Le texte de la proposition de loi socialiste stipule en effet d'adopter des ratios minima d'infirmiers et aides-soignants par lit ouvert ou nombre de passages pour chaque spécialité. Il sera débattu au Sénat début février. Or, pour les directeurs, présidents de CME* et cadres de santé, l'opposabilité de ces ratios (c'est à dire l'obligation pour les établissements de les respecter) présenteraient des risques, estiment-ils dans un communiqué commun publié le 22 janvier dernier.
Réalisme
S'ils approuvent globalement l'idée des ratios, les présidents des commissions médicales d'établissement des CHU estiment toutefois que la démarche devra être «progressive» pour être «réaliste». Elle devra aussi s'accompagner d'une «traduction budgétaire» dans l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) selon eux. En effet, si l'opposabilité devait voir le jour et que les hôpitaux réussissaient à pourvoir leurs postes ouverts, estiment-ils, «la densification des effectifs en lien immédiat avec les patients devra être financée».
La proposition de loi laisse jusqu'au 31 décembre 2024 à la HAS pour définir ces ratios en vue d'une application réglementaire à compter du 1er janvier 2027. Objectif : laisser le temps aux pouvoirs publics «d'engager les dynamiques de recrutement», dans un contexte de forte pénurie de paramédicaux, et des dynamiques de «soutien budgétaire». En cas de non-respect d'un ratio «pendant une durée supérieure à trois jours», le directeur se devra d'en informer l'ARS.
Risques
En quoi l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé résoudra à court terme la pénurie de personnels ? C'est la question posée par les directeurs d'établissements hospitaliers. Les directeurs de CHU et de CH mettent en garde contre des résultats qui pourraient s'avérer «contraires aux objectifs annoncés» avec un risque de «fermetures de lits non coordonnées pour permettre aux services normés de fonctionner.
«Repenser l'offre de soins, renforcer les capacités d'aval des établissements de MCO**, éviter la mise en danger des patients dans des services où l'activité peine à atteindre un seuil suffisant garantissant la sécurité des soins ne sauraient passer par le biais d'effectifs plancher opposables», assurent-ils.
«Dans un contexte actuel de raréfaction des ressources humaines disponibles voire de pénurie massive dans certains territoires, des ratios de ce type pourraient avoir l’effet inverse de celui attendu, soit par inadéquation avec le besoin, soit par impossibilité d’accéder à la cible des ratios par manque de professionnels à recruter», estiment l’Association française des directeurs de soins (AFDS) et l’Association nationale des cadres de santé (ANCIM).
Deux préalables
Enfin, deux conditions devront accompagner cette évolution : engager une politique de «fidélisation» des professionnels sur le terrain, pour une réponse en profondeur à la pénurie paramédicale, et la prise en compte «dans les maquettes organisationnelles et le calcul des effectifs, du temps humain supplémentaire correspondant au pourcentage d'absentéisme, au temps de formation, à l'accompagnement des élèves en formation et des nouveaux agents, au développement de la qualité et de la recherche».
Retrouvez ici la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé.
* La Commission Médicale d'Établissement représente la communauté médicale dans chaque établissement public de santé.
** Médecine, chirurgie, obstétrique
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