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Etat végétatif : viser toujours la dignité du patient

Publié le 25/10/2017
soins infirmiers patient

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Que le patient soit en état végétatif chronique (EVC) ou en état pauci-relationnel (EPR), le premier écueil à la prise en charge soignante est l’absence de communication ou plus précisément l’absence de retour verbal de la part du patient. Dans une situation singulière de communication à sens unique où, de plus, le doute peut subsister sur le diagnostic, le soignant va devoir s’interroger sur plusieurs points afin de conduire les soins en respectant la personnalité du patient, ses valeurs et sa dignité. Cécile Castella, étudiante en soins infirmiers à Albi (2014-2017), a défendu ce sujet lors de la soutenance de son TFE en juin dernier. Merci à elle pour ce texte très abouti.

De la réflexion sur le rôle du soignant va découler la réflexion sur le sens du soin et celle-ci doit amener le soignant à s’interroger sur les notions de cure et de care, éléments essentiels du prendre soin.

L’état végétatif est, d’un point de vue médical, une inconscience à long terme due à des lésions du cerveau conséquentes à un traumatisme, une défaillance cardiaque ou une anoxie. On parle d’état chronique au-delà de 18 mois d’état végétatif. Dans son ouvrage « Sortir du coma »1 le neurochirurgien François Cohadon2 définit l’état végétatif chronique comme étant une « absence, manque apparent de tout signe de conscience, de toute activité mentale alors que le sujet est éveillé, les yeux ouverts. Il n’y a aucune réponse aux ordres simples et la douleur n’est pas localisée ».

L’état végétatif chronique (EVC) peut se différencier de l’état pauci-relationnel (EPR) dans le sens ou ce dernier permet un degré de réponse minimal adapté aux stimulations extérieures mais variable selon les moments de la journée. Le patient EPR semble intégrer l’information sensorielle et/ou émotionnelle environnante. Ces deux états, dits états de conscience minimale, concernent entre 1500 et 1700 personnes en France. Cependant ces deux états peuvent se combiner selon les jours ou même les moments de la journée, ce qui entraine des incohérences entre l’état d’éveil diagnostiqué et l’état clinique du patient et ce, malgré les échelles d’évaluation telles que la WHIM (Wessex Head Injury Matrix) ou la CRS-R (Coma Recovery Score Revised) pourtant validées et fiables.

Le soignant doit miser sur le pari des possibles

Le soignant va donc devoir s’interroger

Tout d’abord, au regard de l’importance de la communication dans la relation humaine et à fortiori dans le soin, le soignant devra déterminer quelles sont les ressources disponibles pour appréhender ce patient avec qui il n’y pas de mode de communication fiable. Il devra aussi s’interroger sur l’essence même de son rôle mais aussi sur le sens qu’il veut donner aux soins, et comment cela impacte le statut du patient.

La communication est dite verbale lorsqu’elle est composée des trois éléments que sont : l’émission, le message et la réception. S’il y a un retour verbal, on parle de feed-back et le récepteur devient à son tour émetteur. Elle est dite non verbale lorsqu’elle concerne alors le langage corporel, composé lui-même de plusieurs éléments tels que la proxémie, le regard, les gestes, les choix vestimentaires…

Dans le cas de patients EVC, il n’y a ni communication verbale, ni communication non verbale. Or la communication occupe une place primordiale lors du soin, elle est la base de l’échange, permet d’expliquer et d’obtenir le consentement - droit fondamental du patient - et permet aussi la mise en place d’une relation de confiance. Cette absence d’échange doit conduire le soignant à repenser son rôle et à s’interroger précisément sur sa mission auprès de ces patients. Le rôle principal du soignant est de pallier une défaillance, quelle que soit la pathologie, le degré de dépendance ou de communication du patient. Face à un patient EVC dont le contenu de la conscience est inconnu, le soignant doit miser sur le pari des possibles, sur la vie psychique et la conscience, et sur le patient en tant que sujet de conscience.

Viser la dignité du patient

De la réflexion sur le rôle du soignant va découler la réflexion sur le sens du soin et celle-ci doit amener le soignant à s’interroger sur les notions de cure et de care, éléments essentiels du prendre soin. Le cure s’adresse au corps et permet au soignant de prendre en charge la pathologie dans un objectif de guérison. Le cure entend les traitements à vocation curative pouvant être arrêtés dans le cadre du refus de l’obstination déraisonnable. Le care relève de la dimension spirituelle et est basé sur la prise en charge globale de la personne et de son histoire. Le care permet de préserver la qualité de vie, de soulager les douleurs et de sauvegarder la dignité. Les soins relevant du care doivent se poursuivre jusqu’à la fin de vie.

Cette notion de care est primordiale dans la prise en charge des patients EVC dont l’état ne permet pas d’espérer une amélioration notable, et bien que le patient ne soit pas mourant le soignant lui dispense des soins dits palliatifs.

Cette prise en charge palliative sur une longue durée, à laquelle s’ajoute l’altération corporelle en lien avec les spasticités, les rétractations et la multiplication des sondes ou stomies, et parfois même l’abandon des familles, peuvent être source de démotivation pour les soignants. C’est dans ces moments de doutes que le soignant devra se repositionner sur le sens qu’il donne au soin afin de continuer à croire en la possibilité d’une conscience résiduelle, condition sine qua none pour ne pas objectiver le patient. Car au-delà de tout diagnostic, dès lors que le soignant accepte que la pensée peut être indépendante du langage, il peut alors donner au patient EVC ce que lui est du en tant que personne à part entière, sa dignité.

Puiser la force et le courage de continuer dans l’espoir et la promotion des possibles

Faire fi de nos représentations, douter et ouvrir le champ des possibles

Il apparait donc que le sens donné au soin, de même que le statut du patient sont étroitement liés aux représentations du soignant. Cependant, même lorsque le soignant admet qu’il est face à un être pourvu d’un contenu de conscience mais dénuéde langage n’est-il tenté de s’interroger sur la valeur du soin pour un patient dont l’état ne s’améliorera jamais et qui n’est pourtant pas en fin de vie ? N’est-il pas tenté de juger de la valeur d’une vie et par là même de ne plus trouver aucun sens au soin donné ?

Dans les moments de doute chaque soignant doit puiser la force et le courage de continuer dans l’espoir et la promotion des possibles, ce qui en fait une prise en soins à forte implication émotionnelle pouvant entrainer un véritable épuisement. Il conviendra par conséquent de ne pas négliger le lien entre les représentations des soignants, les risques d’épuisement professionnel et leurs conséquences dans la qualité des soins dispensés à ces patients.

Notes

  1.  Cohadon F. Sortir du coma. Editions Odile Jacob, 2000. 346 p.
  2. François Cohadon est un neurochirurgien français né en 1933 dont les tarvaux oportent essentiellement sur les lésions cérébrales aiguës, le coma traumatique et la restauration fonctionnelle des traumatisés crâniens.

Cécile CASTELLA  Etudiante en soins infirmiers à l'Ifsi d'Albi (promotion 2014-2017)

Lire le TFE "La posture soignante dans la prise en charge des patients en état végétatif chronique"


Source : infirmiers.com