Lettre d'une presqu'infirmière

Le forum des étudiants en soins infirmiers

Modérateurs : Modérateurs, ESI

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Axoul57
Messages : 3
Inscription : 06 sept. 2014 10:19

Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Axoul57 »

Je suis étudiante infirmière Troisième année et je suis au bout. Au bout de ma formation. Et au bout du rouleau.
Dernière ligne droite avant de devenir professionnelle.
Infirmière. Ce métier que j’avais auparavant tant idéalisé. Ce si beau métier de plus en plus usé et maltraité.

J’ai découvert un énorme fossé entre théorie et réalité. Une réalité où les infirmiers, pleins de bonne volonté se voient contraints d’exercer dans des conditions plus que dégradées. Moins de moyens et charge de travail augmentée. Tel est notre quotidien.

La prise en soin de nos chers patients s’en trouve alors erronée. Les valeurs que l’on nous a inculquées tendent à s’envoler. Comment peut-on prendre le temps de rassurer un patient inquiet ou angoissé si nous manquons justement de temps ?
Parfois/souvent insatisfaits, ils peuvent même nous violenter. J’ai cette désagréable sensation d’à-moitié-fait, cette sensation d’insatisfaction et de culpabilité.

J’ai également cette peur, cette angoisse omniprésente de faire une erreur. L’erreur est humaine me direz-vous ? Et bien dans cette profession c’est plus que jamais le cas. Elle est humaine car nous prenons soin d’autres humains. Et si nous faisons la moindre erreur… L’issue peut être fatale. Toujours plus vite, toujours plus.
Productivité. Un mot que je ne pensais pas en lien avec les soins. Et l’humanité, est-elle oubliée ?

Heureusement il y a les infirmiers pour nous encadrer et rectifier. Quand ils ont le temps évidemment. Je vois bien qu’ils font de leur mieux pour nous apprendre leur métier. Métier qui dans quelques mois sera le nôtre. Mais toutes ces responsabilités, serais-je capable de les assumer ? Je ne me sens pas prête. J’ai peur de ne pas assurer, de faire des erreurs dans de telles conditions.

Que faut-il faire pour qu’enfin nous soyons écoutés ? Que faut-il faire pour que notre situation soit modifiée ? Faire une grève ? Qui s’occuperai alors des patients ? Nous ne pouvons-nous contenter que du brassard pour montrer notre mécontentement. Le gouvernement et la ministre de la Santé doivent bien en profiter afin de passer nos demandes sous clefs et les cacher.

Nous crions en silence. Encore combien de suicides de professionnels de Santé ? Nous ne sommes pas morts mais on est en train de nous tuer… Pas seulement les infirmiers. Nos collègues Aides-soignants, brancardiers, sages-femmes, médecins… Et les patients.

Je suis presqu’infirmière et je suis au bout. Au bout de cette lettre, au bout de ma formation mais surtout au bout du rouleau.
Avatar de l’utilisateur
Jo_bis
Modérateur
Modérateur
Messages : 10258
Inscription : 30 janv. 2004 10:33

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Jo_bis »

Au moment où je vous répond, 55 personnes ont lu votre message et personne n'a répondu.
Vous avez un vécu, aussi poignant soit-il, l'exercice de cette profession est semblable à celui de beaucoup de professions, de la caissière d supermarché au technicien dans l'industrie, de l'aide à domicile à l'agriculteur.
Soit on voit le verre moitié vide, soit moitié plein.
Sur certains points, je suis d'accord avec vous, sur d'autres non.

La profession s'est dégradée mais le tout est de trouver le responsable de cela : le consumérisme en matière de santé, le naufrage annoncé de la SS, le changement de mentalité du milieu intra hospitalier (qui évolue parallèlement au reste de la société), au patient de plus en plus demandeur ??
Peut-être tout cela à la fois.
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
Avatar de l’utilisateur
Axoul57
Messages : 3
Inscription : 06 sept. 2014 10:19

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Axoul57 »

Jo_bis a écrit :Au moment où je vous répond, 55 personnes ont lu votre message et personne n'a répondu.
Vous avez un vécu, aussi poignant soit-il, l'exercice de cette profession est semblable à celui de beaucoup de professions, de la caissière d supermarché au technicien dans l'industrie, de l'aide à domicile à l'agriculteur.
Soit on voit le verre moitié vide, soit moitié plein.
Sur certains points, je suis d'accord avec vous, sur d'autres non.

