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Tutorat infirmier, quel accompagnement pour quelles attentes ?

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Publié le 11/01/2024

Les stages représentent une part importante de la formation en soins infirmiers. Sur place, si les étudiants sont encadrés par l’équipe des professionnels de santé qui les accueillent, ils dépendent surtout d’un tuteur référent. Mais entre contraintes de temps et responsabilité envers les patients, comment assurer au mieux la mission de tutorat et accompagner les stagiaires ?

En stage, l

En stage, l

En tout, les étudiants en soins infirmiers passent la moitié de leur formation en stage, où ils sont encadrés par des professionnels de santé, parmi lesquels un tuteur référent. D’un point de vue législatif, la définition même de la mission du tutorat et de ses méthodes a fait l’objet de deux réformes : une en 2006* et une en juillet 2009**. Le tuteur est ainsi chargé non seulement de suivre l’étudiant stagiaire qui lui est confié, d’assurer sa formation dans le cadre de l’exercice de sa future profession, mais aussi de l’évaluer et de le noter. Selon le référentiel de formation, pour qu’un stage soit qualifié, il faut un maître de stage, des professionnels de proximité et un tuteur de stage, résume Michèle Appelshaeuser, la présidente du Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres (CEFIEC). Le maître de stage s’occupe de la partie organisationnelle ; le tuteur, lui, guide l’étudiant dans sa pratique. C’est son accompagnateur.

Le tutorat face aux contraintes professionnelles

Mais dans la pratique, le tutorat infirmier se heurte à toute une série de contraintes qui peuvent nuire à son bon fonctionnement, à commencer par le manque de temps. Entre soins à prodiguer, patients à suivre et urgences à prendre en charge, les infirmiers n’ont pas toujours la possibilité de se consacrer à la formation des stagiaires. Si on veut bien leur apprendre les choses, il nous faut du temps. Or, parfois, on n’en a pas, déplore Virginie Verdu, infirmière à l’hôpital d’Albi. On accomplit le soin devant eux sans pouvoir vraiment leur expliquer ce qu’on fait. La difficulté est là : avoir un étudiant avec nous qui ne fait que regarder. Et pour lui, c’est aussi très frustrant. À ces problématiques de disponibilité, viennent également s’ajouter les contraintes liées aux plannings, étudiants et tuteurs n’étant pas toujours ensemble sur un même poste. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de ne pas tourner régulièrement avec mon tuteur. Il m’évalue alors que je n’ai jamais tourné avec lui, témoigne ainsi Romain, étudiant à l’IFSI d’Abbeville (Somme).

Le stage peut aussi bien avoir un effet très positif que néfaste sur la continuité de leurs études 

Si les étudiants ont bien conscience des difficultés que rencontrent leurs encadrants – ils n’ont tout simplement pas le temps de détacher quelqu’un pour nous écouter. Ils ne peuvent pas car ils risquent de mettre en péril les patients et l’organisation du service, soulève Romain – un stage qui se déroule dans de mauvaises conditions peut avoir un effet dévastateur sur leur motivation. Jusqu’à les pousser à remettre en question, voire à abandonner leurs études d’infirmiers, notamment s’ils se cantonnent à un rôle d’observation. Je sais que la formation d’infirmière est extrêmement difficile et que le stage peut aussi bien avoir un effet très positif que néfaste sur la continuité de leurs études, note Virginie Verdu. Nombre d’entre eux, surtout en première année, ont parfois l’impression de perdre leur temps. Et ça peut entraîner une vraie démotivation.

Une question d’organisation commune

Comment, alors, assurer aux étudiants un cadre de stage favorable ? Mieux le service est organisé et mieux on est encadré, répond Pauline, étudiante à l’IFSI de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Un principe qu’illustre le service d’anesthésie pédiatrique de l’hôpital Trousseau, à Paris. Chaque mois, Loïc Riou consacre une journée complète à l’accueil des étudiants, entre présentation des lieux et de l’équipe, construction des plannings en concertation avec les tuteurs désignés, définition des objectifs et distribution d’un livret contenant les apports théoriques nécessaires : Je leur explique nos spécialités et les disciplines qu’ils seront amenés à voir en pédiatrie. Etant donné que c’est un stage de 4 semaines, ce qui est assez court pour maîtriser la pédiatrie, je leur fixe un objectif à chacun. rapporte l’infirmier, qui est aussi amené à remplir des fonctions de tutorat. Car, dans le service anesthésie pédiatrique, on est tous plus ou moins tuteurs, confie Alexandre Gobin, IADE au sein de la même équipe. Un mode d’organisation qui s’explique par la spécificité du service : En pédiatrie, on ne peut pas laisser un étudiant seul et ne pas se permettre de l’encadrer. S’il se trompe, ça ne pardonne pas.

