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Rapport sur la fin de vie : un changement culturel mais pas législatif

Publié le 07/01/2013

Le rapport sur la fin de vie demandé par le président de la République, François Hollande, a été rendu public le 18 décembre 2012 dans le cadre prestigieux de l'université René Paris Descartes. Si ce rapport souhaite modifier le regard des citoyens sur la mort, il ne donne pas un cadre législatif à la prise en charge palliative des patients en fin de vie.

Un bref rappel des faits et du contexte autour de la fin de vie aujourd'hui est nécessaire à la compréhension de ce rapport. Rappelons en effet que lors de sa campagne présidentielle, François Hollande avait pris un engagement (proposition 21), celui de développer les soins palliatifs mais aussi de modifier la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, plus communément appelée Loi Leonetti. En juillet 2012, un « travail de réflexion, de concertation et d'information » sur la fin de vie était donc demandé au Pr Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique de 1999 à 2008, coordinateur de la Commission chargée de réfléchir sur les modalités d'assistance au décès.

« Un rapport pour ouvrir le débat sur la fin de vie, pas l'enfermer »

Que dit ce rapport ?

Cette commission a été composée de personnes d'horizons différents : médecins, philosophe, juriste, journaliste ainsi que de Florence Gruat, cadre supérieur de santé et docteur en éthique.

Le rapport rendu le souligne : « les Français veulent que leur parole et leur volonté soient entendues mais qu'elle soit également souveraine ». En effet, après une centaine d'auditions de citoyens mais aussi des déplacements à l'étranger (Belgique, Pays-Bas...), le constat est brutal : «  l'accueil de la parole et de la volonté du malade est rare ».

En effet, il n'existe pas de « parcours » de soins de fin de vie qui soit clairement identifié. Il faut donc l'anticiper et l'organiser sans pour autant le légiférer, une solution non souhaitée par ce rapport. « On ne peut pas enfermer la mort dans des limites, légiférer la fin de vie n'est pas simple, une loi peut en contourner une autre, nous – la commission - avons d'ailleurs choisi d'intitulé ce rapport : « Penser solidairement la fin de vie » car c'est de cela dont il s'agit, il s'agit de ne pas se précipiter dans les attitudes, mais dans le regard que l'on porte sur la mort » souligne le Pr Sicard ajoutant même : «  la loi Leonetti existe mais elle est méconnue : il faut une meilleure communication de l'existant car en créer une autre pourrait poser le même problème ». Les médecins doivent s'approprier la loi Léonetti afin de lui donner toute son efficacité » a rappelé le Pr Sicard. Sur la base des propositions de ce rapport, un projet de loi sera donc présenté en juin 2013 car «malgré les apports indéniables de la loi Leonetti, la législation en vigueur ne permet pas de répondre à l'ensemble des préoccupations légitimes exprimées par les personnes atteintes de maladie grave et incurable » précise le gouvernement dans un communiqué.

« Un rapport qui préconise un changement culturel mais pas législatif »

Qu'est ce que cela pourrait concrètement changer ?

La question des « directives anticipées » du patient1 a également été soulignée. En effet, elles sont aujourd'hui quasi inconnues, or elles devraient l'être et respectées. Il est donc temps de les mettre en œuvre et si le patient est dans le coma, c'est vers la famille qu'il faudra alors se tourner. Au même titre que pour le don d'organes, il faut donc inciter les patients à exprimer ce qu'ils souhaitent pour leur fin de vie. Par exemple, pour la pédiatrie, toute décision d'arrêt de traitement, voire d'arrêt de soins, doit être prise avec les parents et dans le cadre d'un échange collégial pluridisciplinaire. Le travail en équipe est toujours protecteur pour l'enfant, sa famille et le personnel soignant. En ce sens, la commission recommande que le ministère de la santé formalise dès 2013 un modèle de document, à proposer à tout moment, par le médecin traitant ou si urgence par l'équipe soignante. Ce document aisément identifiable par une couleur spécifique devra être inséré dans le dossier du malade. Un fichier national des directives anticipées doit également être créé.