La profession s'est dégradée mais le tout est de trouver le responsable de cela : le consumérisme en matière de santé, le naufrage annoncé de la SS, le changement de mentalité du milieu intra hospitalier (qui évolue parallèlement au reste de la société), au patient de plus en plus demandeur ??
Peut-être tout cela à la fois.
Bonjour,
Je n'oublies en aucun cas les autres professions qui sont dans la même situation et que je soutiens également.
Si je m'attarde sur la profession soignante, et les infirmiers en particulier, c'est parce que j'y suis directement confrontée. J'avais simplement besoin d'exprimer mon ressenti. Effectivement, le problème est sociétal. Et j'ai du mal a accepter que la Santé puisse devenir un business.
Beezy
Messages : 29
Inscription : 20 déc. 2011 20:13

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Beezy »

Bonsoir! Je suis également étudiante en IFSI ( fin de deuxième année).
Je comprends très bien ton ressenti, et je voulais témoigner pour peut être t'encourager à ne pas lâcher!
C'est vraiment une formation ou il faut se battre chaque jour pour garder espoir et se prouver à soi même qu'on aura été capable d'aller jusqu'au bout!!

j'étais comme toi avant de rentrer dans l'école j'idéalisai le métier d’infirmière, je ne pensais pas que ce serait si dur psychologiquement, si stressant; j'ai eu de mauvais stages en première année je suis tombée sur des personnes qui m'ont déstabilise, qui me disait que je n'étais pas faite pour ce métier que j'étais trop "gentille" et j'ai eu affaire à des infirmières méchantes qui prenaient un malin plaisir à casser les élèves..
Des infirmières sans respect qui oublient malheureusement qu'elles ont été élèves un jour..
Pendant cette période j'étais comme toi vraiment au bout du rouleau, je pleurai tous les jours en allant en stage et en rentrant, j'étais dégouté du mot " infirmière" je me disais: "tu veux vraiment devenir ce genre de personne?"
J'étais en depression.
Mais je suis tout de même allée au bout de ce stage.
Par la suite en deuxième année j'ai passé un stage qui m'a vraiment redonné le gout du métier et une motivation certaine, j'ai pu rencontrée des infirmières exceptionnelles dont je serai fière de ressembler.
Il est vrai que j'ai besoin de me sentir dans un environnement non stressant en stage pour m'épanouir et progresser davantage.

C'est par ce petit témoignage que je voulais faire passer comme message que oui il y a fossé réelle entre théorie et pratique, qu' à chaque stage on doit faire ses preuves et qu'on est " lâché dans la fosse aux lions"," dans le monde du travail"
C'est pas facile, tu prends en maturité et surtout on s'affirme petit à petit.
Je suis également d'accord pour dire que c'est un métier dur au niveau des conditions de travail qui se détériorent de plus en plus, que les infirmières sont constamment sous pression car on n'est pas le droit à erreur car on a des vies entre les mains.

L'école parle beaucoup de valeurs et d'humanités, mais finalement cette humanité celle que l'on a en nous, qui nous a fait choisir ce métier et pas un autre, ou est elle dans les services?
On passe plus de temps à tracer les transmissions et soins sur l'ordinateur qu’être auprès du malade..

C'est un si beau métier par son côté humain et aidant, il faut continuer à se battre pour essayer de faire bouger les choses, ne pas abandonner car c'est le malade qui subira tout au final.
s'il n'y a plus d’infirmière il n'y a plus d'hôpital.
C 'est un tout, un travail d'équipe et c est que en se soutenant qu'en étant humain au final que çà nous paraîtra un métier très enrichissant.