 

Étudiants comme tuteurs s’accordent sur la nécessité de définir dès le premier jour un vrai parcours de progression, ponctué de bilans de mi-stage et de fin de stage. Au début du stage, on nous demande de définir nos objectifs individuels. Ainsi, le tuteur a déjà une idée de ce que l’on veut travailler. Lors du mi-stage, on détermine ce qu’on a acquis et ce qu’on doit améliorer, explique Elisa, étudiante en troisième année. Si elles sont mal menées ou négligées, ces étapes peuvent en effet desservir l’expérience des élèves en soins infirmiers, d’autant plus lorsque les stages s’étendent sur une courte durée. Une de mes tutrices n’a pas voulu prendre connaissance de mes objectifs à mon arrivée, relate ainsi Sarah, étudiante en deuxième année. Ce n’est qu’au bout de la troisième semaine que j’ai enfin pu lui en parler. Et sur un stage de 5 semaines, c’est nécessairement un peu court quand on veut progresser. Les mauvaises expériences de stage s’expliquent par un encadrement qui n’était pas au point, mais aussi par des objectifs qui n’étaient pas clairement définis, renchérit Pauline.

Pour assurer le relais du tuteur en cas d’absence éventuelle et garantir le meilleur suivi possible, l’ensemble du service peut être mobilisé sur la question de l’encadrement. À Trousseau, chaque stagiaire possède un cahier pédagogique dans lequel il inscrit les actions qu’il a menées dans la journée avant d’être noté par l’infirmier présent avec lui. Le tuteur peut alors s’y référer lors des bilans de mi et de fin de stage pour l’évaluer. Ce fonctionnement s’observe d’ailleurs plus généralement dans les services hospitaliers, comme le confirme Virginie Verdu : Je demande aux étudiants de tenir un cahier de bord où ils notent tous les soins qu’ils ont prodigués, qu’ils soient techniques ou pas, et s’ils ont été validés par l’infirmier qui les encadrent. Cela permet d’établir un suivi, et l’étudiant, lui, sait où il en est.

J’ai eu des tuteurs très à l’écoute qui ont su mettre le doigt sur mes difficultés et qui m’ont également aidée à me définir

 L’importance du relationnel

De plus, tous insistent sur l’importance pour apprenant et encadrant d’établir une relation de confiance : La confiance avec le tuteur et le reste des membres de l’équipe est essentielle, estime Sarah, qui rappelle toutefois qu’elle se construit dans les deux sens. Elle passe par la validation et l’observation du tuteur, mais aussi par la capacité d’un étudiant à se remettre en question et par son honnêteté à reconnaître qu’il ne sait pas faire quelque chose ou qu’il a fait une erreur. Et il est aussi important pour lui d’aller solliciter son tuteur. Un sentiment que, côté encadrant, Virginie Verdu partage amplement, d’autant plus que cette relation conditionne la marge de manœuvre que le tuteur va laisser à son étudiant : Afin qu’on puisse laisser l’étudiant faire des soins, il faut vraiment qu’une relation de confiance s’instaure. Quitte à le laisser se tromper, même si cela n’a rien d’évident. Il faut lui montrer et lui expliquer ce qu’on fait, puis il faut savoir le laisser faire à son tour. La vraie difficulté, c’est de rester les bras croisés quand il éprouve des difficultés à faire le soin, s’amuse Alexandre Gobin.

Savoir observer l’étudiant et le guider dans ses gestes, mais aussi s’adapter à son niveau d’expérience, à son âge et à son vécu, être à son écoute et prendre en compte ses aspirations…, le rôle de tuteur recouvre bien des besoins, tout autant techniques que relationnels et dont les étudiants sont en demande. J’ai eu des tuteurs très à l’écoute, qui ont su mettre le doigt sur mes difficultés et qui m’ont aidée à tirer le meilleur de moi-même et à me définir, confie ainsi Elisa. Et c’est sans compter les lourdes responsabilités qui incombent à la profession :Il y a un aspect qui consiste aussi à rassurer l’étudiant, à lui dire qu’il dispose bien de certaines connaissances, qu’il est là pour apprendre et qu’il sera soutenu, abonde Loïc Riou. La mise en place d’un vrai dialogue s’avère ainsi primordiale dans une profession sans cesse confrontée à des problématiques douloureuses, tels que les décès de patients. Quand un étudiant vit une situation compliquée, il faut vraiment prendre le temps d’en parler, d’être à son écoute et de lui permettre de faire le point afin que ça se passe mieux la prochaine fois, relève Virginie Verdu.

Il existe une formation à destination des infirmiers qui souhaitent devenir tuteur, largement axée sur des concepts pédagogiques, précise Loïc Riou, et qui peut faciliter la prise en charge des stagiaires. Je n’ai eu qu’un seul tuteur qui avait suivi une vraie formation de tuteur, en psychiatrie. Il était plus à l’écoute, témoigne ainsi Romain. Mais si elle représente pour certains une aide, elle ne remplacera toutefois jamais l’envie d’être encadrant, condition sine qua non pour remplir au mieux la mission de tutorat. On ne fait bien que ce qu’on aime, plaide Loïc Riou. Un avis que partagent Virginie Verdu et Alexandre Gobin, qui conclut d’ailleurs : Et personnellement, j’estime que ne pas s’occuper d’un étudiant, c’est ne pas faire son travail. Nos stagiaires deviennent ensuite nos collègues, nos soignants. Si on ne les forme pas, alors on insulte le futur.

* Loi du 16 janvier 2016 mise en place dans le cadre du Plan psychiatrie et santé mentale (2005-2008), qui instaure le tutorat pour les nouveaux infirmiers amenés à exercer en psychiatrie

**Réforme sur la formation infirmière, qui l’inscrit dans le parcours universitaire LMD (Licence, Master, Doctorat).


Source : infirmiers.com