujours trop présentes selon eux.

L’encadrement également en ligne de mire

Mais c’est bien la question de l’encadrement et du tutorat qui demeure primordiale. Elle participe à la cartographie des stages, a insisté Rodolphe Soulié : « Il faut du temps disponible pour encadrer ! » Trop souvent, les professionnels de santé qui souhaitent remplir une fonction de tuteur se heurtent à des problématiques de répartition du temps. Or ce temps n’est possible à dégager que s’il est valorisé. Le sujet de l’encadrement des stagiaires dans les établissements est « transversal », a rebondi Rafael Andreotti, directeur Prévention de la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH). Car revaloriser le tutorat permet par capillarité « d’améliorer la posture professionnelle » ainsi que la démarche globale de l’accompagnement des étudiants. « La nouvelle génération questionne les pratiques » d’encadrement, a-t-il souligné. De manière générale, a jugé Michèle Appelshaeuser, établissements hospitaliers et IFSI doivent tenter de parvenir à « quelque chose de plus positif, pour que nos organisations travaillent à être bienveillantes pour les professeurs et les étudiants », tout au long du cursus.

Parier sur les compétences psycho-sociales des étudiants

Demeure enfin la piste de la résilience de ces ESI, que ce soit lors du parcours en IFSI ou lors des stages. Sur ce point, Marielle Boissart, directrice des soins au CHU de Rennes et coordinatrice paramédicale de la recherche en soins, parie sur le développement des compétences psycho-sociales. En lien avec le CEFIEC, le CHU de Rennes a voulu mesurer l’influence « du sentiment d’auto-efficacité des étudiants » sur leur régulation des émotions et du stress grâce à des données probantes. L’étude a démontré que « les ressources internes des étudiants ont une influence positive sur le bien-être et la gestion du stress », a-t-elle relaté. Ces résultats seront mis à contribution afin d’imaginer des séquences pédagogiques afin de faciliter chez les ESI la prise de conscience de ces émotions.

Il faut préparer les étudiants à faire face à des situations difficiles.

« Les compétences psycho-sociales ont toute leur place dans la formation », a-t-elle affirmé. Elles permettent « de faire face aux aléas de la vie », a confirmé Rafael Andreotti, qui a mis en avant un programme conçu par la MNH pour intégrer ces compétences dans le cursus des étudiants. « Il faut les préparer à faire face aux situations difficiles. Parfois, ils n’ont pas de missions claires, ce qui peut être une source de stress », a-t-il observé. Élaboré avec l’aide d’experts pédagogiques, ce programme doit également les aider à « construire leur posture professionnelle. » De son côté, Marielle Boissart a encouragé l’ensemble des acteurs de la formation à investir davantage dans ces compétences non techniques. Les groupes de travail mobilisés dans le cadre de la refonte de la formation se sont emparés du sujet, a-t-elle assuré.

*Qui s'est déroulé du 21 au 23 mai 2024, à Paris, lors de SantExpo


Source : infirmiers.com