Je suis d'accord avec toutes ses gréves toute la force de ses soignants qui montrent leur courage car ce sont vous professionnels au grand cœur, humain et courageux qui nous donnons la force à nous petits étudiants de continuer à nous battre pour devenir un bon professionnel de santé.

je suis également fatiguée de cette formation car c'est épuisant psychologiquement il faut tenir le coup et j'ai également peur de commettre une erreur plus tard,mais il faut se dire qu'il ne faut pas baisser les bras que si on en est arriver jusque là c'est pas pour rien on a eu du courage et on en aura encore! Je te souhaite que du bonheur et de t'épanouir dans ce métier formidable, c'est ta dernière ligne droite même si c'est un métier difficile tu pourra être fière de toi, de ton parcours et tu sera une bonne infirmière! :D



9° sur LC à Forbach/ 16° sur LC à la CRF de metz/ 49° sur LP à thionville.
ESI 2015/2018 à l'IFSI Bel-Air de Thionville!!! :D
Avatar de l’utilisateur
Jo_bis
Modérateur
Modérateur
Messages : 10258
Inscription : 30 janv. 2004 10:33

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Jo_bis »

Axoul57 a écrit :Effectivement, le problème est sociétal. Et j'ai du mal a accepter que la Santé puisse devenir un business.
Mais il va falloir en passer par là !
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
Avatar de l’utilisateur
Gss.y
Insatiable
Insatiable
Messages : 394
Inscription : 28 oct. 2012 15:44

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Gss.y »

J'ai exactement ce même ressentis... Je suis diplômée en décembre et je me dis déjà que je ne ferai pas ce métier toute ma vie...

Je suis actuellement en stage et l'infirmière qui m'encadre n'arrête pas de me dire d'aller plus vite ! Je suis aux soins continus et nous devons pas passer plus de 20 minutes par chambre pour le tour du matin et du midi. Ça me désole à vrai dire... Ça manque cruellement de lien humain, en 20 petites minutes on a pas le temps de faire des blagues au patients, de les écouter ou de les rassurer histoire d'égayer un peu leur matinée.
Ou dans un autre stage en EHPAD où les AS avaient 13 toilettes chacune.. Elles ne faisaient que la toilette du haut et intime ! Les jambes et pieds c'était occasionnel, le week-end c'était que visage et toilette intime.. Et la douche une fois par mois... Elles ne faisaient même pas les lits, c'était les ASH qui les faisaient... Je suis incapable de faire comme elles et faire 3 toilettes en même temps à mettre un sur la chaise percée, l'autre au lavabo, commencer une au lit, revenir sur le premier, repartir au 3eme pour revenir au 2eme !!!

Puis tous les jours on entend "-Il y a 3 arrêts dans ce service. - Ici on a en 2, et c'est l'infirmière qui vient pour remplacer une aide-soignante. - X ne reviendra pas de suite, elle est en arrêt prolongé de 3 mois pour burn out."

Et quand on commence a discuter salaire et contrat.. Là, c'est la fin ! Une infirmière en clinique en CDI avec 3 ans d'ancienneté qui gagne 1350e par mois.. C'est juste abusé. J'étais dans la vente avant et je gagnais beaucoup plus que ça ! Puis si je faisais mon chiffre tant mieux, sinon tant pis ! Pas de prime mais au moins, pas de mort d'homme... Alors que là...
Et là je vois toutes mes copines de promo qui sont baladées dans les services de l'hosto au gré des besoins, et les autres qui attendent de voir leurs noms sur le planning du mois prochain parce qu'elles ne savent pas si elles vont être prolongées ou pas..

Pour avoir fait plusieurs métiers, je n'ai jamais ressenti cette sorte de pression, ce stress, ce devoir de faire vite avec de tels enjeux !

D'un côté je languis décembre pour être diplômée, mais d'un autre.. Je ne sais même plus où j'ai envie d'exercer.
2016 IDE
2020 MBA Gestion de la santé et de la sécurité au travail - Québec
Avatar de l’utilisateur
taraillette
Forcené
Forcené
Messages : 268
Inscription : 10 oct. 2011 19:51
Localisation : ile de la Méditérranée.....

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par taraillette »

Merci de ton honneteté et de ta franchise auxquels tu pourras ajouter le melon qu ont certaines IDE... je te rassure dans le libéral ce n'est guère mieux...!!

J'ai quitté il y a bien longtemps les structures... en choisissant une soi disnat liberté ... le libéral...

