L'hématurie est un motif de consultation fréquent or, la plupart du temps elle est invisible à l'œil nu (hématurie microscopique). Souvent bénins, ces épisodes de saignement doivent néanmoins conduire à des explorations complémentaires car leur spectre diagnostique est très large, passant de pathologies sans gravité comme une infection ou des calculs rénaux à des tumeurs malignes, en passant par certaines néphropathies.
L'hématurie désigne la présence de globules rouges dans les urines lors d'une miction. Elle peut-être macroscopique, c'est-à-dire visible à l'oeil nu ou microscopique. Dans ce dernier cas, elle est définie par une seuil supérieur à 5-10 hématies/mm3 et doit toujours être confirmée par un ECBU (examen cytobactériologique des urines). Ces épisodes sont souvent isolés, sans aucun symptômes associés, et demeurent indolores. Malgré cela, il ne faut pas négliger ce signal d'alerte, et ce, que l'hématurie soit visible ou non. Il n'est jamais normal de découvrir du sang dans ses urines. Une hématurie impose des examens complémentaires pour en découvrir l'origine
, insiste le Dr Paul Meria, urologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris. D'autant plus que les causes des saignements sont variées : tumeurs, calculs , traumatismes, infections prostatiques ou rénales, maladies inflammatoires ou cystite (cette dernière étant la principale cause d'hématurie chez la femme jeune).
Certaines hématuries sont découvertes fortuitement à l'occasion d'un bilan de santé plus général ("examen périodique de santé" de la CPAM, visite de médecine du travail, analyses d’urines prescrites par le médecin de famille...). Le plus souvent, c'est lors d'une consultation en médecine du travail, dans le cadre des visites obligatoires, que la bandelette urinaire révèle la présence méconnue d'hématies dans les urines. En effet, même lorsque le sang n'est pas perceptible à l'œil nu (on parle alors d’hématurie microscopique) il est nécessaire de réaliser des investigations complémentaires, car ce n'est pas sa quantité qui désigne la gravité d'une lésion. Un trouble sévère peut induire un saignement modeste. Inversement, un saignement plus important peut être associé à un problème bénin.
Quand l'hématurie est symptomatique, associée à des signes de cystite, et que le traitement antibiotique suffit à le faire cesser, on peut se dispenser de réaliser des examens complémentaires. Dans les autres cas, il faut réaliser d’autres explorations en fonction des facteurs de risque
, insiste le Dr Méria.
N'étant pas une maladie mais le signe d'une pathologie, il convient d'établir un traitement adapté à l'étiologie.
Le saviez-vous ?
La présence de sang dans les urines est souvent le signe d'une pathologie bénigne qu'un traitement adéquat permettra de guérir. Toutefois elle peut révéler une affection plus grave. Tout retard de diagnostic est alors préjudiciable.
Il existe également de "fausses hématuries". Il peut s'agir en réalité d'hémorragies "de voisinage" (urétrorragie, menstruations...) ou alors de pigments sanguins ou biliaires (hémoglobinurie, myoglobinurie, bilirubinurie). D'autre part, les urines peuvent tout simplement se colorer suite à l'ingestion de médicaments comme des antibiotiques, des antipaludéens, ou des laxatifs (la rifampicine, le métronidazole ou la vitamine B12 entre autre). Leur prise engendre la formation de certains métabolites, qui, une fois éliminés par les reins, sont responsables d'un rougissement des urines. Certains pigments contenus dans des aliments peuvent également causer ce genre de désagréments comme la betterave et les mûres !
Deux causes majeures : urologiques ou néphrologiques
La bandelette urinaire détecte la présence de sang dans les urines (supérieur à 5 hématies/mm3) grâce aux propriétés peroxydasiques de l'hémoglobine. La sensibilité de cet examen est de 90 %. Avant de réaliser un bilan étiologique, il est nécessaire d'éliminer la possibilité de "fausses hématuries" comme les hémorragies de voisinage, les coloration dues aux aliments ou aux médicaments ou les causes d'origine métabolique comme une intoxication au plomb ou au mercure.