De façon plus concrète, la commission recommande :

  • Pour les médecins : il est question d'améliorer la formation médicale afin de favoriser « une compétence en soins palliatifs dans toute pratique clinique », de créer une filière spécifique dans chaque université, de rendre obligatoire un stage en soins palliatifs durant l'internat, de développer la formation sur les opiacés et les sédatifs et de prévoir un enseignement sur l'obstination déraisonnable. Pour les médecins généralistes un accès libre à tous les sédatifs est préconisé. Il est précisé que pour les instituts de formation du personnel soignant, une démarche analogue doit être conduite.
  • Pour les établissements de soins : la qualité de prise en charge des personnes en fin de vie devrait être un élément obligatoire de certification. Le principe actuel de la T2A pour la prise en charge palliative est inadapté et donc à revoir. La transmission des données, dans le rapport annuel d'activité, doit être obligatoire. Il faut donc développer l'épidémiologie de la fin de vie via l'Inserm et l'Observatoire National de la Fin de Vie.
  • Les ARS devrait pouvoir s'assurer qu'un établissement de soins puisse avoir accès à une équipe mobile de soins palliatifs. Sur chaque site internet des ARS , une liste recensant les différentes structures compétentes pour assurer la continuité des soins curatifs et de support 24h/24h jusqu'à la fin de vie, doit être disponible.
  • « Il faut que le domicile retrouve sa place » exprime la commission. En effet, près de 60 % des fins de vie se déroulent à l'hôpital. Des moyens pour aider au maintien des personnes à domicile sont donc à développer : une fusion entre HAD et SSIAD, renforcement des possibilités de congé de solidarité familiale, soutien aux associations de bénévoles grâce à des exonérations fiscales...

Enfin, la commission se montre très critique vis-à-vis de l'euthanasie, elle décrit cet acte comme « un acte médical qui de par sa radicalité interrompt soudainement et prématurément la vie ». La notion de suicide assisté est seulement à envisager dans des circonstances précises : « confier le suicide assisté à un groupe de citoyens – association - comme c'est le cas en Belgique, n'est pas souhaitable. Ce n'est pas une alternative à un réel accompagnement » précise Pr Sicard.

Pour conclure

Avec ce rapport c'est donc un changement culturel, une prise de conscience collective, qui sont attendus car comme le souligne la commission : « la fin de vie est aussi importante que le début de la vie ». Une volonté de débats publics ainsi qu'une campagne d'information majeure sont maintenant souhaités. Reste une question légitime à se poser face au souhait d'orienter la prise en charge palliative au domicile : comment les soignants vont-ils pouvoir accueillir cette « prise en charge » particulière qui demande du temps, de la disponibilité, et un savoir faire et être qui n'est pas toujours évident ? Cette question en appelle une autre : quels moyens vont être mis en œuvre pour les aider à mener à bien ces accompagnements dans la durée et dans les meilleures conditions possibles ?

Note

  1. Les directives anticipées : introduite par l'article 7 de la loi du 22 avril 2005 et précisée par le décret n°2006-119 du 6 février 2006, la rédaction de la directive anticipée garantit au patient, dans le cas où il serait hors d'état d'exprimer sa volonté, que ses souhaits relatifs à sa fin de vie seront pris en compte par le médecin qui l'a en charge. Celui-ci a donc pour obligation de s'enquérir de l'existence de ces directives, d'en vérifier la validité, d'en prendre connaissance et d'inclure les souhaits qui y sont formulés parmi les éléments sur lesquels va s'appuyer sa décision médicale.
  • Rapport a François Hollande président de la république française, commission de réflexion sur la fin de vie en France « Penser solidairement la fin de vie », 18 décembre 2012, Paris.

Audrey DEMEILLEZ
Rédactrice Infirmiers.com
audrey.demeillez@infirmiers.com
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Source : infirmiers.com