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En 2017, en France, 4,7% des adultes auraient eu des pensées suicidaires !

Publié le 05/02/2019
suicide et femmes

suicide et femmes

Avec plus d’un million de décès chaque année, le suicide reste la 14ème cause de mortalité dans le monde et ce chiffre devrait encore augmenter de 50% d’ici 2030. Les idées suicidaires et les antécédents personnels de comportements suicidaires comptent parmi les facteurs de risque de suicide les plus importants à court et à long terme. En cette journée nationale de prévention du suicide, faisons le point.

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à déclarer avoir eu des pensées suicidaires.

La France présente un des taux de suicide les plus élevés d’Europe, derrière les pays de l’Est, la Finlande et la Belgique. Ce triste constat a amené les pouvoirs publics à envisager à réinscrire la prévention du suicide dans une stratégie globale de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles psychiques. C’est pourquoi Santé publique France a tenté d’estimer les pensées suicidaires des Français et les tentatives de suicide via des enquêtes déclaratives et les données d’hospitalisations.

En 2017, 25 319 personnes entre 18 et 75 ans ont été interrogées selon un sondage aléatoire. Ainsi, 4,7% des participants ont avoué avoir pensé à se suicider au cours des 12 derniers mois. Les femmes étaient proportionnellement plus nombreuses que les hommes (5,4% contre 4%). Pour les individus concernés, ces pensées étaient principalement liées à des raisons familiales (41,4% des déclarations), sentimentales (32,3%), professionnelles (27,6%), financières (23,7%), ou encore pour raisons de santé (23,7%). Etrangement, les femmes évoquaient davantage des motifs familiaux alors que les hommes associaient leur état d’esprit à des problèmes professionnels. On remarquait également des différences selon les tranches d’âges. En effet, les 18-34 ans citaient en premier lieu des raisons sentimentales, les 45-54 ans des motifs professionnels et les 65-75 ans parlaient de leurs problèmes de santé. En parallèle, pour les sondés qui font allusion à un motif professionnel, les chiffres montrent que certains secteurs sont plus touchés comme ceux de l’hébergement et restauration, des arts et spectacles et de l’enseignement.

Constat inquiétant : 70,9% des personnes ayant admis avoir eu des pensées suicidaires ont été jusqu’à imaginer comment mettre fin à leurs jours. Point positif, au moins la moitié en ont parlé à quelqu’un. La personne privilégiée pour évoquer le sujet était un professionnel de santé (54%) suivi d’un membre de la famille et un ami.

De manière générale, le fait d’avoir vécu un épisode dépressif caractérisé au cours de l’année était le facteur le plus fortement associé aux pensées suicidaires. Les graves problèmes d’argent, les menaces verbales, les humiliations et intimidations, et le fait d’avoir vécu une séparation ou un divorce au cours des 12 derniers mois multipliait par deux les idées suicidaires.

Seulement 59,8% des suicidants affirment s’être rendus à l’hôpital et à peine plus de la moitié à avoir été suivis par un médecin ou un "psy".

7,2% des Français auraient fait une tentative de suicide au cours de leur vie

En 2017, 7,2% des 18-75 ans auraient tenté de se suicider au cours de leur vie et 0,39% pendant l’année. Les raisons invoquées pour expliquer ce geste étaient sans surprise du même ordre que pour les pensées suicidaires : 49,2% évoquaient des motifs familiaux, 40,8% des raisons sentimentales, 10,3% des raisons professionnelles et 10,3% des problèmes de santé. Parmi les individus ayant déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide, plus d’un tiers ont admis en avoir fait au moins deux ! Pire encore, c’est entre 15 et 19 ans que la proportion de suicidants était la plus importante.

Par ailleurs, plus de 6 suicidants sur 10 estimaient avoir reçu le soutien nécessaire pour s’en sortir. En revanche, ils ne sont que 59,8% à s’être rendus à l’hôpital et à peine plus de la moitié à avoir été suivis par un médecin ou un psy. Autre élément marquant, la prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie est en hausse chez la gent féminine depuis 2005, passant de 7,6% à 9,9% en 2017. De même, les hommes veufs présentaient 2,5 fois plus de risque de passer à l’acte que les autres.