Les hématuries micro et macroscopiques peuvent intervenir pour des raisons urologiques ou néphrologiques. Dans le premier cas, la présence d'hématies est liée à une lésion notamment de l'arbre urinaire qui entraîne une rupture des vaisseaux sanguins dont le contenu va se retrouver en contact avec les voies excrétrices urinaires. Le plus souvent, il s'agit tout simplement d'une infection urinaire. Le diagnostic peut également conduire à une lithiase urinaire (des calculs), à un traumatisme prostatique ou iatrogéne (suite à un sondage ou à la pose d'un cathéter) ou encore à une tumeur rénale (bénigne ou maligne) voire urothéliale (peut concerner la vessie ou les voies excrétrices urinaires supérieures).
Si, à l'inverse, le problème provient des reins, l'hématurie a pour origine le passage de globules rouges à travers une membrane d'un glomérule rénal altérée-les glomérules étant des corpuscules qui filtrent le sang dans les reins. Les pathologies associées sont la glomérulonéphrite (inflammation de ces corpuscules) ou le syndrome d'Alport (maladie héréditaire définie par l'association d'une néphropathie glomérulaire avec hématurie évoluant vers l'insuffisance rénale terminale (IRT) et d'une surdité de perception). On peut citer aussi les néphropathologies vasculaires (névrose papillaire ou infarctus rénal) ou le développement de kystes rénaux.
D'autre part, il existe les hématuries d'efforts qui surviennent suite à une activité physique prolongée. Elle est particulièrement fréquente chez les marathoniens au lendemain d'une course. Plus précisément, sous l'effet des secousses répétées, la vessie est irritée, la partie haute de l'organe frotte la partie basse entraînant des petits saignements. Ces hématuries se résolvent d'elles-mêmes en quelques jours.
La myoglobinurie du sportif est également responsable d'urines colorées. Elle traduit la présence non pas de sang mais de myoglobine. Lors d'un effort intense chez des sujets généralement peu entraînés, le muscle relâche dans la circulation sanguine de la myoglobine, une protéine qui ressemble à l'hémoglobine. Cette myoglobine peut ensuite se retrouver dans les voies urinaires.
En outre, certains sports collectifs ou sports de contact (rugby, foot, combat libre, MMA...) peuvent entraîner des chocs plus ou moins violents responsables de traumatismes internes. En cas de contusion rénale ou vésicale, des saignements peuvent apparaître. Les hématuries post-traumatiques peuvent guérir spontanément mais doivent faire l’objet d’explorations car elles peuvent traduire une contusion rénale assez appuyée.
Ne pas sous-estimé une hématurie microscopique !
La conduite à tenir face au constat de saignement diffère énormément en fonction des pays. En Suède notamment, les hématuries microscopiques ne sont pas investiguées. Pourtant, elles sont passées 60 ans au Royaume-Uni et après 35 ans aux Etats-Unis. Des chercheurs britanniques ont donc réalisé une étude multicentrique pour tenter d'harmoniser ces directives. Ils ont analysé les données d'une cohorte de 3556 patients venant de 40 centres. Les scientifiques ont, tout d'abord, remarqué que ceux qui s'avéraient atteints de cancers urologiques étaient plus âgés, plus souvent fumeurs et présentaient une hématurie macroscopique.
D'après les chiffres obtenus, la probabilité d'un cancer urologique devient significative après 45 ans en cas d'hématurie visible et après 60 ans sinon. Toutefois, 11 cancers ont été développés au cours des travaux avant ces seuils. Suivre les recommandations anglaises semblent donc dangereux : cela aurait conduit dans le cas de l'étude à ne pas dépister 2% des cancers de la vessie responsables d'hématuries macroscopiques et 10% de ceux-ci lors de saignements microscopiques. De même, le fait que le phénomène ne soit pas visible n'indique aucunement le stade du cancer et il doit donc être analysé aussi sérieusement qu'une hématurie macroscopique.
