Les infirmiers s’inquiètent des difficultés d’accès aux soins et estiment leur rôle et leurs compétences insuffisamment reconnus : tels sont les résultats saillants de l’enquête menée par l’Ordre national des Infirmiers auprès de la profession* sur l’offre de soin et ses conditions d’exercice sur les territoires.
Une situation dégradée
93% des répondants se déclarent inquiets
(dont 43% très inquiets) par rapport à la situation en matière de soins
sur leur territoire d’exercice, relève le bilan de l’étude de l’Ordre national des Infirmiers (ONI) diffusé le 1er juin. Y sont pointés notamment : les délais d’attente trop longs pour obtenir un rendez-vous avec un professionnel (96%), un accès aux services d’urgences trop restreint ou difficile (75%) ou encore une inégalité d’accès aux soins (68%). Autant d’inquétudes partagées par les patients : Les infirmiers citent en premier ‘la difficulté d’accès à un établissement de soins et aux professionnels de santé’ (77%), loin devant le manque d’explications sur les parcours de soins (55%) ou l’appréhension de la dépendance pour soi-même ou pour ses proches (52%)
, note en l’occurrence l’ONI.
Alors que les métiers du soin sont cruellement frappés par une pénurie et des difficultés croissantes de recrutement, les infirmiers se perçoivent comme des acteurs de santé de proximité indispensables. 97% des répondants estiment être des acteurs essentiels du maintien à domicile, et ils sont 71% à juger qu’ils renforcent les liens sociaux sur leur territoire dans le cadre de leur exercice. Pour autant, deux tiers des interrogés (65%) regrettent que leurs compétences et leur rôle auprès des patients ne soient pas reconnus sur leur territoire
. Conditions d’exercice qui se dégradent (88% des infirmiers), manque de temps à consacrer aux patients (71%) mais aussi coopération insatisfaisante entre les différents professionnels de santé (68%) sont autant de problématiques jugées préjudiciables à l’intérêt du patient.
Priorité : la révision du décret d’actes infirmiers
Face à ce constat, ils identifient un certain nombre de solutions qu’il s’agirait de mettre prioritairement en place. À commencer par l’instauration d’un ratio d’infirmiers par nombre de patients (80%). Instaurer des ratios est en réalité une demande récurrente de ces professionnels de santé, qui a partiellement été entendue puisqu’un décret paru en avril
en fixe dans les services de réanimation et de soins intensifs. Mais la priorité demeure la révision du décret d’actes infirmiers, à transformer en décret de compétences. Adapter le décret infirmier s’impose comme une priorité : 94% jugent urgent d’actualiser le décret qui encadre les compétences infirmières pour l’adapter à la réalité de leur exercice aujourd’hui
, souligne également l’Ordre, qui a d’ores et déjà interpellé Brigitte Bourguignon, la nouvelle ministre de la Santé, sur le sujet
.
Car la mesure, en plus de prendre plus pertinemment en compte l’étendue des compétences infirmières actuelles, permettrait par ailleurs de renforcer et mieux reconnaître les soins relationnels qu’ils réalisent. Une reconnaissance qu’ils sont 86% à réclamer. Ils souhaitent que davantage de responsabilités leur soient octroyées, en matière de prévention et d’éducation thérapeutique (70%), en développant la consultation infirmière sans prescription médicale (60%) ou en permettant l’accès direct à la fois aux infirmiers de ville et à ceux travaillant en établissement (59%). Conférer aux infirmiers la mission de coordination du parcours patient, favorisant son orientation dans le système de soins est une priorité pour un infirmier sur deux
, note l’Ordre, qui y voit un moyen de défendre sa recommandation relative à la création d’infirmiers référents.
La priorité est claire : le décret infirmier doit être révisé pour conférer plus d’autonomie à la profession.
Un enjeu de politique de santé publique
Plus largement, ils sont 97% à demander d’avantage d’implication de leur profession dans le déploiement des politiques de santé publique ; et un peu plus d’un infirmier sur deux (54%) considère qu’il faut orienter l’exercice du métier d’infirmier vers une plus forte responsabilité populationnelle
. En identifiant les principaux motifs d’inquiétude relayés par leurs patients, en jetant un coup de projecteur sur leur perception des besoins en santé non couverts, les infirmiers dressent un constat d’urgence sur l’avenir de notre système de santé
, réagit Patrick Chamboredon, le président de l’ONI. La priorité est claire : le décret infirmier doit être révisé pour conférer plus d’autonomie à la profession, dans l’intérêt des patients et des soignants.
Le dossier est désormais sur la table de Brigitte Bourguignon, qui devra s’en saisir ; l’attractivité du métier d’infirmier et, plus largement, la transformation du système de santé pour garantir une offre de soins de qualité et accessible à tous sont en jeu.
*Consultation réalisée du 13 au 30 mai 2022 par Internet auprès des membres de l’Ordre. 41 024 infirmiers ont répondu.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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