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LES LIVRES DU MOIS

Regard clinique et vérités crues

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Publié le 29/03/2024

Avec l’apport clinique de la pratique infirmière, une psychiatrie qui se mène au front et la maladie grave traitée sans fard, nos livres du mois ramènent à l’essence du soin.

La clinique infirmièreLa clinique infirmière, de Brigitte Eugene, Christine Pintus et Corinne Soudan (Seli Arslan)

Par ses méthodes et ses outils, sa connaissance et ses savoirs d’expérience, la clinique infirmière est un rouage essentiel du soin, trop peu valorisé. La rendre visible rappelle l’importance et la spécificité de la profession infirmière.

Cet ouvrage confirme ce que soutenait il y a plus de soixante ans l’Américaine Virginia Henderson : « L’infirmière rend à la société un service qu’aucun autre travailleur ne peut donner à sa place, n’étant ni aussi bien préparé, ni aussi bien disposé que celle-ci ». Reste qu’aussi essentielle soit-elle, la discipline infirmière souffre d’une grande méconnaissance. Ce qui a rendu « impérieuse » l’écriture de ce livre pour ses trois autrices, infirmières elles-mêmes mais aussi formatrices. Elles ont entrepris de mettre en lumière l’activité clinique infirmière pour lui rendre toute sa place aux côtés de son pendant médical. De façon concrète et très accessible, elles objectivent ainsi le soin infirmier dans son rôle fondamental, aussi bien par les soins curatifs et techniques que par ceux qui relèvent de la sollicitude et s’inscrivent également pleinement dans la mission allouée à une profession qui peut être sujette à une perte de sens face aux difficultés de son exercice. En la recentrant sur sa pratique clinique et ses fondamentaux, ce livre y pallie en valorisant l’infirmier par sa place unique dans le système de santé.

Un équilibre à trouver entre savoirs, expérience et ressenti

Il est surtout montré l’importance et la richesse d’une science de la clinique infirmière permettant d’identifier et d’unifier des savoirs qui évoluent et s’enrichissent par la pratique et l’expérience. Des méthodes, des outils, des processus scientifiques mais aussi du ressenti qui conduisent à cet équilibre délicat que doit trouver le soin infirmier. Il est présenté dans de nombreuses situations où concepts et théories cliniques sont mis en application et confrontés à la réalité d’un corps vivant, à l’incertitude de la maladie ou à la nécessité de savoir s’adapter. Par une forme d’interpellation clinique, l’infirmier est par là même incité à s’ouvrir à de nouveaux apprentissages, tout comme à un dialogue épistémologique, culturel et professionnel avec les différents acteurs du soin et de la formation. Par ce regard clinique, on est aussi emporté dans une réflexion sur le rôle social de l’infirmier de demain qui va pouvoir s’appuyer sur des savoirs émancipatoires pour mieux réaffirmer la finalité de son métier : proposer un soin juste dans une pratique humaniste.

Et aussi...

PSYCHIATRIE

Journal d'un psychiatre de combatJournal d’un psychiatre de combat en Seine-Saint-Denis, de Fayçal Mouaffak (Fayard) 

Voilà le récit d’une psychiatrie à flux tendu au service de ceux qui gravitent à la marge des cités, souvent sans papier ni identité à laquelle se rattacher. Son auteur, Fayçal Mouaffak, est chef de service dans un hôpital psychiatrique du 93, un département cosmopolite où se mêle plus de cent nationalités. La défiance des plus démunis y est quasi systématique envers les autorités, et le psychiatre apparait comme « un flic en blouse blanche, un oppresseur parmi tant d’autres ». Résultat : on l’évite autant que possible, les retards de prises en charge s’accumulent, et des êtres rongés par la maladie finissent aux urgences. Ils y passent souvent du temps à attendre attachés à un brancard, faute de lit pour les accueillir dans une psychiatrie hospitalière en état de siège. Avec des soldats épuisés dont certains baissent les bras, comme si la guerre était perdue, et avec elle la capacité de porter secours et de protéger, noyée sous la bureaucratie. Mais après s’être pris de plein fouet la vague psychiatrique du Covid en juin 2020, où tous les lits des urgences étaient occupés par des victimes de troubles psychiques, Fayçal Mouaffak demeure au front en première ligne, passionné. Et par son journal de combat, il témoigne d’une humanité qui perdure avec le soin, ouvrant même des perspectives pour la psychiatrie de demain.

HÉMATOLOGIE

Face à la maladie graveFaire face à la maladie grave, de Mauricette Michalet, avec Christine Durif-Bruckert
(Eres Editions)

Avec ce témoignage sur « l’engagement d’une femme médecin », Mauricette Michalet livre une réflexion anthropologique et éthique en même temps qu’elle dresse un état des lieux et raconte l’histoire d’une pratique clinique aux enjeux vifs et vitaux. Le fruit de quarante ans d’expérience dans le traitement des leucémies aigües et les allogreffes de moelle osseuse pour cette ancienne chef de service d’hématologie, mais aussi d’une rencontre avec l’anthropologue Christinne Duriff-Bruckert. Cette dernière a su accoucher une parole forte qui permet une immersion en profondeur dans la réalité de la maladie grave, apportant une connaissance de l’intérieur. Avec notamment les limites du soin face à un mal qui s’avère souvent inéluctable et inexplicable, et la nécessité d’apprivoiser ce qui échappe au traitement médical et relève purement de l’humain. Nous est rappelée la place centrale du patient, le meilleur informateur de son ressenti, de sa souffrance, car savant de son propre corps. Et tout en replaçant sa pratique dans ses cadres institutionnels, sociaux, voire politiques, Mauricette Michalet témoigne avant tout d’un investissement total pour le malade. La marque d’une certaine culture du soin qui s’efforce de perdurer.

Brice Perrier

Source : infirmiers.com