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PUERICULTRICE

Quid de la relation parents/soignants/enfant malade

Publié le 07/12/2012

La sociologue Sarra Mougel nous explique les enjeux du partenariat « parents/professionnels de santé » dont il faut prendre soin lorsque l’enfant est malade.

Cet article a été publié le 22 novembre 2012 par l'Association Sparadrap que nous remercions de cet échange productif.

Pendant deux ans, Sarra Mougel, sociologue, maître de conférences en Sciences de l'éducation au CERLIS (Centre de recherche sur les liens sociaux) CNRS & Université Paris-Descartes, auteure du livre « Au chevet de l'enfant : Parents / professionnels, un modèle de partenariat » (Éditions Armand Colin), s’est régulièrement fondue dans des services de pédiatrie pour y observer ce qui se passe « Au chevet de l’enfant malade » : place des parents, relations complexes entre familles et soignants... Si l’ouverture des services de pédiatrie aux parents est un immense progrès, elle suscite néanmoins un certain nombre de difficultés que ce soit du côté parents ou du côté soignants. Sarra Mougel nous confie ici les grandes lignes de cette relation en revenant sur son expérience de terrain et en partageant son point de vue sur la situation.

Pourquoi et comment avez-vous eu l’idée de travailler sur ce sujet ?

C'est après un stage dans un service de pédiatrie que j'ai choisi d'orienter mon travail sur la problématique de l'enfant à l'hôpital, plus spécifiquement autour de la relation triadique parents-enfants-soignants. Cette thématique faisait l’objet de nombreux mémoires mais principalement dans le domaine infirmier. J’ai donc décidé de la reprendre avec un regard sociologique affirmé. Comme c’était un angle d’approche très peu traité au moment où j’ai débuté ma thèse, cela m’a paru intéressant d’approfondir ces questions. Pour réaliser mon étude, j’ai fait le choix de rentrer dans les services par l’observation. Je voulais être au plus près des interactions qui se nouent entre parents, enfants et soignants.

Tout l’enjeu a été de trouver ma place : une place acceptable par les équipes, acceptable par les membres des familles. Cela n’a pas toujours été évident mais pour l’anecdote, lorsque je suis arrivée dans le premier service que j’ai étudié (service d’hépatologie pédiatrique spécialisé dans les greffes de foie), un petit garçon m’a prise par la main et m’a emmenée directement à la piscine à boules qui se trouvait dans le service, m’attribuant une place. C’est comme ça que ça a commencé !
La place se bricole mais elle est très fortement conférée par les acteurs en présence. Ce petit garçon m’a identifiée comme pouvant avoir une place assez similaire à celle des éducatrices stagiaires ou des bénévoles dans les services. Avec les parents, le lien s’est fait au décours des relations nouées au préalable avec les enfants. Concernant les soignants, ils ont toléré ma présence avec une curiosité assez distante, probablement à cause de mon statut volontairement proche de celui de stagiaire dans un rôle d’observation.

Quelles sont les principales attentes et difficultés rencontrées par les parents d’enfants hospitalisés ?

La principale attente des parents c’est avant tout la qualité de la prise en charge de leur enfant, la qualité des soins, des équipes, c’est leur premier souci !

Une autre attente forte, c’est l’accès aux informations. Les informations en temps réel bougent très vite : il existe aujourd’hui toute une série d’examens qui font que l’état de l’enfant peut être réévalué très rapidement. Cependant, les infirmières ne sont pas autorisées à communiquer des informations médicales. Alors qu’elles sont en première ligne, elles ne peuvent pas tenir les parents informés de la situation de l’enfant et de ses évolutions.

En termes de difficulté, il faut signaler que les parents n’arrivent pas toujours à être présents compte tenu des multiples contraintes qui pèsent sur eux (autres enfants, obligations professionnelles). Certains parents ne parviennent pas à être aux côtés de leur enfant dans des services où on s’attend désormais à ce qu’ils soient là et où leur absence va poser un certain nombre de difficultés organisationnelles, notamment pour les soins de proximité à l’enfant.

Par ailleurs, il faut aussi noter que la relation parents-soignants est sur le fil du rasoir. C’est une relation sous tension dans la mesure où se mettent en place des jugements croisés : d’un côté de la part des parents, sur la qualité des soins, sur les actes, sur l’assurance dans les prises de décisions, et de l’autre côté le jugement des professionnels sur l’attitude des parents, leur manière de faire face dans cette situation de stress que représente l’hospitalisation, leur aptitude à faire face aux demandes de leur enfant.

« Ce travail de socialisation des parents est en partie assumé par les infirmières mais pas toujours suffisamment reconnu à sa juste valeur. »

Selon vous, sur quoi faudrait-il agir pour que les relations entre soignants et parents soient plus harmonieuses ?

Le temps d’apprentissage mutuel ne peut se faire que sur la durée. Or, nous sommes aujourd’hui dans un contexte de raccourcissement de la durée des séjours qui limite considérablement les possibilités d’agir sur cette relation parents-soignants. Si elles disposaient d’un peu plus de temps, les équipes pourraient mieux appréhender la relation avec les parents. C’est pourtant devenu une nécessité si l’on ouvre très largement les services aux parents. Ils deviennent des acteurs à intégrer dans le travail collectif.
L’amélioration consisterait à assumer le fait qu’il faut mener cette action en direction des parents et d’aller à l’encontre de ce discours qui reste assez fort dans les services consistant à dire « on est d’abord là pour l’enfant ».

Si on ouvre les services aux parents et qu’on leur confère un rôle devenu essentiel dans les soins de proximité à l’enfant, il faut être là aussi pour les accompagner dans la réalisation de ces tâches qui ne vont pas de soi. Les parents sont confrontés à un environnement technique, à la douleur, la fatigue de l’enfant pour la réalisation de ces soins de proximité et des soins de confort.

Ce travail de socialisation des parents est en partie assumé par les infirmières mais pas toujours suffisamment reconnu à sa juste valeur. Il s’agit aujourd’hui de familiariser les parents au fonctionnement du service, aux caractéristiques de la maladie de l’enfant, et plus globalement aux caractéristiques de l’organisation hospitalière pour leur permettre de mieux se repérer dans les dédales de l’univers hospitalier.

Agnès Couffinhal
Association Sparadrap


    Source : infirmiers.com