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IDEL

Billet dur d’une IDEL - Burn out...

Publié le 19/11/2012
espace libéral infirmiers.com

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Billet dur d’une IDEL - Burn out...

Billet dur d’une IDEL - Burn out...


Sur le blog « L’infirmière libre râle », tenu par une infirmière libérale de 50 ans, on peut lire de nombreux billets à l’humeur plus ou moins joyeuse... Celui que nous vous proposons aujourd’hui intitulé « Burn out » se passe de commentaires... ou alors en suscite de nombreux... Merci à Clématite, pseudo de l’auteur, qui nous invite à partager ses états d’âme...

Tout au long de ma carrière, beaucoup de patients m’ont émue, certains aux larmes, d’autres m’ont prodigieusement agacée voire carrément mise en fureur. Une infirmière ne peut pas s’attacher à tout le monde. Une juste distance est nécessaire car la demande est telle qu’y répondre avec ses tripes et son âme reviendrait à se perdre à tout jamais.

Alors on avale, on absorbe, on fait bob l’éponge...

En tant que professionnels de santé, nous ne sommes pas suffisamment préparés  à cet exercice périlleux qui consiste à savoir accueillir sans recueillir, comprendre sans s’impliquer émotionnellement, savoir trouver les mots justes. Ceci est tout simplement l’empathie, mais très difficile de se l’approprier  car les patients et leur entourage sont chronophages et poser des limites raisonnables lorsque la situation est insoutenable, ou transposée à du déjà vécu ou à du redouté, est parfois au-delà des possibilités du soignant.

Alors on avale, on absorbe, on fait bob l’éponge… et on jour on explose : le mot de trop, le camion de déménagement devant la voiture, l’appel juste quand on vient de rentrer chez soi… le burn out est là, tapi dans l’ombre prêt à bondir et enserrer la soignante dans ses griffes sans  pitié… pas d’échappatoire, l’angoisse qui monte, les larmes qui jaillissent, cet étau permanent le matin, le soir, et ce dégoût de tout…

Plus possible de toucher un patient, de changer une couche, d’entendre une plainte. Ils se transforment tous en faces grimaçantes et menaçantes. Ils veulent ma peau mais ils ne l’auront pas... Seulement ils s’avancent vers moi, leurs mains pleines de doigts noueux d’arthrose en avant, dans une danse macabre et chaotique, une démarche chancelante, ils avancent inexorablement… Les spectres de tous les morts et les encore vivants mais presque morts, ils vont m’attraper, m’engluer de leur salive nauséabonde, m’inonder de leur déjections et me piétiner… au secours, ils sont là !!!

France inter, il est 5h, le journal présenté par...

Ouf j’ouvre un œil, bon ! J’y vois encore…, je suis dans mon lit, les draps en bataille, le radio réveil diffusant les  premières nouvelles du jour, pas de zombie à proximité, ni dans le lit ni derrière la porte, juste un cauchemar, un de plus… Cette sensation de danger imminent revient, tenace, sans fondement.

Horoscope, vierge : attention aux faux amis aujourd’hui… vous allez vers des désillusions, remettez votre fonctionnement en question. Peut-être est-il temps de changer de voie ?...
Oui en effet il est grand temps ! Mais que faire ? Depuis 28 ans je ne fais que ça, je ne sais faire que ça, mais pas je ne « veux » pas faire que ça. Dans un premier temps gérer l’urgence. Lever le pied, arrêter quelques temps, prendre du recul, réfléchir, se poser et se reposer.

Oui mais pas si simple avec les charges, les crédits et le quotidien à assurer.  Je remets à plus tard, je suis forte, je vais y arriver, allez ! Un café, une douche et hop, on saute dans la voiture et on y va. Sauf que la bête est toujours là, derrière mon dos. Des bouffées d’angoisse à chaque sonnette, des soupirs dans chaque cage d’escalier, une envie de partir à peine entrée et surtout ne plus voir, ne plus entendre. Je ne peux me boucher les oreilles, ni même me mettre des écouteurs, ni faire semblant de ne pas entendre ce qu’on me dit… « j’ai mal, j’ai pas dormi, je suis constipé, vous êtes en retard, vous êtes en avance, j’attends le médecin, je veux mourir »…

Moi aussi, en ce moment précis je voudrais ne plus être là. Ne plus avoir à subir ces jérémiades incessantes et ces reproches permanents. Mais comment faire ?

Billet « Burn out » publié le 14 novembre 2012 sur le blog « L’infirmière libre râle »


Source : infirmiers.com