L'interrogatoire: moment clé de la consultation
L'examen clinique initial permet d'orienter dans la plupart des cas, le bilan vers une étiologie urologique ou néphrologique et conditionne les examens complémentaires adaptés à effectuer. Interroger le patient est particulièrement important. L'origine ethnique, les derniers voyages en zone endémique pour certaines expositions environnementales ou infectieuses (bilharziose, tuberculose), un tabagisme actif ou sevré et des expositions professionnels carcinogènes (goudron, colorants) qui sont des facteurs de risques de carcinomes urothéliaux sont à connaître. Au niveau des antécédents familiaux, on cherchera des pathologies urologiques ou des cancers (notamment rénaux, prostatiques ou des voies excrétrices), une insuffisance rénale ou une surdité héréditaire (le fameux syndrome d'Alport). En ce qui concerne, les antécédents personnels, certains facteurs de risque sont à éliminer d'emblée comme le diabète, les troubles de la coagulation, la drépanocytose qui peuvent causer des hémorragies digestives ou des hématomes sous-cutanés. De même, il est nécessaire de demander au patient s'il a déjà souffert ultérieurement d'infections urinaires, de lithiases ou coliques néphrétiques, de tumeurs urologiques et aussi s'il a été soigné récemment pour une infection ORL (lien avec une glomurélonéphrite post-streptococciques). De plus, il faut s'enquérir des traitements que prend le patient comme : des anticoagulants, des antiagrégants plaquettaires et des AINS qui peuvent être responsables de néphropathie.
Les circonstances de découverte peuvent aussi aider à établir le diagnostic. Il existe parfois un contexte évocateur évident comme un traumatisme, une chirurgie urologique ou une manœuvre endo-urologique récente (sondage, cystoscopie). Il faut faire préciser au patient s'il s'agit d'un premier épisode ou d'une récidive, la date de survenue, la durée d'évolution, et le caractère cyclique ou non du saignement (éliminer la piste de l'endométriose). L’examen général recherche l’existence d’une fièvre, d’une asthénie (insuffisance rénale, cancer), ou de douleurs osseuses. Certains symptômes sont évocateurs de néphropathie comme la prise de poids, la présence d'oedèmes, et l'existence de signes indirects d'HTA (céphalées, acouphènes…).
Ensuite, il est essentiel de caractériser l'hématurie. Par exemple, la présence de caillots oriente vers une cause urologique. L'épreuve des trois verres peut également apporter de précieuses informations. Il s'agit d'établir la chronologie du saignement sur le temps mictionnel. En effet, celui-ci peut être initial (il survient au début de la miction), terminal (arrive en fin de miction) ou total. Une hématurie initiale suggère une localisation urétro-prostatique du saignement alors que si elle est terminale c'est plutôt signe d'une localisation vésicale. En revanche, si elle est totale, elle peut être d'origine rénale mais si elle est abondante on ne peut pas en tirer de conclusions.
Les examens complémentaires
L'ECBU est incontournable. Cet examen bactériologique des urines vise à étudier les différents types de cellules présentes pour identifier les germes qui l'ont éventuellement contaminée. Une cytologie urinaire peut aussi mettre en évidence un cancer. En effet, tous les épithéliums desquament. On retrouve donc dans les urines des cellules épithéliales de l'ensemble de l'appareil urinaire. En cas de tumeur de la vessie ou des voies excrétrices, des cellules anormales peuvent être présentes dans les urines. L'examen cytologique permet ainsi de détecter la présence de ces cellules tumorales.
Certaines protéinuries témoignent d'une maladie du glomérule, explique le Dr Méria. Lorsque celui-ci est poreux, il laisse passer du sang qui se retrouve ensuite dans les voies urinaires.
L'analyse d'urine est très importante car elle offre la possibilité de rechercher des protéines et des cylindres dont la présence va orienter vers une maladie rénale. Si l'hématurie est confirmée sans signe d'infection ni de maladie du rein, d'autres explorations sont nécessaires pour savoir si la cause est maligne ou pas.
L'urétéro-réno-scopie nous permet de visualiser les cavités rénales à la recherche d'angiomes, de malformations ou de tumeurs qui pourraient saigner. Enfin de façon exceptionnelle, si on suspecte une malformation artérioveineuse, une artériographie rénale sera proposée.
Pour en savoir plus
- Consulter les fiches de l'AFU sur le sujet
- Leur site associé destiné aux patients urologie-sante.fr
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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