Remercier les soignants et leur donner la parole : la Fédération Hospitalière de France (FHF) a consacré une matinée d’hommages aux professionnels de santé, le 17 mars, deux ans jour pour jour après le premier confinement. Une matinée marquée par l’émotion mais qui s’est aussi voulue tournée vers l’avenir.
Le 17 mars 2020, le pays, pour la première fois de son histoire, se figeait dans le confinement pour faire face à l’épidémie de Covid 19. Deux ans après, la Fédération Hospitalière de France a choisi cette date symbolique pour rendre hommage aux soignants en présence de personnalités du monde de la santé, de chercheurs et de membres du Gouvernement et marquer un temps de recul, de célébration
, a souligné Frédéric Valletoux, son président. Une journée comme une parenthèse au milieu de l’urgence
pour traduire la parole et le vécu de tous les acteurs de santé
, montrer la pluralité de l’expérience du Covid
, mais résolument aussi pour se projeter vers l’avenir
.
La ministre a salué tous les soignants, en première ligne
Difficile de tous les citer mais c’est pourtant ce qu’a entrepris Brigitte Bourguignon, Ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargée de l'Autonomie, lorsqu’elle s’est avancée devant la salle : Cette matinée vous est dédiée : à vous qui avez fait face, en service de réanimation pour sauver nos concitoyens atteints par une forme grave du Covid ; à vous, qui avez permis des transports sanitaires de patients d’hôpitaux et de régions débordées par le Covid vers des régions moins touchées ; à vous, qui avez accompagné nos personnes âgées en perte d’autonomie qui résident dans nos établissements, pour toujours les protéger sans les isoler durablement de leurs proches…
La ministre a salué le courage des soignants, résumant en une formule : La nation vous doit sa continuité
.
Dans tous les esprits, le Covid bien sûr, mais aussi la guerre en Ukraine, pour laquelle Brigitte Bourguignon a eu quelques mots, rendant hommage à tous les soignants pendant la pandémie mais aussi à ceux qui tentent, parfois vainement, de sauver des vies sous les bombes en ce moment
.
Témoignages personnels
De très nombreux soignants, médecins, infirmiers, mais aussi des citoyens… sont venus partager leur vécu de ces deux ans de pandémie devant la salle, pour rappeler, comme l’a souligné Frédéric Valletoux, que derrière le flot de l’actualité, cette pandémie fut avant tout une histoire de femmes et d’hommes. L’histoire de malades et leurs proches, de personnes fragiles, inquiètes, de soignants en première ligne et de citoyens qui ont vu leur monde basculer
.
Dans les Ehpad, c'était violent
, confie l’une. Tous ceux qui l'ont vécu seront d'accord. D’ailleurs, nous n'avons pas toujours suivi les protocoles, nous avons fait des accompagnements de fin de vie dans la chambre d'un monsieur en présence de son fils
lors du premier confinement. A l’hôpital, depuis, il y a de la lassitude, des départs, c’est un peu multifactoriel
, témoigne un médecin gériatre. Un infirmier libéral de Meurthe et Moselle raconte comment, avec ses collègues médecins, infirmiers, sages-femmes, ils se sont mobilisés pour monter un centre de vaccination. Un jeune médecin, très ému, raconte comment un patient atteint du Covid l’a supplié de mettre fin à ses souffrances. Avant de procéder à une sédation terminale, je m’adresse à lui : je peux le faire, monsieur, je peux vous soulager, mais vous ne vous réveillerez plus. J’ai besoin que vous en ayez conscience
. Un moment douloureux pour le soignant, qui aura besoin du réconfort d’un autre médecin pour accepter
. Tous racontent leur
pandémie. Celle qui a empêché les uns d’accompagner leurs proches en fin de vie, celle qui a confronté les soignants à la souffrance, celle de la solidarité et celle de l’efficacité des soignants qui s’organisent, celle qui a eu raison du moral des enfants… chacun a parlé de ce qui le touchait le plus. De ce qui nous concerne tous.
En direct du #GrandOralSante 🔴: Lecture de témoignages d'anonymes par la compagnie @LesBrades //@CovidAdMemoriam @laFHF pic.twitter.com/IqX2OshxMn
— Institut Covid-19 Ad Memoriam (@CovidAdMemoriam) March 17, 2022
Il y a deux ans, le paquebot risquait déjà la submersion. Un système à bout de souffle qui a survécu grâce à l’abnégation de ceux qui le porte à bout de bras - Frédéric Valletoux, Président de la FHF
Un deuxième temps consacré aux crises de la santé
Crise de l’hôpital, de la médecine de ville, de la santé mentale : la deuxième partie des hommages, plus politique, a davantage balayé les secteurs déjà vulnérables que le Covid est venu ébranler. On a été surpris par cette crise, et on a été frappé assez lourdement
, a noté Francesca Colombo, chef de la division santé de l’OCDE qui a évoqué la place du système de santé français. Manque de réactivité
au début de la crise, problème du vieillissement de la population
, pénurie de soignants, elle a rappelé que même avant cette crise, le pays était confronté à un manque de formation de médecins et d'infirmiers
et pointé du doigt le travail à faire sur le volet préventif, toujours à la traîne. Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis (93), a préféré, elle, mettre l’accent sur les « conditions de travail très dégradées » des soignants, et le problème crucial des fermetures de lits
à l’hôpital, évoquant le sort des jeunes avec des troubles anxieux, des dépressions, des troubles alimentaires et des crises suicidaires
pendant la pandémie. Oui il faut développer des alternatives mais ces jeunes avaient besoin d’hospitalisation et on ne peut pas le leur offrir. (…) J’ai un peu de mal à parler de cela dans le contexte international actuel mais je joue le jeu : ces enfants sont les adultes de demain
, a-t-elle conclu.
Une épreuve qui nous a changés
Cette épreuve nous a tous changés collectivement et individuellement
, a estimé Frédéric Valletoux. Deux ans de crise sanitaire exceptionnelle, éprouvante, usante
, qui auront eu un mérite : celui de nous rassembler
. Mais aujourd’hui les soignants, comme les Français, attendent que des leçons soient tirées de la crise
, a-t-il assuré. Cette épidémie aura en effet révélé la fragilité
du système de santé, longtemps considéré comme le plus performant au monde
. Un système néanmoins à bout de souffle
.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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