Psychologie : développer la résilience face aux soins complexes

L’École de Santé-Humanités et Soins, lieu de dialogue, de recherche et de formation, de l’Institut Catholique de Paris, ouvre en septembre 2024 une formation à destination des soignants intitulée DU "Résilience et situation de soin complexe".

Le soin en crise

L’équipe pédagogique de l’École de Santé-Humanités et Soins, composée de médecins, d’une psychologue et d’une philosophe, est partie du fait que les soignants étaient de plus en plus en souffrance. Cette souffrance soignante peut s’expliquer en raison de différents contextes : un contexte organisationnel tendu (le niveau institutionnel de l’hôpital ou la pénurie de soignants), un contexte sociétal compliqué (avec une difficulté d’accès aux soins et de longues attentes pour les patients en raison des déserts médicaux), et enfin une éthique professionnelle qui peut conduire à l’épuisement. En effet, comment reconnaître et nommer sa propre souffrance lorsque l’on côtoie ceux qui sont malades? Comment dire les ambivalences du soin ? Comment reconnaître ses propres limites ?

Le juste soin ou l’art de la prudence

Les soignants sont éduqués à la prodigalité, c’est-à-dire, au fond, à donner ce qu’ils n’ont même plus en ressources personnelles car ils sont assignés au don. Ils méconnaissent "le juste milieu"», la "médiété" aristotélicienne, qui cherche à proposer le juste soin en étant prudent. Prenons pour exemple la générosité. Elle est le juste milieu entre l’avarice et la prodigalité. Pour être un soignant généreux, il faut conserver un espace intérieur à soi, des ressources disponibles, pour continuer à donner. Le généreux est donc celui qui sait conserver quelque chose, ne pas tout donner, pour inscrire son agir dans la durée.

Un ancrage psychologique

Aussi, le DU résilience et situation de soin complexe s’attache à former les soignants pour qu’ils puissent développer leur résilience en apprivoisant leurs propres mécanises psychologiques, en apprenant à se mettre en sécurité eux-mêmes lorsqu’ils prodiguent un soin. Il offre donc un ancrage psychologique.

Un ancrage dans les humanités

Ce DU développe, par les humanités, au sens critique et au discernement, pour questionner le sens du soin, le juste geste, et ainsi le renouveler. En affinant l’ethos professionnel, en s’appuyant sur le corpus juridique qui encadre la relation de soin, en étudiant la déontologie et l’éthique soignante, le soignant peut affiner son geste et s’affirmer comme soignant.

Découvrez la vidéo pédagogique "Développer la résilience face aux soins complexes"
Anne-Laure Poujol, docteur en psychologie, psychologue clinicienne en service de réanimation, Ecole des Psychologues Praticiens 

Un travail mensuel de relecture de cas clinique

Par la relecture mensuelle d’un cas clinique qui lui a posé des difficultés, entouré de ses pairs, le soignant apprend à mieux se situer dans la relation soignante et à affronter les dilemmes éthiques et la complexité du geste du soin aujourd’hui. En petit groupe, le soignant sort alors de la solitude et de l’isolement, pour tenir avec les autres le pacte de non-abandon qu’il doit à ses patients, en tant que représentant de la solidarité nationale.

Le principe de réalité et la résilience

Aussi, en s’inspirant d’une philosophie humaniste, en prenant appui sur le droit, en déployant un apport psychologique, les soignants peuvent alors sortir d’une solitude réelle et épuisante pour mieux affronter la question du sens mais aussi se découvrir résilients tout au long de leurs activité professionnelle. 

Des soignants qui vont bien ?

En cultivant sa propre résilience, en analysant les situations de soin complexe, en affinant son jugement professionnel, en reconnaissant les situations engendrant la souffrance au travail, en affinant sa capacité de jugement face aux dilemmes éthiques, le soignant peut alors, sans jamais s’affranchir du principe de réalité, construire sa pratique soignante et se mettre en sécurité.