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GRANDS DOSSIERS

De la nécessité de bien se chausser chez le patient diabétique

Publié le 20/12/2018
Hallux

Hallux

La chaussure dans le monde de la podologie sera toujours un éternel problème. Elle sera le premier facteur déclenchant une plaie chez le patient diabétique, suivi des troubles statiques, des mycoses, de la pédicurie faite par le patient lui-même, de microtraumatismes, de facteurs iatrogènes, des bains, de l’hygiène et de la chaleur… 800 amputations de membres inférieurs sont réalisées en France dues au diabète, 3000 à 5000 amputations par an d’orteils, pied, jambe confondu, sur notre territoire. L'éducation thérapeutique du patient diabétique sur la nécessité de bien se chausser s'avère donc particulièrement indispensable.

Il est très important pour tout professionnel de santé d’éduquer les personnes diabétiques afin de leur faire prendre conscience du risque podologique. Depuis juillet 2008, l’Assurance Maladie a mis en place un bilan podologique accompagné de soins de pédicurie pour les patients diabétique.

Lorsque nous quittons notre domicile le matin, avec nos chaussures neuves, quelques tensions peuvent se faire sentir ; tensions qui risquent de s'aggraver au fil de la journée avec quelques dommages collatéraux, simples rougeurs ou ampoules constituées. Mais chez les patients diabétiques, ce n’est pas la même histoire : pourquoi ? Parce que certains d’entre eux ne pourront pas se plaindre, ne percevant pas ou mal la douleur. En effet, la complication majeure de la pathologie diabétique, après une quinzaine d’années de diabète mal équilibré, est la neuropathie qui se caractérise par la perte de sensibilité. Ces patients n’auront pas le signal d’alarme de la douleur et n'auront donc pas le réflexe de se déchausser. De fait, les patients neuropathes pourront se blesser sans s’en rendre compte, continuant à marcher comme si de rien n'était alors qu'une plaie est déjà en train de se former. Pire encore, ils remettront la nouvelle paire le lendemain.

La neuropathie est une polynévrite distale qui "remonte en chaussette". Il y a une diminution de toutes les sensibilités, à la douleur, à la température et une diminution profonde.

Rappelons que les patients présentant une petite lésion des fibres nerveuses et des nerfs sensitifs intacts peuvent souffrir d’une neuropathie douloureuse. Ils peuvent alors décrire une douleur vive, en coup de poignard, à type de brûlure, fulgurante ou de décharge électrique, qui peut être pire la nuit et troubler le sommeil. L’absence de discernement du chaud et du froid peut aider à identifier les patients souffrant d’une petite lésion des fibres nerveuses.

Eduquer les patientes diabétiques à surveiller leurs pieds

Il est très important pour tout professionnel de santé d’éduquer les personnes diabétiques afin de leur faire prendre conscience du risque podologique. Depuis juillet 2008, l’Assurance Maladie a mis en place un bilan podologique accompagné de soins de pédicurie pour les patients diabétique. La gradation se fait à l’aide d’un monofilament de Semmes-Weinstein de 10g sur 3 sites de l’avant pied en appliquant et en faisant une légère flexion de 2 secondes du monofilament .

Si deux sites sur trois ne sont pas perçus, le patient est atteint d’une neuropathie diabétique et peut se blesser sans s’en apercevoir. L’éducation thérapeutique et le choix des chaussures seront primordiales dès le grade 1. S’il le patient présente une déformation du pied (hallux valgus, avant pied convexe, pied valgus, pied varus, griffes d’orteils ou autre) et/ou compliqué d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs, le patient sera grade 2 et bénéficiera alors de quatre consultations de podologie par an. En cas de plaie chronique de plus de 3 semaines (suivant la Haute Autorité de Santé) ou d’amputation, le patient sera grade 3 et bénéficiera de six séances par an chez un podologue confirmé.

Les présentations typiques se traduisant par des zones de pression plantaire élevée chez les patients souffrant de neuropathie motrice sont les suivantes :

  • un pied creux avec voussure dorsale ;
  • des orteils en griffe ;
  • une atrophie musculaire visible au niveau de la voûte plantaire ;
  • des changements dans la démarche, comme le pied qui tape sur le sol ;
  • un hallux valgus, hallux rigidus et une diminution du coussinet graisseux.

Quelles chaussures doit choisir un(e) patient(e) diabétique pour éviter de se blesser ?

