La pandémie de Covid-19 a bousculé la formation des étudiants en soins infirmiers. Isolement, réquisitions, interruption des cursus... : tout a volé en éclats pour des jeunes plongés sans prévenir dans le grand bain d'une épidémie sans précédent récent. Coordinatrice pédagogique en Institut de formation, Isabelle Marzouk revient sur la première vague épidémique et s'interroge avec bienveillance sur cette lancinante question : comment être étudiant en soins infirmiers en 2020 ?
Mars 2020, les étudiants en soins infirmiers de différentes années de formation sont en stage. Le nombre de personnes contaminées par le SARS- CoV 2 ne cesse d’augmenter et les malades affluent dans les hôpitaux. En un temps record, les étudiants sont exclus du stage, laissant les instituts de formation dans l’incompréhension : quel est le problème ? Les étudiants ne peuvent-ils donc pas être une aide et participer, à leur niveau, à une crise sanitaire ? Une semaine plus tard, les demandes de renfort auprès des instituts de formation se multiplient, s’organisent même, plus ou moins bien, via les ARS. Soudain, l’étudiant en soins infirmiers est devenu « quelqu’un ». On le réclame, on l’accueille, on le sollicite, on le rémunère plus confortablement. Les demandes seront telles qu’elles ne pourront pas toutes êtres honorées. On lui fait faire du bionettoyage, on lui attribue des tâches sans tenir compte de son niveau de formation. Formation ? qu’en est-il de leur formation, dont la part clinique est essentielle pour apprendre le métier ?
Désarroi
Comment être étudiant en soins infirmiers en 2020 quand ce choix de carrière a été fait par conviction humaniste et que les patients meurent seuls, isolés de leurs proches et que les soignants sont dans l’incapacité, faute de personnel suffisant, d’être vraiment présents pour ceux qui quittent la vie et parce que cette fin de vie est parfois extrêmement brutale. Nombreux sont les étudiants qui racontent avoir accueilli des patients dans un état relativement stable, dont ils ont vu la dégradation en quelques heures à peine. Les analyses de situation réalisées en retour de stage mettent en évidence ce désarroi face à cette situation, leur sentiment d’impuissance. Sentiment très lié à la fonction soignante, il émerge généralement après quelques années d’expérience. Que faire de ce sentiment quand il intervient alors même que l’identité professionnelle est en cours de construction ?
Certains d’entre eux ont fait uniquement du bionettoyage
Comprendre les lacunes
Comment être étudiant en soins infirmiers en 2020 quand votre formation est tronquée, découpée, hâchée encore davantage que d’habitude. Si on prend l’exemple des étudiants entrés en formation en septembre 2019, ils auront connu un seul semestre "normal". Leur second semestre, malgré la continuité pédagogique demandée par les tutelles, en a fait décrocher quelques-uns. Quant au plan clinique, certains d’entre eux ont fait uniquement du bionettoyage. Arrivés au semestre 3, les équipes de soins qui accueillent ces étudiants ont du mal à comprendre leurs lacunes, ne mesurent pas l’impact de la crise sanitaire pour eux. Les équipes pédagogiques, quant à elles, proposent des séquences pédagogiques davantage construites mais à distance, chacun chez soi, derrière leur écran…
Interactions indispensables
Alors, comment être étudiant en soins infirmiers en 2020 quand ce qui fait le sel de la formation, qui donne souvent envie de se lever le matin et de "supporter" les apports théoriques et complexes, a disparu ? Je veux parler des groupes de pairs, de la stimulation que cela procure le fait de se retrouver entre étudiants, des interactions indispensables à la construction de soi, des échanges sur ses ressentis, ses difficultés, de l’entraide mutuelle, du partage d’expérience. Tout l’esprit du référentiel infirmier est construit sur ce courant pédagogique : le socio-constructivisme ! Il prend une drôle de tournure le socio-constructivisme en 2020 !
Ne pas les perdre, tel est notre credo
Présents auprès de nos étudiants
Enfin, comment être étudiant en soins infirmiers en 2020 et se projeter diplômé en 2021 ? Quelle perspective professionnelle envisager quand on entend que de nombreux soignants ont démissionné l’été dernier ? Comment trouver l’énergie de commencer une carrière dans cette incertitude sanitaire et l’instabilité du système de santé, qui, en dépit du grenelle de la santé, n’a pas apporté davantage de reconnaissance financière et sociale significative ?Alors, face à toutes ces interrogations, nous tentons, dans les instituts de formation, d’être présents auprès de nos étudiants, de servir de support, d’étayage pour les accompagner vers un avenir meilleur. Ne pas les perdre, tel est notre credo.
Isabelle Marzouk
Coordinatrice pédagogique filière infirmière
IFPS Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon
REFONTE DE LA FORMATION
L'idée d'un tronc commun en master hérisse les infirmiers spécialisés
ÉTUDES
D’infirmier à médecin : pourquoi et comment ils ont franchi le pas
VIE ÉTUDIANTE
FNESI'GAME : l'appli qui aide les étudiants infirmiers à réviser
PRÉVENTION
Des ateliers pour préserver la santé des étudiants en santé