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PSYCHIATRIE

Psychiatrie : la HAS pointe des carences importantes dans la qualité des soins

Publié le 19/04/2022

Évaluation de la douleur, repérage des addictions…, deux rapports de la Haute Autorité de Santé relatifs à la qualité et la sécurité des soins en psychiatrie appellent à des améliorations importantes.

Les mesures de la HAS doivent permettre d'améliorer les pratiques et la prise en charge de patients accueillis en psychiatrie.

Si tout le système de santé est en crise, c’est encore plus le cas de la psychiatrie, parent pauvre du secteur qui souffre de la désaffection des professionnels et donc d’une dégradation des conditions de travail et de la prise en charge des patients, et ce parfois dès l’accueil en établissement . Deux rapports de la Haute Autorité de Santé (HAS), publiés en mars, présentent les résultats des mesures de qualité* proposées en 2021 aux établissements, avec pour périmètre, d’une part, les hospitalisations à temps plein, et en ambulatoire dans les centres médico-psychologique (CMP), d’autre part. Ces mesures, qui concernent 4 indicateurs (évaluation de la douleur, l’évaluation cardiovasculaire et métabolique, évaluation gastro-intestinale et repérage des addictions) s’appuient sur les données transmises par les établissements volontaires – soit environ 35% de participation – et ne permettent donc de ne dessiner qu’une tendance. Mais elles démontrent que des améliorations dans la mise en œuvre de ces indicateurs sont nécessaires.

Des résultats faibles pour l’évaluation de la douleur

Le premier indicateur concerne l’évaluation somatique de la douleur et ne concerne en réalité que les hospitalisations temps plein. Il mesure l’évaluation de la douleur avec une échelle, prérequis à toute prise en charge, ainsi que l’existence de la stratégie de prise en charge suivie de la réévaluation pour tous les patients ayant au moins une douleur modérée, précise la HAS. Et le constat est sans appel : Les résultats sont faibles et une variabilité interétablissement importante est observée, alors même que toute prise en charge hospitalière doit évaluer et prendre en charge la douleur des patients, ceci afin d’améliorer leur confort de vie et d’hospitalisation, alerte-t-elle. Seuls 54% des patients ont ainsi bénéficié de l’évaluation et de la prise en charge telle qu’attendues. Néanmoins,près de 7 patients sur 10 ont eu au moins une évaluation de la douleur somatique avec une échelle, parmi lesquels 3 patients sur 10 ont présenté une douleur au minimum d’intensité modérée. Et parmi ces derniers, 7 patients sur 10 ont été pris en charge et 67% d’entre eux ont été réévalués.

Des manquements sérieux dans les  lettres de sortie

Autre indicateur spécifique à l’hospitalisation : la qualité de la lettre de liaison à la sortie, rendue obligatoire par décret en 2016 et qui permet d’assurer la coordination entre les professionnels de l’hôpital et ceux de la ville. La mesure s’appuie sur 12 critères (remise au patient, date d’entrée et de sortie, synthèse médicale du séjour, traitements médicamenteux à la sortie…), et là encore, d’importantes améliorations sont attendues. 40% des lettres seulement sont remises aux patients à leur sortie, et moins de la moitié contiennent les informations nécessaires à une bonne coordination sur le traitement médicamenteux à la sortie (44%) ou identifient le médecin traitant (46%). Par contre, observe-t-elle, les éléments autour de la synthèse de séjour et la planification des soins à la sortie sont retrouvés dans plus de 85% des cas. Une lettre de liaison à la sortie de qualité contribue à une meilleure coordination avec l’aval, conclut-elle sur cet indicateur.

Une évaluation cardiovasculaire insuffisante surtout dans les CMP

Viennent ensuite les indicateurs relatifs à l’évaluation cardiovasculaire et métabolique, composée de 6 critères (antécédents cardiovasculaires et métaboliques, facteurs de risques thrombo-emboliques, mesure de la pression artérielle, mesure des paramètres anthropométriques, conclusion médicale vis-à-vis d’un ECG, et résultats vis-à-vis des examens sanguins), et à l’évaluation gastro-intestinale. En hospitalisation, le premier indicateur révèle que seule la moitié des éléments nécessaires à l’évaluation cardio-vasculaire et métabolique sont présents dans les dossiers. Les mesures des paramètres anthropométriques ne sont effectuées que dans 19% des cas, et l’identification des facteurs de risques thrombo-emboliques n’est réalisée que pour moins de la moitié des patients. Côté évaluation gastro-intestinale, les résultats sont encore moins bons : seulement 18% des 9 806 dossiers analysés contiennent les deux évaluations demandées, soit du transit et de la déglutition. Et pour la première, elle est à améliorer dans 56% des cas, contre 26% pour celle relative à la déglutition.

Au sein des CMP, l’insuffisance de l’évaluation cardio-vasculaire et métabolique est encore plus flagrante, où seuls 14% des éléments nécessaires sont pris en compte dans les 6 202 dossiers analysés, sur 99 établissements. Antécédents et facteurs de risques sont ainsi respectivement renseignés à hauteur de 22% et 18%, tandis que les conclusions médicales suite à un ECG le sont à 9%. Soit des résultats très faibles, pour une population adulte traitée par psychotropes.

Or, rappelle la HAS, la prise en compte de l’ensemble des éléments pour ces deux indicateurs est primordiale, d’une part pour améliorer la prévention des maladies cardio-vasculaires et réduire la morbi-mortalité des patients, et d’autre part pour limiter les risques liés à la prise de traitements.

Le repérage des addictions encore trop négligé

Et le constat est plus ou moins identique, question repérage et prise en charge des addictions au tabac, à l’alcool et au cannabis. En hospitalisation temps plein, moins de la moitié des éléments nécessaires à l’évaluation et à la prise en charge (46%) se retrouvent dans les dossiers analysés. La vigilance sur la consommation de tabac et d’alcool s’en sort un peu mieux (6 patients sur 10 qui bénéficient du repérage) par rapport au cannabis (5 sur 10). Quant à l’aide à l’arrêt, elle est proposée à seulement 3 patients sur 10 pour le tabac et 5 patients sur 10 pour le cannabis, mais à 7 patients sur 10 pour l’alcool. En revanche, au sein des CMP, les chiffres relatifs au repérage et à la proposition d’aide sont bien plus faibles : le repérage des addictions au tabac ou à l’alcool n’est effectué que pour deux patients sur 10, et pour moins de deux patients sur 10 en ce qui concerne le cannabis. À noter que, pour ce qui est de la proposition d’aide à l’arrêt, alcool et cannabis sont mieux pris en compte, puisqu’elle se retrouve pour 7 et 5 patients sur 10 respectivement, contre 4 pour le tabac. Il est nécessaire d’améliorer la détection et la prise en charge des conduites addictives, afin d’améliorer le suivi des patients atteints de pathologies psychiatriques sévères ou chroniques en hospitalisation, conclut la HAS.

S’il s’agit ici du tout premier recueil de ce type de données en psychiatrie – ce qui explique qu’il ait été effectué sur la base du volontariat – les indicateurs seront de nouveau mesurés en 2023 en prenant en compte les dossiers de 2022 afin de suivre l’amélioration des pratiques.

*Pour réaliser la mesure, la HAS s’appuie sur des recueils de données concernant des dossiers de 2019, fournis par 206 établissements participants. Cet indicateur est identique à celui déjà utilisé en Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO), en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) et en Hospitalisation à domicile (HAD).

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com