LES LIVRES DU MOIS

Philosophie, savoir et dollars

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Publié le 26/04/2024

Que l’on souhaite philosopher sur le soin critique, faire avancer la science infirmière ou comprendre pourquoi le sang vaut de l’or, on trouvera tout cela dans nos livres du mois.

Philosophie du soin critiquePhilosophie du soin critique, de Flora Bastiani (Le cercle herméneutique)

Par une micro-philosophie de l’acte de soin, Flora Bastiani repense la relation avec le malade en combinant analyse théorique et exercice d’une lutte pour la survie dans laquelle l’infirmier exprime sa créativité.

En se fondant sur une réalité pratique tirée de quatre entretiens réalisés avec des infirmiers exerçant dans des services de soins intensifs, de réanimation et de coordination de prélèvement d’organes, Flora Bastiani, philosophe et maitre de conférences en éthique de la santé, invite à penser la relation avec le malade en soin critique. Une approche philosophique qui touche à l’existentiel en associant cette réalité de l’exercice du soin à une analyse théorique nourrie par des penseurs comme Edmond Husserl, Emmanuel Levinas, Max Scheler ou Paul Ricoeur. Mais tout en retenant l’apport des travaux sur l’intersubjectivité et des concepts de la phénoménologie, Flora Bastiani s’emploie à les repenser pour les réinscrire dans le domaine de la pratique infirmière. Elle en fait émerger une « micro-philosophie de l’acte de soin » appliquée à la relation entre le soignant et le malade. Une relation qui se doit naturellement de combiner bienveillance personnelle et savoir médical et technique.

Un monde commun entre le malade et le soignant

Tout en soulignant le caractère incontournable de ce savoir qui rappelle que l’acte infirmier ne saurait se résumer à de la bienveillance et à ce qu’on appelle communément le care, l’auteur s’attache aussi à décrire l’importance de la singularité de chaque soignant qui s’avère être l’interprète d’une partition commune à laquelle il apporte son propre style, sa proche touche par une forme d’inventivité dans le geste de soin. Elle amène ainsi à mieux saisir la réalité de l’expérience d’une relation avec autrui en incitant à y réfléchir dans une sorte de dialogue entre l’acte de l’exercice clinique et les concepts auxquels il peut renvoyer. Aussi bien dans le rapport à un appareillage technique indispensable à la vie pour un malade en réanimation que dans le rapport à la souffrance qui peut renvoyer à un corps qu’il s’agit de préserver. Entre les protocoles standardisés et la spécificité du patient, s’élabore par ailleurs un monde commun entre le malade et le soignant qui par ses gestes et sa présence a tendance à devenir comme un refuge. Ce qui s’inscrit dans « un phénomène de l’ensemble » dont Flora Bastiani fait prendre conscience.

Et aussi...

RECHERCHELes infirmières chercheuses

Les infirmières chercheuses, de Nsuni Met (Seli Arslan) 

Les infirmières et infirmiers peuvent aussi être des chercheurs ou des chercheuses, et ils sont de plus en plus nombreux à avoir poursuivi leurs études jusqu’à l’obtention d’un doctorat. C’est le cas de Nsuni Met dont la thèse en science de gestion a d’ailleurs porté sur la place des infirmières chercheuses dans les organisations de santé. Elle en tire aujourd’hui ce livre qui vise à valoriser leur recherche et leur rôle, en s’appuyant sur le vécu d’infirmières thésardes comme sur son propre parcours doctoral. On y découvre notamment comment la recherche contribue à redéfinir et à enrichir les pratiques professionnelles malgré un manque de financement qui impose aux infirmiers d’étudier tout en exerçant leur métier. S’engageant dans des travaux qui peuvent aussi bien concerner la recherche clinique que la santé publique ou, bien évidemment, les sciences infirmières, ils participent dans tous les cas à la valorisation d’une profession en constante évolution. Tout en ouvrant de nouvelles perspectives où se conjuguent à la fois une fidélisation au métier infirmier et une construction de nouveaux savoirs.

ENQUÊTE

De l'or dans le sangDe l’or dans le sang, de Clara Robert-Motta (JC Lattès)

C’est un fluide dont le marché mondial pèse 31 milliards de dollars. Composant principal du sang, le plasma est comparé au pétrole car il peut comme l’or noir être fractionné. En l’occurrence pour en extraire différentes protéines qui servent à fabriquer des médicaments tels que les immunoglobulines, l’albumine ou les inhibiteurs de la coagulation. D’où l’autre point commun avec l’or noir, une valeur considérable, exploitée par l’industrie pharmaceutique pour qui le plasma représente une matière première aussi précieuse qu’indispensable. Clara Robert-Motta n’en avait pas conscience avant de donner elle-même son sang, ce qui a conduit la journaliste à se lancer dans cette enquête où elle a découvert ce marché gigantesque reposant d’abord sur les Etats-Unis d’où est issue 70 % du plasma mondial. Et ce grâce une collecte qui se fait contre monnaie sonnante et trébuchante dans les quartiers les plus pauvres où l’on peut vendre son sang jusqu’à deux fois par semaine. Y compris à des entreprises françaises qui trouvent ainsi en quantité chez l’Oncle Sam ce fluide interdit à la vente dans notre pays. Entre des courtiers sévissant sur un marché en tension où l’on peut aussi « saigner le tiers monde » et des malades pris en étau entre loi de l’offre et de la demande et éthique, cette investigation lève le voile sur une réalité insoupçonnée dans une quête de solution équilibrée appelant à un débat sur une priorité de santé publique.
 


Source : infirmiers.com