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Au cœur de la CNI, l'engagement infirmier

Publié le 07/10/2013

Etat des troupes, sujets de mobilisation prioritaires, engagement... Nathalie Depoire nous dit tout à l'issue des Universités d'Eté de la Coordination nationale infirmière dont elle est la présidente...

Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière depuis 2008.

Infirmiers.com - Présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI), vous venez de réunir vos adhérents à l'occasion de vos journées annuelles. Quel est donc en cette rentrée le moral des troupes ?

Nathalie Depoire - Les Universités d’Eté de la CNI se sont en effet tenues à Poitiers les 25, 26 et 27 septembre dernier. L’expression des représentants des Coordinations locales est mitigée, oscillant entre la traduction de conditions d’exercice de plus en plus dégradées, l’inquiétude face à l’augmentation de la violence physique et verbale d’une part et d’autre part réaffirmant la volonté forte de défendre la filière infirmière.

Infirmiers.com - Il ne manque pas de sujets à aborder et à débattre concernant la profession. Si tout semble prioritaire en matière de formation, d'emplois, de conditions de travail, de valorisation et de reconnaissance, quels sont les sujets que vous jugez les plus sensibles et les avez-vous abordé lors de vos journées ?

Nathalie Depoire - Effectivement les sujets ne manquent pas et les débats ont été denses et animés ! Nous avons bien sûr examiné le projet de Loi sur les retraites, et notamment la question de la pénibilité professionnelle. Malgré un affichage médiatique important, la réelle reconnaissance de notre pénibilité professionnelle n’est hélas pas au rendez-vous ! Le compteur pénibilité ne concerne en effet que les contrats de droit privé, les professionnels de la fonction publique hospitalière sont donc écartés, par contre ils ne sont pas oubliés quand il s’agit d’augmenter encore les cotisations retraite… Rappelons que le projet de loi prévoit une hausse des cotisations de 0,15 points en 2014 puis 0,05 points les 3 années suivantes, soit 0,3 points supplémentaires en 2017... La mise en place du compteur pénibilité dans le secteur privé n’apparaît hélas pas non plus comme la panacée puisqu’il sera très dépendant de l’identification de l’exposition au risque et de sa durée. Nous connaissons tous la réalité de la fiche d’exposition et de sa traçabilité actuelle… Quand on sait que la majorité des établissements n’a pas encore mis en place cette fiche rendue obligatoire par la réforme des retraites de 2010…  D’autre part, le projet de loi annonce une concertation à venir pour définir des seuils d’exposition au risque qui laisse présager une large atténuation du dispositif…L’Assemblée Générale Nationale CNI a donc acté la construction d’un nouveau dossier de revendications à destination du ministère et des parlementaires.

L’avenir de la formation a également largement alimenté nos discussions. Le retard pris à la publication du rapport IGAS et IGAENR1, le manque de lisibilité concernant le Master IBODE et puéricultrice, la réingénierie de la formation cadre de santé sont autant de dossiers sensibles qui nous mobilisent également. Autant la feuille de route sur ces sujets est obscure, autant notre ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, réaffirme sa volonté de développer les coopérations… L’accent est donc porté sur la gestion « pénurie médicale » par un transfert de compétences sans réelle reconnaissance des professionnels concernés ni mise en place de formation adaptée. Nous réaffirmons avec force, à l’issue de ces trois journées, notre combat pour la mise en place d’un LMD complet s’appuyant sur une filière dédiée en Sciences Infirmières. Nous avons d’ailleurs adressé en parallèle de ces journées un communiqué de soutien à l’action des puéricultrices initiée par l’ANPDE (Association Nationale des Puéricultrices Diplômées et des Étudiants) et le CEEPAME (Comité d'Entente des Écoles Préparant aux Métiers de l'Enfance) car nous partageons pleinement leurs revendications. Nous ne pouvons que constater que la masterisation des spécialités existantes piétine alors que nous devrions construire les référentiels de spécialisation (Master) tels que gériatrie, psychiatrie... Nous suivrons d’ailleurs de très près le développement du nouveau métier « d’infirmier clinicien » annoncé par Marisol Touraine à l'occasion de sa Stratégie nationale de Santé. Formation, statut, valorisation tout reste à définir… Enfin, au-delà de ces questions récurrentes qui restent en suspens, la santé mentale, les conditions de travail dégradées, l’augmentation des violences et la majoration des risques psychosociaux ont également été au cœur de nos débats.

Nous ne pouvons que constater que la masterisation des spécialités existantes piétine alors que nous devrions construire les référentiels de spécialisation (Master) tels que gériatrie, psychiatrie...