Il est en effet essentiel d'associer la chaussure en fonction de son activité. Confort rime avec alternance. L’idéal est d'adopter une chaussure pour chaque activité : sandale, basket, sabot, tong, escarpin… Quelques conseils s'imposent :

  • les chaussures doivent être adaptées aux pieds (et pas l'inverse) ;
  • les chaussures doivent être conformes à la forme (pas trop larges, sinon flottement, pas trop étroites..) ;
  • les chaussures doivent soulager les zones de pression et réduire les conflits ;
  • les chaussures doivent être acceptées par la patiente, être portées et pouvoir y associer des orthèses plantaires ;
  • l'usure de la ou des chaussures doit être évaluée par un podologue. Ce dernier peut également être de bon conseil en matière de choix de chaussures adaptées au plus près des caractéristiques du patient, de ses besoins de confort et d'esthétisme. Quelques conseil à donner à la personne diabétique lors de l’essayage : se munir de chaussettes adaptées - épaisses pour chaussures d’hiver, fines pour chaussures d’été -, en position debout aucun orteil ne doit toucher, la personne ne doit ressentir aucun frottement ni pression à la marche.

 
Caractéristique d’un bon chaussant : habiller le pied sans contrainte, respecter les variations de volume au cours d’une même journée, permettre le déroulement physiologique du pas, ne pas perturber la statique de l’appareil locomoteur.

Ce qu'une chaussure peut induire…

Attention à la neuropathie, observer ses pieds après chaque déchaussage est donc une impérieuse nécessité pour les patients diabétiques. Pour les sensibiliser sur l'idée de la nécessité de porter des chaussures adaptées à leur pathologie, à leur morphologie, tout en restant en adéquation avec leurs désirs, je leur montre une radio faite de mes pieds nus, puis chaussés d'escarpins afin d’observer la position du pied dans la chaussure.

Sur le deuxième cliché, on observe une verticalisation des métatarsiens, griffes d’orteil entraînant la perte de l’appui phalangien. Théoriquement, la plateforme talon devrait être horizontale jusqu’au calcanéus, alors que juché sur un talon haut il y a une pente de 30°.

De plus, la largeur du chaussant conditionne la position des orteils dans la chaussure. Dans la chaussure, le premier rayon est déformé avec constitution d’un hallux valgus alors qu’il n’y en a pas physiologiquement. Le deuxième orteil est poussé en dehors par l’hallux, donc un séparateur dans un escarpin est inutile, voire dangereux car accentuera la déviation premier méta/premier orteil.

Les inconvénients de quelques formes de chaussures chez les femmes

  • L’escarpin très décolleté : emboîtage et serrage des orteils.
  • Les ballerines peuvent créer des bursites rétro achilléennes.
  • Les chaussures pointus refoulent le 1er orteil en dehors : les orteils médians se mettent en griffes.
  • Les chaussures à talons hauts : les orteils buttent dans le cornet antérieur, constitution de griffes d’orteils.

Un cas clinique qui nous éclaire...

Il s'agit d'une patiente diabétique neuropathique portant des chaussons dont la semelle antérieure, très épaisse, a frotté sur un troisième orteil trop long. Sans douleur ressentie, cette patiente est venue me consulter tardivement et nous n’avons pas pu sauver cet orteil. Une ostéo-arthrite de l’articulation distale était déjà constituée. D'où la nécessité pour les patientes diabétiques porteuses d’orthèses plantaires :

  • de bien déterminer la pointure adéquate avec elle ;
  • de la faire revenir avec la chaussure neuve (et le ticket de caisse en cas de changement) ;
  • de procéder à un examen clinique minutieux et prise d'empreintes ;
  • de confectionner les orthèses plantaires ;
  • de délivrer l'orthèse avec un protocole d’adaptation et de surveillance ;
  • de ne pas laisser la patiente sans contrôle.

Tout professionnel de santé doit donc éduquer les patient(e)s diabétiques qu'ils ont en charge sur le risque podologique. La finalité étant de diminuer le taux d’amputation. En effet, n'oublions pas ces chiffres édifiants :une jambe perdue toutes les 20’ dans le monde, la chaussure étant le premier facteur déclenchant une plaie chez les patients diabétiques.

Véronique LABBE GENTILS Podologue Experte Plaies et Cicatrisation CHU Jean Verdier, Bondy(93).


Source : infirmiers.com