Ainsi, selon l’ordre d’importance, les violences sexuelles multipliaient par 4,5 le risque de tentative de suicide chez les hommes et de 3,5 chez les femmes, les climats familiaux violents par 2,2 pour les deux sexes et les difficultés financières par 1,7 pour les hommes et 2,2 pour les femmes. Le célibat et le fait d’avoir divorcé étaient également des facteurs de risque. D’autre part, pour la gent féminine, être confronté à un décès ou à la maladie d’un parent avant ses 18 ans était aussi associé à des passages à l’acte.

Les adolescentes françaises sont particulièrement touchées

Les hospitalisations pour cause de tentative de suicide

En outre, la surveillance épidémiologique de l’évolution sur 10 ans des hospitalisations suite à des tentatives de suicide montre une baisse du nombre de séjours et du nombre de patients. En effet, entre 2008 et 2017 on compte 10 500 patients de moins. Fait étrange, cette diminution touche essentiellement les femmes entre 20 et 49 ans alors qu’elles restent celles qui déclarent davantage de pensées suicidaires et de tentatives de suicides. Deux hypothèses sont avancées pour expliquer cela : soit on constate un moindre recours aux soins après le passage à l’acte, soit ces données révèlent une réelle chute des tentatives suffisamment graves sur le plan somatique pour conduire à une hospitalisation.

Quoi qu’il en soit, les taux d’hospitalisation demeuraient quand même supérieurs chez les femmes que chez les hommes. Plus précisément, les jeunes filles entre 15 et 19 ans s’avéraient systématiquement les plus touchées.

D’autre part, chez les hommes comme chez les femmes, le ratio entre le nombre de séjours et le nombre de patients est resté constant entre 2008 et 2017, avec 10% par an de patients réadmis pour tentative de suicide. Cette stabilité des taux de réadmissions s’avère un important défi de santé publique car les récidives sont des facteurs de risques majeurs de décès dans les années suivant un premier passage à l’acte suicidaire, selon le BEH.

Les départements les plus impactés en 2008 et 2017 restent la Bretagne, la Normandie et les Hauts-de-France

Modes opératoires et létalité

Les modes opératoires n’ont pas varié durant les années étudiées. Les intoxications médicamenteuses représentent le mode le plus fréquent pour les hommes comme pour les femmes (75% et 87% respectivement). Suivies par les intoxications par des produits non médicamenteux, les lésions par objet tranchant et la pendaison. Les tentatives de suicide par arme à feu, noyade ou collision intentionnelle sont plus rares.

Ainsi, au total, entre 2008 et 2017, un peu moins de 10 000 personnes sont décédées à l’hôpital suite à un acte suicidaire (près de 6500 hommes pour environ 3500 femmes).

Sans surprise, des troubles psychiatriques ont été observés chez 61% des patients avec une hausse entre 2008 et 2017. Les maladies les plus fréquentes demeuraient la dépression, suivie par les troubles du comportement liés à l’alcool et les troubles anxieux.

Le "gender paradox"

On remarque que les femmes sont plus nombreuses à déclarer des pensées suicidaires comme des tentatives de suicides. Elles sont aussi plus nombreuses à être hospitalisées après un passage à l’acte. Cependant, comme dans tous les pays industrialisés, les hommes représentent une part nettement majoritaire des décès par suicide. L’un des facteurs explicatifs serait le recours à des moyens plus létaux chez la gent masculine. Toutefois, ces contradictions seraient avant tout dues aux normes sociales et aux contraintes culturelles liées au genre dans l’expression de la détresse psychologique, le recours aux soins et la représentation de l’acte lui-même.

Au vu de ces chiffres, il demeure nécessaire d’améliorer la prévention en ciblant les populations à risques. Par exemple, chez les jeunes (notamment les adolescentes) les usages de substances psychoactives, le décrochage scolaire et les symptômes dépressifs pourraient être utilisés comme des indicateurs pour le repérage de profils présentant un risque accru de conduites suicidaires.

Lire le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) en entier sur le site de Santé publique France ou rendez-vous sur le site de l'Union Nationale de prévention du Suicide (UNPS) qui a fait une campagne sur Suicide et violences - Violence du suicide

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com