Tente quand même de poursuivre dans ta voie.... tu pourrais peut etre tomber sur une structure qui te correspondra plus!

En tout cas, le malaise est certain dans notre profession!

Et vu le manque de solidarité entre nous.... ce n'est pas gagné!!

A bientôt et encore merci de ta lettre...
Avatar de l’utilisateur
Axoul57
Messages : 3
Inscription : 06 sept. 2014 10:19

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Axoul57 »

Merci pour vos messages. Je les lis et ça me fait du bien. Je vous soutiens tous pour vos études/ carrières. Ne lâchez rien vous non plus. Je pense que des personnes s'interrogeant sur leur conditions de travail et les valeurs associées sont de bons professionnels aptes à faire bouger les choses. On a besoin de vous :)
Avatar de l’utilisateur
taraillette
Forcené
Forcené
Messages : 268
Inscription : 10 oct. 2011 19:51
Localisation : ile de la Méditérranée.....

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par taraillette »

Puis je ajouter Jo bis que la solidarité infirmière est un peu en berne.... ? :roll:
Avatar de l’utilisateur
Jo_bis
Modérateur
Modérateur
Messages : 10258
Inscription : 30 janv. 2004 10:33

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Jo_bis »

taraillette a écrit :Puis je ajouter Jo bis que la solidarité infirmière est un peu en berne.... ? :roll:
Non, je suis en possession de mes "capacités solidaires" et à fond. :D
Je comprend la baisse de moral de Axoul57.
Elle a son vécu, je l'entend aussi mais à quoi sert-il professionnellement parlant ?

Je ne vois pas ceci comme un bilan de notre profession mais plutôt comme un constat fait par un(e) ESI qui est confrontée à la réalité professionnelle, qui ne va pas aller en s'arrangeant et je le déplore.

Mon conseil : armez-vous psychologiquement à ce qui vous attend car ce ne sera pas facile.
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
Avatar de l’utilisateur
taraillette
Forcené
Forcené
Messages : 268
Inscription : 10 oct. 2011 19:51
Localisation : ile de la Méditérranée.....

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par taraillette »

Jo_bis a écrit :
taraillette a écrit :Puis je ajouter Jo bis que la solidarité infirmière est un peu en berne.... ? :roll:
Non, je suis en possession de mes "capacités solidaires" et à fond. :D
Tant mieux! Je parle de solidarite pas uniquement de vous :-)
Je comprend la baisse de moral de Axoul57.
Oui d'autres aussi
Elle a son vécu, je l'entend aussi mais à quoi sert-il professionnellement parlant ?
A faire avancer notre profession justement

Je ne vois pas ceci comme un bilan de notre profession mais plutôt comme un constat fait par un(e) ESI qui est confrontée à la réalité professionnelle, qui ne va pas aller en s'arrangeant et je le déplore.
Donc on se laisse tomber... ?

Mon conseil : armez-vous psychologiquement à ce qui vous attend car ce ne sera pas facile.
Mon conseil, armez vous et serrez vous les coudes ... peut être... ? :-)
Avatar de l’utilisateur
Jo_bis
Modérateur
Modérateur
Messages : 10258
Inscription : 30 janv. 2004 10:33

Re: Lettre d'une presqu'infirmière

Message par Jo_bis »

Jo_bis a écrit :Elle a son vécu, je l'entend aussi mais à quoi sert-il professionnellement parlant ?
taraillette a écrit :A faire avancer notre profession justement
Mais pour avancer, il faut dépasser, et de loin, la phase de "constat".
Axoul57 est encore ESI, elle a une expérience d'ESI mais aucun recul professionnel.

Je considère que, pour avancer, passer la phase critique, il faut passer à la phase constructive et là, ce n'est pas le cas (car ESI).
taraillette a écrit :Donc on se laisse tomber... ?
Non, on fait des propositions, un avenir, ça se construit.
taraillette a écrit :Mon conseil, armez vous et serrez vous les coudes ... peut être... ?
Sûrement !!! :D
"Il suffit de nous regarder pour voir comment une forme de vie intelligente peut se développer d'une manière que nous n'aimerions pas rencontrer."
Stephen HAWKING
Répondre