En juin 2018, Manon Bollecker, alors étudiante en soins infirmiers à IRFSS Croix Rouge de Lyon - promotion 2015 -2018 - a soutenu avec succès son travail de fin d'études sur la thématique suivante : « Accompagner le dernier voyage, sans turbulences ». Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’Infirmiers.com et nous l'en remercions.
Voici comment Manon introduit sa question de recherche. En fin de deuxième année, j'effectue un stage en unité de soins de suite et de réadaptation neurologique qui possède un lit de soins palliatifs occupé par Monsieur M., atteint d.un adénocarcinome bronchique de stade 4. Les métastases ont provoqué une névralgie cervico-brachiale ainsi qu'un oedème lymphatique très douloureux au niveau de son bras droit. Le traitement morphinique ne parvient plus à soulager sa douleur.
Ma situation clinique se passe en fin d'après-midi. Monsieur M. est installé dans son fauteuil, en compagnie de sa femme. J. entre dans sa chambre pour lui demander s'il souhaite retourner dans son lit ; il me dit « oui ». Il essaie ensuite de mobiliser son bras et son visage se crispe. Je lui demande si son bras lui fait mal. « Oui » répond-il en haussant la tête. Je lui dis que je vais lui apporter un antalgique pour rendre la mobilisation moins douloureuse lors du transfert. « Combien de temps ça va durer » ajoute-t-il. Je vois des larmes dans ses yeux. Je lui explique que l'équipe mobile de soins palliatifs viendra le voir demain pour adapter le traitement et le soulager. Puis il regarde le sol, silencieux. Sa femme sort de la chambre. Je m'assois à sa hauteur et je lui dis que je suis à son écoute s'il souhaite partager ce qu'il ressent. Des larmes se mettent à couler sur ses joues. C'est la première fois que je le vois pleurer. Les yeux larmoyants, il me regarde et me dit : « Je préférerais être mort plutôt que de devoir supporter cela ».
Ayant conscience qu'aucune réponse ne pouvait le consoler, je préfère garder le silence et le laisser exprimer son chagrin. Je lui prends la main, le regarde et lui dis que l'équipe du service et l'équipe mobile de soins palliatifs feront tout leur possible pour le soulager. Après un nouveau silence, je lui demande s'il souhaite que je fasse rentrer sa femme ; il accepte. Je décide de les laisser tous les deux et je vais chercher un antalgique.
En quoi la spécificité d'un service possédant des lits identifiés soins palliatifs influence-t-elle l'accompagnement infirmier d'un patient en fin de vie ?
Mon questionnement
Dans cette situation, j'ai essayé de trouver différents moyens permettant de soulager la souffrance de Mr M., par des traitements médicamenteux (administration d'antalgiques) ou non médicamenteux (comme l'utilisation de poches de glaces) mais ils s'avéraient inefficaces. L'équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) ne pouvant intervenir que le lendemain, Mr M. est resté très douloureux jusqu'à son arrivée. Cette situation m'a particulièrement affectée, d'une part parce que je ne savais pas quoi faire face à cette souffrance, et d'autre part parce que je savais que celle-ci allait persister jusqu'à ce que l'EMSP intervienne. J'ai eu des difficultés à trouver ma place face à cette souffrance aiguë et sans l'aide collaborative de l'EMSP, cela m'a fait ressentir de l'impuissance et de la frustration. Le délai d'intervention important de l'EMSP face au caractère aiguë de cette situation représente une des failles de l'organisation des soins palliatifs en France. Face à cela, l'infirmière doit s'adapter malgré les limites organisationnelles. Quelle est donc la place de l'infirmière dans l'accompagnement d'un patient en fin de vie malgré les difficultés liées au contexte non spécialisé en soins palliatifs ? Pour répondre à cela, il me semble nécessaire de revenir sur la notion de la fin de vie, qui a fortement évolué au cours de ces dernières années. Les soins palliatifs sont apparus en réponse à un changement des représentations sociales de la mort et une volonté de médicaliser la fin de vie. Ma problématique a donc été : « En quoi la spécificité d'un service possédant des lits identifiés soins palliatifs influence-t-elle l'accompagnement infirmier d'un patient en fin de vie ? »
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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