Infirmiers.com - Marisol Touraine, ministre de la Santé et des Affaires sociales, semble avoir du mal à prononcer le mot « infirmier(e) » depuis l'Avenue de Ségur. Désintérêt ou incompréhension ? Qu'est-ce qui fait blocage ? Pourquoi la profession reste désespérément en attente d'écoute et d'actions concrètes de la part des Pouvoirs publics ?

Nathalie Depoire - Difficile d’identifier tous les freins, pour autant impossible de ne pas constater que nous sommes une fois de plus les oubliées ! Notre ministre de Tutelle a présenté le 23 septembre 2013 les grandes orientations de la Stratégie Nationale de Santé. Si nous sommes plutôt d’accord avec le constat et les grands objectifs, dans le concret il a été en effet très peu question des infirmier(e)s. Le côté paradoxal de la chose, c'est que Marisol Touraine met pourtant la « prévention » au cœur de sa stratégie de santé… mais fait le choix de tout centrer sur les médecins traitants ! Ces derniers hélas, sont bien inégalement répartis dans l’hexagone alors que les infirmières sont incontournables, tant à l’hôpital que sur le réseau ville et qu’elles ont pleine compétence en ce domaine !

Bien que notre catégorie professionnelle soit la plus représentée numériquement parlant, nous semblons bien peu visibles des Pouvoirs publics. Reconnaissons-le, très compétente et attachée à prendre soin des autres, l’infirmière est peu revendicative. Le mal-être grandit quel que soit le secteur d’activité dans un silence assourdissant et ce, sans que le ministère de la Santé ne semble en prendre la pleine mesure. La profession, trop peu syndiquée, peine à se fédérer et les Pouvoirs publics vont une nouvelle fois tenter de réformer le système en occultant - une fois encore - totalement les blouses blanches, tout en comptant sur leur conscience professionnelle. Mais la colère qui gronde pourrait bien s’exprimer indépendamment de toute organisation. La situation est très tendue et une étincelle pourrait tout changer… Le prochain Salon infirmier, du 16 au 18 octobre, va nous permettre de « prendre la température » de la profession et de mesurer, une fois encore, sa capacité d'exaspération mais néanmoins de résistance...

Les Pouvoirs publics vont une nouvelle fois tenter de réformer le système en occultant - une fois encore - totalement les blouses blanches, tout en comptant sur leur conscience professionnelle

Infirmiers.com - Qu'est-ce qui fait qu'on s'engage aujourd'hui dans un combat syndical ? Comment expliquez-vous que la profession infirmière ne se mobilise pas plus massivement pour défendre son exercice, ses compétences, ses valeurs, largement malmenées ?

Nathalie Depoire - Pour ma part, diplômée en 1993, mon parcours syndical n'a débuté qu'en 2002 suite à un conflit local au centre hospitalier de Belfort Montbéliard. Cherchant une organisation syndicale dans laquelle je me reconnaissais, j'ai rencontré alors la Coordination nationale infirmière (CNI). Une section locale est née et j'en suis devenue la présidente. En 2006, j'ai été élue vice-présidente du bureau national. Je partageais alors mon temps de travail (50/50) entre la réanimation et la représentation syndicale. Egalement titulaire d'un D.U « Droit, expertise et soins », mon mandat de présidente obtenu en 2008 (reconduit tous les deux ans depuis) m'a fait ensuite opter pour le 100% syndical.

A l’heure où la profession infirmière est l’une des moins syndiquée, il est évident que la question de l'engagement est très pertinente. Je reste persuadée que ce manque d’engagement explique la forte dégradation de nos conditions de travail et le manque de reconnaissance que nous subissons. Les blouses blanches sont culturellement peu revendicatives. Bien que conscientes et pénalisées par leurs conditions de travail délétères, peu d’infirmières voient un intérêt à s'engager. Très souvent d'ailleurs parce qu’elles connaissent mieux leurs obligations que leurs droits. La priorité est donnée à la prise en charge des patients ainsi qu'au maintien, vaille que vaille, d'un équilibre souvent précaire entre vie professionnelle et familiale. Les infirmier(e)s ignorent trop souvent à quel point se syndiquer peut changer la donne, ne serait-ce que par une information régulière de leurs droits…

Note

1- Le gouvernement a chargé fin 2012, les Inspections générales des affaires sociales (Igas) et des Affaires de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) d’une réflexion sur le modèle d’universitarisation des formations paramédicales. Les conclusions sont toujours en attente.

Propos recueillis par Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com


Source : infirmiers.com