Fatigue physique et psychologique, conditions de travail difficiles, perspectives décevantes : la dernière étude réalisée par le cabinet Odoxa et la Chaire Santé de Sciences Po pour la Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH) pointe encore une fois le mal-être des soignants et invite le système de santé à réagir vivement.
Si plus des trois quarts des Français sont satisfaits de leur travail, et le sont de plus en plus ; les personnels soignants le sont nettement moins (54%) et de moins en moins (- 10 pts en 3 ans). L’étude souligne à nouveau les difficultés physiques et psychologiques liées aux métiers du soin. 1 quart des professionnels de santé pensent être en mauvaise santé
, est-il rapporté : soit presque deux fois plus que les Français en activité professionnelle. Le phénomène s’accentue pour les aides-soignants qui sont 3 sur 10 (29%) à déclarer être en mauvaise santé.
Grosse fatigue et stress récurrents
La santé psychologique des soignants est du reste directement remise en cause. Les trois-quarts d’entre eux jugent leur emploi fatiguant, alors que moins de la moitié de la population active est confrontée à cette difficulté. A noter que cette fatigue est encore plus prégnante chez les aides-soignants (87%) et chez les infirmiers (79%).
Le déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie privée est un facteur jouant sur leur santé psychique. Ils sont ainsi deux fois plus nombreux que les actifs à se dire mécontents de cet équilibre (46% d’insatisfaits chez le personnel soignant contre 23% chez les actifs).
72% des professionnels de santé évoquent toujours
ou souvent
une source de stress liée à leur métier (concentration, masse de travail, difficulté à couper
en rentrant chez soi, etc.).
Les professionnels de santé sont 2 fois plus nombreux à se voir prescrire un arrêt de travail pour stress que le reste de la population active
Charge de travail toujours importante
En moyenne, les soignants travaillent 40h par semaine soit 3h de plus que le temps de travail contractuel, alors que les actifs sont en moyenne à 38h par semaine. Un quart d’entre eux travaillent plus de 45h par semaine (plus de 10 points supérieurs au reste des actifs).
Conséquence de cette quantité de travail, les professionnels de santé sont 2 fois plus nombreux à se voir prescrire un arrêt de travail pour stress que le reste de la population active (soit 12% pour les personnels soignants et 6% pour les actifs).
Plus de 8 professionnels de santé sur 10 pensent que leur travail a une incidence sur leur sommeil. Un chiffre de 23 points supérieurs à l’ensemble des actifs.
En conséquence, 3 professionnels de santé sur 10 prennent des somnifères ou des tranquillisants.
Enquête et méthodologie
L’enquête a été menée du 29 août au 9 septembre 2022 auprès d’un échantillon de 1 005 Français, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et d’un échantillon de 1 325 professionnels de santé dont 703 infirmiers/ières, 233 aides- soignant(e)s, 137 médecins et 252 autres professionnels de santé (cadres de santé, personnels administratifs...).
La demande forte d’un changement d’organisation du travail
Spontanément, quand on leur parle d’améliorer leur santé, les soignants demandent avant tout des changements sur l’organisation de leur travail, relève Gaël Sliman, président du cabinet d’étude Odoxa. Ils veulent qu’on allège leur charge de travail, mais aussi (qu'on améliore) la qualité de celui-ci, les conditions de leur travail et sa durée
. Plus concrètement, les professionnels de santé demandent une revalorisation de leur diplôme et de leur salaire et une refonte de la gouvernance de l’hôpital en l’ouvrant aux soignants et en autonomisant les services.
En tout état de cause, les soignants interrogés mettent en avant dans ce contexte plusieurs axes de réflexion et mesures à mettre en place :
- 35% souhaitent agir sur le travail lui-même (charge, condition, durée) ;
- 17% souhaitent agir sur l’humain (augmentation des effectifs) ;
- 13% souhaitent agir sur le temps consacré à la prise en charge des patients ;
- 10% souhaitent agir sur la reconnaissance des métiers.
Au-delà des aspects matériels, les mesures attendues relèvent donc de "l’humain", souligne le président d’Odoxa. Pour pouvoir réformer la santé et l’hôpital, les pouvoirs publics et les acteurs de la santé devront bien montrer qu’ils ont remis les hospitaliers au cœur des préoccupations
.
Comment redonner de l’attractivité aux métiers du soin ?
Les résultats de ce nouveau baromètre viennent confirmer les difficultés rencontrées par les personnels soignants
, observe Médéric Monestier, directeur général de la MNH et devraient permettre selon lui d’identifier les attentes des personnels soignants et les leviers d’action pour agir de concert avec tous les acteurs de la santé, afin de redonner de l’attractivité aux métiers de l’hôpital.
Partant de ce constat, les conclusions du baromètre Odoxa-MNH ébauchent quelques pistes d’amélioration. A savoir :
- un soutien psychologique adapté, avec une ligne d’écoute ouverte 7j/7 et 24h/24 pour répondre aux sources de stress liées au métier
- un accès à des crèches disposant d’une amplitude horaire large, en adéquation avec les horaires de travail des personnels concernés
- une revalorisation des perspectives de carrière par le biais de formations.
Plus largement, les instigateurs de cette étude espèrent que ces enseignements pourront servir de leviers d’action aux décideurs et nourrir le dialogue dans le cadre des discussions ouvertes par le Conseil national de la refondation (CNR) ou des conférences des parties prenantes territoriales de santé
.
Pour en savoir plus
Etude Odoxa-MNH Etat de santé des soignants et des personnels hospitaliers
Betty Mamane, Directrice de la rédaction
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